Le pire album du Floyd ? Pas si sûr. Car s'il est plein de défauts, "A Momentary Lapse Of Reason" garde un petit intérêt bien à lui. Oui, c'est vrai, cet album marque une sacré coupure après l'esprit seventies. Jouer sur des batteries digitales, intégrer des sons asceptisés sauce new-wave à chaque mesure, sortir un tube au parfum de New Kids On The Block, n'étaient peut-être pas les meilleures idées que David Gilmour ait pu avoir dans sa carrière.
Il faut dire que ce disque a bien failli ne jamais voir le jour. ALors que Waters annonce la mort de Pink Floyd en 1983, Gilmour entend refuser à son ancien partenaire le privilège de saborder le navire et reprend la barre de gré ou de force. Après avoir combattu Waters avec un album solo et une tournée ad hoc, Gilmour sort l'arme ultime : reformer Pink Floyd. Nous sommes en 1986 et seul Mason (toujours prêt à taper où Gilmour le lui demande) répond à l'appel. Wright, en proie à une grave crise personnelle, ne rejoindra les deux autres qu'à la fin de l'enregistrement.
Pour Gilmour, "A Momentary Lapse Of Reason" était donc un défi à composer dans l'urgence. Il n'hésite pas à s'entourer de compositeurs et paroliers divers pour finir le disque (dommage que Wright ne fut pas capable de jouer ce rôle...). Il produit, enregistre, organise, vend, un album qui finalement semble partiellement lui échapper, tant son souci de sauver l'existence du groupe occulta son véritable sens artistique.
C'est pourquoi "A Momentary Lapse Of Reason" ne cesse de ternir lui-même ses meilleurs passages. "Signs Of Life", ouverture instrumentale au nom évocateur, aurait pu être magique si elle ne débouchait pas sur l'atroce "Learning To Fly". "The Dogs Of War", sa guitare, son saxophone-surprise, auraient pu être une jouissive relecture de "Money" s'il n'était pas suivi par l'atroce "One Slip". "On The Turning Away" est le digne successeur de "Wish You Were Here", et "Yet Another Movie" le digne successeur de rien du tout. "A New Machine" et "Terminal Frost" seraient géniaux sans ce son fadasse et prévisible qui gâche tout l'album, et "Sorrow" serait une conclusion extraordinaire s'il n'y avait pas des accords de synthés et le rythme de batterie le plus plat de tout le Floyd.
En bref, composé à la hâte et destiné plus à servir l'histoire du groupe que sa renommée, "A Momentary Lapse Of Reason" est un disque qui coupe son bras droit avec son bras gauche. Il mérite donc la moitié des points.