En effet, ce sont les membres d'une "légende" de la scène électro-punk industrielle que Music Waves a eu la chance de rencontrer. Ils font le point avec nous après 11 années de silence...
Struck : Salut, Pouvez-vous vous présenter rapidement aux lecteurs de Music Waves qui ne vous connaîtraient pas ?
Marco : Marco, j’suis à la base du groupe. Chanteur de Treponem Pal.
Didier : Moi, j’suis Didier, j’suis arrivé dans le groupe en 94/95 pour finir les tournées d’« Excess and Overdrive » et enregistrer l’album « Higher » et voilà… je m’occupe aussi des machines, des synthés…
Polak : Et moi, Polak, guitare depuis un an avec Treponem Pal.
Struck : Polak ? Rapport avec tes origines ?
Marco : Oui… C’est des origines d’antan puisqu’il y a eu un lien avec la Transylvanie aussi… (Sourire).
Struck : Pourquoi ce nom Treponem Pal ?
Marco : C’est un nom qui ressemblait surtout à rien et comme nous, on a toujours eu une volonté de ne pas être classée et bien voilà ; on a choisi Treponem Pal parce que ça ressemblait à rien, tu vois ! Ca fait pas ci, ça fait pas ça !
Donc voilà, c’est plus pour la sonorité que la signification qui est le virus qui donne la syphilis.
Struck : Tu parlais de classification : l’évolution de la musique de Treponem Pal va dans ce sens ? Enfin, comment qualifierez-vous la musique actuelle de Treponem Pal ?
Marco : Bah moi, j’suis pas sûr que ce qu’on fait maintenant soit si différent de ce qu’on faisait avant puisque le côté rock industriel est toujours là !
Parce que, pour toi, notre musique est différente d’avant ? De notre premier album ?
Struck : Oui quand même !
Marco : Oui, il y a moins de froideur…
Didier : C’est clair que les deux premiers albums étaient très froids, ça c’est clair. Maintenant, j’pense qu’on arrive à retrouver quand même les grandes lignes !
Struck : Justement cette musique à qui s’adresse-t-elle ?
Marco : A qui le veut !
Didier : Ouais, à qui le veut justement… Ca c’est quelque chose qu’on ne définit pas quoi ! Parce qu’on nous classe métal, on nous classe indus, on nous classe gothique, on nous classe tout ce qu’on veut…
A la limite, dans nos concerts, on voit des gens de toutes ces tribus-là mais on voit des gens qui sont inclassables…
Marco : En général, dans chaque genre, les rockers, les métalleux, les punks, toutes sortes de gens… c’est, on va dire en général, ceux qui ont l’esprit le plus allumé, le plus ouvert dans chaque genre qui viennent nous voir quoi, c’est clair, quoi !
Quand on discute avec ces différents publics justement, on s’aperçoit que ce sont des mecs qui aiment et testent différentes choses, c’est clair et net !
Struck : Une ouverture d’esprit ?
Marco : Ouais, ouais, c’est clair !
Struck : Pourquoi y a t’il eu autant de changements de line-up dans Treponem Pal ?
Marco : Parce que faire un groupe que ce soit Treponem Pal ou un autre groupe : quand tu dures dans le temps comme ça, c’est très rare que le noyau reste vraiment le même et parce que avoir cette vie-là, c’est vraiment pas simple du tout !
C’est pas évident du tout : tu vivotes plutôt qu’autre chose, au jour le jour, et ça, tout le monde n’est pas prêt à l’accepter.
Donc t’as beaucoup de gens musiciens qui sont des rêveurs et qui mis en face à la réalité perdent leurs moyens et voilà…
Et par moment ce qui a pu se passer, y’a aussi d’autres membres de Treponem qui continuent dans la musique comme l’ancien batteur Didier Serbourdin qui fait des chorégraphies, des gens qui font d’autres choses qui travaillent dans le cinéma, un truc artistique…
Mais bien souvent, ça a été le fait d’être mis au pied du mur, de se dire « Faire ça au jour le jour, c’est pas gagner énormément d’argent et c’est s’investir à mort ! » et ça tout le monde n’a pas le caractère !
Struck : Tu as parlé de « vivoter » de la musique. A ce titre, vous ne vivotez que de musique ou vous faîtes quelque chose à côté ?
Marco : Pratiquement. On fait de la musique depuis 20 ans et ça m’est arrivé de travailler… ouais, dans le cinéma, de faire des choses parallèlement, travailler pour des maisons de disques, faire des projets de compilations, faire des remix, voilà, toujours des choses qui touchent à l’art en général.
Mais ouais, ça m’est arrivé de cumuler plusieurs choses pour pouvoir… euh… survivre !
Struck : Tu as dis faire de la musique depuis 20 ans. Quelle est votre vision de la scène métal en général et française en particulier ?
Marco : Pas que métal ! On n’est pas issu de la scène que métal. Nous, à la base, on vient de la scène punk… De la scène rock en général, on va dire !
L’évolution en France est incroyable, on n’a plus rien à envier, pour moi, aux étrangers, enfin aux anglais et aux américains. Donc, on a plein de bons groupes en France qui sont… après bon, ils ont du mal à s’exporter ou du mal à se construire et à durer dans le temps pour certains parce que par un problème ; j’pense que ce qui manque le plus en France, c’est le problème de savoir gérer et faire la vie de rocker et voilà, ça veut dire savoir gérer sur le long terme et d’arriver à ce que ça tienne ! J’pense que le problème pour beaucoup de groupes qui ne tiennent pas la route sur la longueur c’est à cause de ça, qui vont au clash à cause de galères et de cumuler, les gars n’y croient plus, tu vois !
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Struck : Et vous, vous y croyez ?
Marco : Et bien, nous on y a toujours cru sinon on ne serait pas là !
Didier : C’est clair, c’est pas obligatoirement facile la vie d’un groupe de rock. J’pense qu’effectivement il y a beaucoup de jeunes qui montent des groupes de rock et pensent que, très vite, ça va être la vie de stars, quoi ! Mais faut pas rêver, quoi !
Struck : Et votre avis sur Internet et les changements que ça a entraîné sur le business musical ?
Marco : On suit les choses, voilà ! Le fait d’acheter le disque par le net… Après le téléchargement gratuit ; j’suis pas tout à fait pour !
Struck : Pourtant certains groupes inconnus voient ce procédé comme une opportunité et être ainsi diffusé comme jamais ils ne l’auraient été…
Marco : Bah voilà, c’est un bon élément de promotion mais quelque part, en même temps, trouver tous les albums gratuitement ; moi, j’suis pas trop pour, quoi… Nous, on passe du temps à faire notre musique pour pouvoir la vendre, la promotionner, c’est pas pour qu’elle soit téléchargée du jour au lendemain comme ça ; ça n’a pas vraiment de sens !
Didier : Après, voilà, on n’a pas le choix !
Struck : Vous vivez donc de vos concerts ?
Marco et Didier : Essentiellement, oui…
Struck : Quelles sont vos influences ?
Marco : Dans le passé, pour démarrer Treponem, il y a eu… en fait, on était ouvert à plein de choses, pleins de genres musicaux, que ce soit hip-hop, musique industrielle électronique, hardcore punk, métal et même heavy métal. Donc pleins de trucs, toujours les choses les plus extrêmes, les plus intenses, on va dire, puisqu’on aime même des trucs à la façon Pink Floyd, progressif et tout.
Citer des noms… ? On va dire pour les débuts de Treponem… on va dire The Birthday Party, le premier groupe de Nick Cave et on a toujours suivi ce que faisait Nick Cave…
Didier et Marco : Les Swans…
Didier : Head of David,
Marco : Head of David euh et ensuite, on s’est retrouvé à évoluer avec, par exemple, un des premiers membres de Head of David, Justin Broadrick qui, par la suite, a monté Godflesh et qui évoluait en même temps que nous quoi !
On s’est retrouvé à tourner avec lui, à jouer avec lui, à dormir chez lui, lui dormir chez nous… Et de là, on a de fait créé des liens avec certaines personnes…
Struck : Ce qui explique qu’à une certaine époque, vous ayez été plus populaires à l’étranger qu’en France ?
Marco : Non, ça c’est venu du fait qu’on ait signé chez Roadrunner Records en 89 et, à l’époque, la façon dont fonctionnait ce gros label indépendant ; ça fonctionnait c’est à dire que la maison mère imposait à chaque bureau, dans chaque pays de sortir l’album du groupe…
Didier : Chose qui ne fait plus maintenant…
Marco : Roadrunner ne fonctionne plus comme ça.
Didier : Chaque album Roadrunner sortait obligatoirement dans tous les pays.
Marco : Voilà ! Donc nous, c’est ce qui c’est passé en 89. Quand c’est sorti, c’est sorti simultanément dans le monde entier. Donc de là, y’a eu un regard sur nous, par chance aux Etats-Unis et c’est là qu’on a eu des groupes comme Prong dont on a fait la première partie et on a fait une des meilleures tournées ; ça a été Prong !
Y’a eu Sepultura aussi, on nous a proposé des trucs, on a tourné avec Nine Inch Nails…
Donc, pas mal de gens différents avec qui on a fait des trucs solides et puis Ministry, Godflesh en Angleterre, Young Gods avec qui on partageait l’affiche. Donc voilà, quoi !
J’veux dire que ça nous a énormément aidés et par la suite, on a eu la chance de quitter Roadrunner…
Struck : Pourquoi la chance ?
Marco : Parce que c’était un label qui ne savait pas exactement comment travaillait un groupe comme nous et c’était beaucoup axé justement sur le métal. A l’époque, y’avait aussi qui jouait contre nous le fait qu’il n’y avait pas énormément de groupes comme nous.
Donc y’a eu un moment, par exemple, on s’est retrouvé à tourner avec Carcass qui étaient de très bons mecs, on était pote avec eux, donc on a fait une super tournée humainement, voilà mais ça a été une catastrophe…
Struck : C’est pas du tout le même public !
Marco : Ouais, ouais, le public n’accrochait pas à ce qu’on faisait, c’était une erreur totale. Donc, y’a eu des plans comme ça donc on a pu paraître chez eux comme une erreur contractuelle qu’ils ont faîte. Donc ça a été carrément une aubaine envoyée de Dieu de la quitter !
Struck : Et pourquoi signer chez Listenable ?
Didier : C’est un label qui nous convient bien et puis sinon, parce qu’ils sont très biens, ils travaillent très bien à l’étranger par exemple, et ils ont une excellente réputation dans ce sens-là ! Bon, justement, y’a le fait faut savoir qu’entre Roadrunner et maintenant, y’a eu l’épisode major ! C’est parce qu’on avait été remarqué par le boss de Mercury US qu’on a signé chez Mercury France…
Marco : L’intérêt est encore venu de l’étranger, si tu veux. C’est à dire au moment où on s’barre de chez Roadrunner donc à l’époque on a un intérêt de l’étranger, et quand on se sépare de Roadrunner, à ce moment-là, on recherche un label et il se passe encore un truc incroyable à savoir que le mec avec qui on voulait bosser, le mec qui avait NTM, le mec avait donné à Danny Goldberg qui était à l’époque un directeur artistique énorme, celui qui avait fait exploser le gangsta rap aux Etats-Unis et c’est ce mec-là qui est le boss de Mercury USA qui appelle Mercury France en leur disant « vous avez un groupe Treponem Pal, on le veut ! ».
Et j’peux te dire que chez Polygram/Universal, c’était jamais arrivé que les Etats-Unis appellent pour avoir un groupe. Donc, en très peu de temps derrière, ils sont venus nous signer, on a signé et c’est là que… (s’arrêtant pour laisser la parole à Didier).
Didier : … (Rires) alors le major avait ses avantages et ses inconvénients à savoir l’avantage c’est que « Higher » est l’album qu’on a le plus vendu, l’inconvénient c’est que il s’est vendu que sur la France. Si tu veux, les majors sont extrêmement cloisonés quoi ! De fait, Mercury là-aussi c’est pas le label idéal pour savoir bosser avec des trucs comme nous, quoi ! Ils bossent que du très gros, quoi ! Et de fait lorsque Mercury France envoyait Treponem Pal aux Mercury Allemagne etc, aux pays étrangers ; les mecs recevaient ça et qui avaient l’habitude de travailler avec Bon Jovi, ils disaient « Qu’est ce que c’est que ce truc, quoi ? ». Et donc, de fait, on a perdu l’exposition qu’on avait à l’étranger jusque là, quoi ! C’est pour ça, là on n’était pas partant pour retenter un plan major, quoi, à priori ! Vu qu’on est bien plus à l’aise dans notre style, c’est un label comme Listenable quoi !
Struck : Vous n’y couperez pas : « Higher » a donc été l’album de la reconnaissance vis à vis du public français notamment avec le passage télé…
Didier : … le passage sur Canal Plus ! Oui, c’est possible que ça nous ai amené du public ; c’est sûr !
Struck : C’est certain et en particulier, le sketch des Guignols qui en a découlé…
Marco : Ca nous a fait de la promo. Le but c’était de faire de la promo avec cet événement mais ça s’arrête là ; c’est un événement, un truc ponctuel à l’époque, point barre, quoi ! On n’a pas à épiloguer là-dessus, voilà quoi !
Struck : Tu as l’air de regretter : si c’était à refaire ?
Marco : Non, on ferait autre chose mais quoi ? On sait pas encore… On verra à ce moment-là, quoi !
Didier : C’était pas non plus très réfléchi, hein ! C’était décidé comme ça avec Canal Plus.
Struck : C’était donc quelque chose de prévu et non pas un impro incontrôlée !
Marco et Didier : Oui, oui !
Struck : Quelles ont été les réactions de votre entourage suite à ce passage télé ?
Marco : Très positif ; aucun problème !
Struck : Que vouliez-vous faire quand vous étiez gamins ?
Marco : Moi ? (Silence)… Maton ou motard dans la police !
Didier : Moi ; Père Noël !
Polak : Guitariste de Treponem Pal !
Struck : Etes-vous fiers de ce vous êtes devenus ?
Marco : … Oui, ouais, carrément !
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Didier : C’est du boulot, c’est un investissement et bon, le fait de pouvoir être toujours là maintenant ; oui, c’est clair !
Marco : … et de pouvoir faire ce que l’on veut surtout depuis des années, quoi !
Didier : … et on n’a jamais fait ce que l’on ne voulait pas !
Marco : … essayer de pouvoir faire ce que l’on veut et à essayer de pouvoir faire mieux que ce que l’on veut ; ça a quand même un prix, voilà !
Struck : Je vais vous laisser parler un peu de « Weird Machine » le nouvel album de Treponem Pal : Comment le définiriez-vous ? Des changements, des évolutions… ?
Marco : Y’a un côté plus punk, plus direct, plus psyché par moment mais surtout notre efficacité, notre identité est toujours là, c’est le plus important !
Didier : C’est un album à la fois très rentre-dedans et en même temps relativement accessible, je pense… De toute façon, notre but n’est pas de faire de l’hermétique, c’est clair ; ça n’a jamais été ça !
Bon, évidemment, il n’y a plus les côtés reggae, les côtés technoïdes qu’il pouvait y avoir dans « Higher » ; c’est beaucoup plus urgent, quoi !
Là, c’est vraiment… bon, parce que déjà, on a passé des années dans le reggae tout ça et qu’on s’est exprimé à fond de ce côté-là et en plus, parce que là intérieurement, ça bouillait quoi !
Marco : Ca retourne aux origines du groupe surtout ! « Higher » et Elephant System… bon, Elephant System, c’était un autre projet après « Higher », c’était une parenthèse à un moment où on sentait qu’on voulait faire autre chose !
Cet album est beaucoup plus dans l’esprit des trois premiers albums qui sont vraiment dans l’esprit du Treponem Pal tel qu’il est normalement !
Struck : Question bête : Pourquoi chantes-tu en français ?
Marco : J’trouve que le feeling en anglais pour ce genre de musique c’est toujours mieux adapté. C’est quand même aussi ce qui nous a permis de signer sur Roadrunner à l’époque, c’était un truc assez décisif par rapport aux autres groupes qui avaient été proposés là-bas pour s’exporter… Et puis, voilà, c’est surtout une histoire de feeling pour balancer ton énergie sur ce type de musique, après le français, ça fonctionne aussi ; les Young Gods le prouve !
Didier : Oui et puis, on a fait l’expérience sur l’album « Higher » d’ailleurs !
Marco : … mais je dis pas qu’à l’avenir, peut-être sur le prochain, on verra, on refera des trucs en français pour voir. Ca se travaille, y’a des trucs marrants à faire, mais là, je le sentais vraiment simplement en anglais !
Struck : Question « Lost » : votre avion se crashe sur une île déserte mais le scénariste est sympa, il vous laisse emporter 5 albums dans votre valise ? Lesquels choisiriez-vous ?
Didier : Ouh la la la la la (Sourire).
Marco : Moi, j’dirais les Stooges « Fun House »
Didier : Ouais, pas mal !
Marco : J’dirais Grinderman Man le dernier… enfin et seul album ; Nick Cave !
Y’aura l’album « Am I Black Enough for You ? » de Schoolly D un rappeur américain.
Didier : « Strange Days » des Doors…
Marco : … « Strange Days » des Doors…
Didier : Et puis sûrement, un album des Pink Floyd, j’pense…
Marco : … et un album des Pink Floyd !
Struck : Eclectique mais surtout des vos goûts musicaux communs…
Didier : C’est clair !
Marco : Ah bah, c’est évident ! Pour nous, c’est important, pour jouer dans Treponem Pal si les gens n’ont pas les mêmes goûts que nous ; ça ne peut pas marcher du tout mais alors pas du tout, c’est impossible !
Après, on peut écouter des trucs très différents ; y’a pas de problème. Chacun a des goûts très différents, y’a pas de problème !
Didier : Mais sur l’essentiel, on est d’accord !
Marco : Voilà, voilà ! Sinon ça ne peut pas marcher !
Struck : Un petit dernier mot pour vos fans qui liront sur Music Waves ?
Marco : Et bien, qu’ils viennent nombreux à nos concerts. On les attends de pieds fermes et qu’ils viennent s’éclater aux concerts massivement, quoi !
Struck : Merci.
Marco : Bah c’est nous : merci !
En guise de cadeau de fin, Marco nous fait grâce d'un dessin le représentant ! Un grand merci à Jess de Listenable sans oublier Olivier du Kata Bar.
Plus d'informations sur http://treponempal.com/