Souvenez-vous 'Si c'est bon comme ça", 'Ensemble" et plein d'autres tubes qui ont jalonnés votre adolescence. Et bien, Sinclair est de retour avec un best of... Si les esprits chagrins pourraient prétexter un manque d'inspiration ou une volonté purement mercantile, Sinclair nous explique qu'il n'en clairement rien ! Le but avec ce "Best Of Studio" est de signaler à son public qu'il est de nouveau de retour et qu'il brûle d'impatience de le retrouver sur scène lors de sa prochaine tournée et plein d'autres choses à venir...
Quelle est la question qu’on t’a trop souvent posée et à laquelle tu aurais marre de répondre ?
Sinclair : "Pourquoi Sinclair ?" (Rires)
L'idée du "Best Of" est vraiment un choix artistique, ce n'est pas un choix de sortir un disque pour faire de l’argent.
Et on ne te la posera pas (NdStruck : nom en référence au héros de la série "Amicalement vôtre"). Ton actualité et ton retour est ce "Best Of Studio" qui n’est pas seulement une compilation, mais aussi une relecture avec remasters, inédits et démos. Avais-tu envie de montrer une autre facette de tes chansons, presque comme si tu leur offrais une seconde vie contrairement aux deux précédentes compilations sorties "Comme je suis" en 2004 et "Best Of Sinclair" sortie en 2008 ?
Disons que j'avais envie avec ce "Best Of" de montrer que ces chansons c'est un choix dans le temps c'est-à-dire qu'elles ont plusieurs vies. Ce qui était amusant pour moi, c'était de montrer les démos -je ne suis pas le seul à l’avoir fait- mais ça montre à quel point on a un processus créatif entre le moment où on arrête la démo et le moment où on décide que c'est fini, qu'on le sort.
Il faut également savoir que je suis producteur et éditeur de mon travail donc j'ai mon catalogue, je fais ce que je veux avec et c'est vraiment génial. Et là l'idée du "Best Of" est vraiment un choix artistique, ce n'est pas un choix de sortir un disque pour faire de l’argent. Je repars en tournée et je me dis que le meilleur moyen de refaire écouter aux gens ces morceaux, c’est de leur remettre dans les oreilles avec un "Best Of".
J'ai également fait la pochette, j’ai pris la photo, c'est vraiment de l'artisanat ! Et donc le choix est aussi de redonner une vie à ces chansons mais c'est aussi un moyen de leur donner une autre forme c'est à dire qu’on les colle à côté d'autres, même si je ne sais pas qui écoute un album en entier aujourd'hui…
C’est une question que je pose à chaque interview…
C’est vrai d'ailleurs, c'est une question qui se pose quand on fait un disque aujourd'hui, quand on sort un vinyle. J'ai l'impression que sortir un vinyle avec plein de titres, c'est un peu un moyen de dire qu’il se passe quelque chose et que même si je sais qu’ils ne vont pas forcément l'écouter en entier, c’est quand même montrer qu’il se passe un truc.
Mais je fais mes disques avec envie et passion parce que je trouve ça génial et remettre les mains dedans. C'est assez marrant de remettre les mains dans les démos : j'ai dû racheter un DAT par exemple, j'ai dû aller sur le Bon Coin pour trouver un DAT, plus personne n'en a, quelqu’un m'en a filé un mais il ne marchait pas : Indiana Jones quoi (Rires) !
Je suis assez fier de ce que j'ai fait !
Quand tu réécoutes tes premiers morceaux remasterisés, entends-tu davantage tes fulgurances d’époque… ou tes maladresses que tu aurais envie de corriger ?
Je trouve qu’étonnamment en récoutant les titres, je suis assez fier de ce que j'ai fait ! J'ai dépassé le moment du jugement. Je me remercie d'avoir fait ce travail. Je me dis que je suis allé au bout. A l’inverse, je me demande comment j’ai fait pour laisser passer certaines choses, certains accords étranges. Mais je ne pouvais pas l'entendre à l'époque. C'est assez rigolo de pouvoir revenir dessus mais c'est aussi assez intéressant de pouvoir
remasteriser. Si je voulais, mais je ne le ferai jamais, j'aurais remixé certains titres... mais non, ce n'est pas possible !
A cet égard, tu as choisi de remasteriser certains titres de ce best of, mais un morceau ‘Si c’est bon comme ça’ a été conservé dans sa version originale. Pourquoi avoir décidé de laisser uniquement celui-ci tel quel ? Est-ce parce qu’il incarne une authenticité ou une énergie particulière que tu ne voulais pas altérer ?
Non, je crois qu'il était bon comme ça (Rires). Elle est bonne celle-là ?
Tu ne jamais faite ?
Non, elle toute neuve (Rires) !
Après, c'est marrant parce qu'il faut savoir que ‘Si c'est bon comme ça’ a peut-être une dizaine de vies avant de finir sur l'album. La version qu'on a sortie en single en 1998 n'est pas celle qui figure sur l'album. C'est une version qu'on a rejouée après x dates de tournée, on s'est rendu compte que la version qu'on jouait était plus intéressante que celle sur l'album. Ce qui n'est pas tout à fait vrai : elle n'est pas plus intéressante mais elle avait un peu plus d'énergie. C'est donc un morceau qui se prête au changement et peut-être que là il y a eu aussi envie de le laisser en l'état.
Pourquoi avoir choisi d’y inclure des inédits plutôt que de proposer uniquement une rétrospective figée ?
Parce que je fais partie des gens qui jettent beaucoup. J'ai mis de côté énormément de morceaux et en remettant les mains -surtout les oreilles- sur les DAT, les mini-discs, je suis retombé sur ces titres et je me dis que c'était trop con de ne pas en faire profiter ceux qui achètent un
best-of parce qu’en général, ces gens ont envie d'écouter le travail. L’idée est de leur donner des inédits -qui à mon goût- sont des super inédits. D’ailleurs, je suis un peu dégoûté de ne pas avoir mis ces inédits sur les albums sur lesquels ils devaient être.
A cet égard, de quelle année date ‘La rivière’ qui a un charme certain ?
‘La rivière’ est un titre qui devait être sur "Morphologique".
Je pensais que c’était des inédits récents ?
Non, ce sont des inédits de l’époque. Ce sont des faces B, ce sont surtout des morceaux qui n'ont pas trouvé leur place et que je n’ai pas finis. On sent bien que je ne l'ai pas fini, on sent qu’il manque un truc. Et puis, il évoque certainement pour l'époque une histoire douloureuse et en regardant le nuage nébuleux de ce bordel de l'époque, je vois très bien pourquoi je ne l'ai pas mis et pourquoi je suis passé à autre chose. Mais en le réécoutant, je me dis que c'est un super titre... Et donc ce ne sont que des inédits de l'époque. Et c'est ce qui est intéressant, c'est que ce sont des morceaux qui n'ont pas trouvé de place.
Il y a également ‘Comme une arme’ que j'ai mis en inédit sur le vinyle que j'ai sorti de "La bonne attitude" il a deux-trois ans. Mais c'est une autre version encore -je ne me rappelais plus qu'il y ait cette version- mais en cherchant dans les mini-discs, j’ai constaté qu’il y avait cette version aussi. Je me dis que c'est un peu un clin d'œil pour ceux qui avaient déjà l'inédit, qu’il y a également des versions bis, ter… des inédits.
Faire un best of implique forcément de choisir certains titres et d’en écarter d’autres. Comment as-tu procédé pour établir la sélection finale parmi toute ta discographie ?
Je l'ai fait très simplement à savoir qu’il fallait mettre les titres que les gens connaissent un peu et ne pas trop s'écarter de ça. Sinon j'aurais pu faire un
best-of un peu obscur avec des morceaux que personne ne connaît. A la rigueur, c'est faisable mais autant faire une
playlist parce que graver un vinyle, se faire chier à faire des CDs pour que les gens se disent qu’ils ne connaissent aucun titre et donc ne pas l’acheter... ça ne sert à rien !
L'idée était plus de se rappeler au bon souvenir des gens : je repars en concert et pour la plupart, les gens se rappellent mais c’est loin, peut-être qu'ils ont perdu les CDs, peut-être les ont-ils vendus…
Je trouve assez génial d'être allé au bout de ces histoires
Quand on parle de best-of, on pense souvent aux “morceaux phares”. Mais quelles chansons tes fans te réclament-ils toujours… et que toi, parfois, tu aimerais ne plus chanter et donc si ça tenait qu'à toi, tu ne les mettrais pas sur cette compilation ?
(Rires) C'est marrant parce que j'aurais pu dire "tous" à une époque. Il y a un moment où on rejette un petit peu son travail. Mais j'avoue qu'aujourd'hui -et ce que je disais tout l'heure- c'est que je me remercie. Je trouve assez génial d'être allé au bout de ces histoires.
Je fais une petite digression, mais en concert, parfois se taper ‘Votre image’ et ‘Si c'est bon comme ça’, j'en ai ras la casquette… Mais en même temps, le plaisir partagé avec les gens qui reconnaissent le morceau, ça redonne énormément d'énergie quand tu joues le morceau et que les gens le reprennent avec toi : c'est trippant, c'est drôle : tu le prends un peu comme un costume que tu mets…
Aujourd'hui, quand tu chantes cette chanson sur scène, tu as l'impression de mettre un costume ?
Ouais…
Il y a quelques années [...] j'avais du mal à monter sur scène parce que j'avais d'autres choses à raconter.
Ça ne te représente plus ?
Non, ça ne me représente plus. Je récupère l'énergie de ces morceaux à travers les gens parce qu'on s'amuse à le chanter. Après, il y a quand même le réarrangement qui fait que c'est assez trippant à jouer.
Mais je vais être très honnête, la plupart des textes que je chante, je les chante en me mettant dans la peau de qui j'étais parce qu’il y a des trucs hallucinants : j'ai 55 ans, quoi ! J'ai écrit des chansons, je vais les chanter mais je ne vais pas la transformer. C'est le travail d'interprète qui est assez amusant. Mais il y a quelques années, c'était un problème, j'avais du mal à monter sur scène parce que j'avais d'autres choses à raconter. Mais aujourd’hui, je trouve ça marrant de revisiter ça, il y a un plaisir à partager le passé.
Pour répondre à ta question, sur le "Best Of", il n'y a pas de morceaux que je n'enlèverais pas. Au contraire, c'est con mais si j'avais pu mettre un troisième disque, j'aurais rajouté d’autres morceaux, c'est sûr.
A l’inverse et avec le recul, y a-t-il une chanson de ton répertoire que tu trouves sous-estimée, passée trop vite inaperçue mais que tu considères comme l’une de tes meilleures ?
Absolument. Comme tout chanteur, créateur, producteur, égocentrique, à chaque fois que je fais un morceau, c'est un
single ! C'est bizarre, mais je pense qu'aucun artiste ne te dira qu’il a écrit une phase B. À chaque fois que tu fais un morceau, c'est hyper important de le faire. Si tu es allé au bout, c’est qu’il a sa place et qu’il est au-dessus des autres.
Récemment, même si je n’ai fait aucun effort pour qu'il soit mis en avant, j’ai sorti un titre que j'aime beaucoup, il est extrêmement pop et s'appelle ‘La flemme’.
Aussi pop et réussie soit-elle cette version de ‘La flemme’ n’arrivera jamais au niveau de celle d’Ultra Vomit que je te recommande vivement…
(Rires) !
La musique, je vais la faire vivre sur scène !
Mais plus sérieusement, pourquoi ne pas avoir fait le travail de promotion nécessaire pour ce titre ?
Je pense qu'au moment où j'ai sorti cet album, je n'avais pas ce jus-là. Et j'avoue que j'aimerais bien ne pas être obligé de faire des clips… La musique, je vais la faire vivre sur scène ! Je pense que les gens vont découvrir ces titres sur scène maintenant.
Mais tu es malgré tout conscient qu’au regard de la consommation actuelle de la musique, la promotion d’un single passe nécessairement par une vidéo ?
Oui mais dans mon cas, il passera par la scène (Sourire) !
Ce qui est un handicap…
Certes, mais je l'assume complètement. Aujourd’hui, on sort un "Best Of", le prochain album que je sors, c'est un
live de 2005 que j’ai enregistré, mixé, filmé et monté et qui est dément. Je ne l'ai jamais sorti et je retombe là-dessus, je me dis que je suis complètement fou. Le
live est super bien et dedans, il y a plein de morceaux qui ne sont jamais sortis en
single mais qui sont hyper bien. Cette sortie va donc permettre de faire exister des morceaux avec des versions complètement différentes.
Et peut-être également montrer une facette de Sinclair sur scène que les gens ne connaissent pas forcément ?
Exactement ! Sur scène, c'est complètement autre chose ! Et ce qui est génial sur scène, c'est que tu donnes la chance aux chansons d'être écoutées par des gens qui vont rester au moins une heure voire une heure et demie et non pas sept secondes sur Instagram. Tu as donc le temps de faire rentrer les gens dans un univers. Il m'est arrivé plein de fois d'avoir des gens dans la salle qui ne m'aimaient pas spécialement, qui n'étaient pas là spécialement pour moi, mais qui se sont pris jeu et qu'on trouvait ça super parce que c'est de la musique, c'est de l'humain et c'est surtout vibratoire !
Si je te montre les relevés que j'ai de Spotify, je ne paie pas mon loyer avec mes 17 albums !
Tu as fait deux/ trois allusions à l’industrie de la musique actuelle -les clips, Instagram…- regrettes-tu le tournant qui a été pris ?
Disons que je ne peux pas dire que je regrette parce que je suis vraiment dans l'air du temps : j'utilise la modernité à fond. Ce qui est juste dommage, c’est qu’on a relégué la musique au plan de produit. Ca fait bien vingt ans que ça dure mais là, on est vraiment au summum du summum. Si je te montre les relevés que j'ai de Spotify, je ne paie pas mon loyer avec mes 17 albums ! Les plateformes sont de l’entubage ultime !
Sans compter que demain, nous écouterons des albums créés par de l’IA comme The Velvet Sundown…
Bien sûr ! Je joue énormément avec l’IA, je joue avec tous les outils modernes pour savoir ce que je peux en faire, comment l'intégrer dans mon travail… Je peux te dire qu’il y a des trucs hallucinants et ça doit continuer, ça doit exister parce que ce sont des outils.
Mais nous en tant que musiciens, les plateformes, l'algorithme fou, Instagram…ce ne sont que des trucs américains et quand tu vois où ils nous emmènent, tu n'as pas spécialement envie de suivre leur
flow.
Je mets ça de côté parce que ce qui m'intéresse, c'est de continuer à parler à mon public et le seul moyen, c'est de pouvoir le faire venir dans les salles. Et en sortant un
best-of, c'est une façon de se rappeler à leur bon souvenir. Mais je t'avoue que je ne me relancerai pas dans de la promo intensive d'album, des clips... Ca ne m'intéresse pas.
Et du coup, tu as prévu cet accompagnement en "live" en d’autres mots présenter la place des nouveaux morceaux comme ‘La flemme’ dans ta vie d’artiste ?
Pas du tout. C'est assez brut ! Sur scène, je contextualise plus la forme générale, je raconte un peu quelques histoires. Je me dis que si quelqu'un tripe un morceau, il va peut-être se renseigner mais je ne raconte pas dans le détail. Mais pourquoi pas, je note avec un énorme QR Code projeté derrière (Rires) !
Tes chansons ont souvent un groove très marqué, un peu comme si la basse racontait une histoire parallèle aux paroles. Est-ce que, pour toi, Sinclair, c’est d’abord une rythmique avant même d’être une voix ?
Je pense que c'est véritablement une schizophrénie tout ça ! On est plusieurs à vouloir raconter la même histoire mais on prend des chemins différents !
Mais en fait c'est plus simple que ça. Quand je fais un morceau, il y a rarement de la réflexion. C'est assez nucléaire la façon dont ça sort. C'est difficile de travailler avec un producteur parce que j’ai vraiment ma façon de faire mais chaque partie a son indépendance. Il y a très peu de choses dans la musique que je fais qui est là par hasard. Ce n'est pas de la prétention : si c'est là, c’est que ça doit sortir et ça doit être là. Mais j'avoue qu'il a des moments où c'est un peu le bordel (Sourire) !
On s'est battus avec les radios !
En France, peu d’artistes ont osé mettre autant de funk dans la pop. As-tu parfois eu le sentiment de t’être “battu” pour imposer ce son ?
On s'est battus avec les radios, ça c'est clair ! Il faut quand même savoir que quand on est arrivés au début avec nos titres, on se faisait jeter… Jusqu'à ce qu'un truc anglo-saxon arrive un an après… Ça a été dur de faire accepter que ça pouvait groover alors que - sans comparaison aucune parce que j'ai beaucoup de respect pour lui - Michel Berger avait réussi à faire ça. Dans son style, Michel Berger groovait à mort dans sa musique très inspirée de la soul très blanche.
Après je le reconnais, mes chansons ne sont pas toutes faciles. Ce ne sont pas toutes des
singles, les bons
singles sont passés à la radio, les mauvais ne sont pas passés et ça je les reconnais…
Mauvais ?
Quand tu joues les chansons sur scène, tu aperçois des faiblesses des chansons. Tu le sens tout de suite, notamment quand tu arrives sur la partie faible de la chanson.
Tes textes parlent beaucoup de relations humaines, mais rarement de façon frontale. Avec l’expérience, penses-tu que tu écrirais différemment ces thèmes aujourd’hui ?
Je pense qu'aujourd'hui j'écrirais d'autres choses effectivement mais je suis assez content de les avoir écrites comme ça parce que moi je suis quand même arrivé sur cette planète en étant assez timide et introverti et je m'en suis bien tiré. Je pense que les chansons m'ont permis de faire ça et c'est vrai qu’aujourd'hui, j'écrirais ce que je suis en train d'écrire, à savoir des textes beaucoup moins introspectifs et beaucoup moins autocentrés. Je pense avoir passé cette grande phase de "moi, moi, moi" et être arrivé à quelque chose d'un peu plus ouvert.
Mais "Moi, moi, moi, moi, moi", ce n’était pas le riff de ‘Si c’est bon comme ça’ ?
(Rires) C’est un peu ça ! Désormais, ça serait "Toi, toi, toi, toi, toi" !
Ma musique passe plus d'énergie qu'autre chose
Tu en parlais un peu tout à l’heure, ta carrière s’est construite en parallèle d’une époque où la musique française cherchait à s’ouvrir davantage aux influences anglo-saxonnes. Te considères-tu comme un “passeur” dans ce mouvement ?
J'ai essayé de faire le pont avec cette musique, j'ai essayé d'amener ça. Ce que j'en retiens, c'est que ma musique passe plus d'énergie qu'autre chose. Quand je parle d'énergie, ce n'est pas forcément de l'explosion, mais de l'émotion et un groove et une espèce de force... Ma musique n’est pas si éloignée du blues finalement, c’est-à-dire que je ne raconte jamais des trucs hyper joyeux mais j'essaie de le transformer avec une énergie positive. C'est du positif.
Pour aller dans le sens de ce que tu dis depuis le début de cette interview, si tu parles d'énergie, c'est que tu réfléchis ta musique en te projetant sur la scène ?
Ce qui est marrant, c'est que je ne pensais pas la scène avant d'en avoir fait ! Mais je me suis rendu compte que tout prenait sens là-dedans…
C'est vrai que quand j'enregistre, quand je fais une prise de voix, il faut que j'enregistre la prise de voix en entier c'est-à-dire que je commence du début jusqu'à la fin : je n'aime pas faire des bouts... Et ça c'est la leçon de cette énergie : c'est vraiment dur pour moi de couper, de faire juste un couplet. Il faut que ça soit dans le
flow.
Pour en revenir à ta question, passeur, je ne sais pas mais je fais de la musique pour les autres…
Dans tes chansons, il y a toujours une certaine sensualité musicale. Est-ce quelque chose de conscient, ou simplement naturel chez toi ?
Je pense que ma musique est naturelle et ronde, c’est une façon de groover… Si tu veux, la musique la plus antinomique, la plus loin de ma musique, c'est celle des Red Hot Chili Peppers ! Pourtant j’adore ce groupe, qui est un groupe qui génial mais leur groove est tellement carré, alors que la mienne est tout l’inverse.
Si tu veux comparer deux groupes vraiment différents de la même époque et qui ont des grooves différents, tu prends Jamiroquai et les Red Hot : deux groupes qui font du funk mais qui n'ont strictement rien à voir dans la réappréciation. Jamiroquai, c'est rond c’est-à-dire sexy, et je suis dans cette catégorie de musique sensuelle.
Et c’est la raison pour laquelle, certains te rapprochent de Prince ou de Lenny Kravitz, mais quel est, selon toi, l’artiste ou le disque qui t’a le plus marqué au moment de composer tes propres chansons ?
Ils sont nombreux, mais on peut citer Prince à une époque, alors que je ne m'en suis jamais vraiment inspiré directement, mais j'ai toujours eu en tête l'impression qu'il me regardait quelque part, alors il fallait que je fasse les choses d'une certaine manière. Ce que je veux dire par là, c'est que quand j'ai découvert Prince, j'ai eu une révélation sur une force, génie, une espèce de vision… Je l’avais déjà écouté plus jeune, jusqu'au moment où j’ai eu une révélation avec "Purple Rain" en 1984. Et quand tu sais que la moitié a été enregistrée en
live en plus : c’est fou !
Après il y a une Sly Stone mais je peux faire une très très longue liste mais ça dépend des jours, des styles…
[La Nouvelle Star] m'a aidé à devenir un meilleur producteur
On parlait de passeur, ton passage dans l’aventure Nouvelle Star t’a placé dans une posture de transmission et d’accompagnement. Qu’as-tu retiré de cette expérience, et en quoi a-t-elle modifié ton regard sur la jeune génération d’artistes ?
Ça a été une expérience assez formidable parce que ça m'a permis de comprendre ce qui se passait quand quelqu'un qui vibre, vibre vraiment ! C'est un truc incroyable que tu as du mal à expliquer en studio quand tu n’arrives pas à faire un truc. Là, tu as l'explication et ça m'a permis d'être capable de mettre des mots dessus et ça m'a aidé à devenir un meilleur producteur, quelque part.
D'un coup, je comprenais ce qui se passait, je comprenais ce que faisait la personne. Tu avais sept fois la même chanson et sept interprétations différentes et notamment celles que tu as juste envie que la personne s'en aille et les autres que tu as juste envie qu'elle recommence encore et encore…
Les premières saisons de cette émission ont toutes étaient géniales à faire. Après ce qui est dommage, c'est que c'étaient deux industries différentes à savoir qu’on faisait de la télé avec des moyens de fou et on filait les gamins qui sortaient à une industrie mourante qui était la musique avec des gens qui n'en avaient rien à taper. Et tu comprends mieux pourquoi les albums qui sortaient n’étaient pas à la hauteur…
Malgré tout, j'ai adoré faire ça et ça a été important pour moi. Mais je sais que c'est mort aujourd'hui… Ça n'intéresse plus grand-monde et je ne pense pas que ça ait vraiment du sens, notamment quand les gens peuvent se filmer chez eux et faire leurs trucs…
Mais c'était quand même une émission qui était plus dédiée à ceux qui regardaient, à ceux qui étaient en train de faire les missions que les gamins qui servaient de chair à canon.
Parmi toutes les collaborations et rencontres musicales de ton parcours, laquelle t’a le plus transformé, même humainement ?
(Silence) Bonne question…. Et tu te dis que le mec, soit il n'a plus de mémoire soit il n'a pas de cœur (Rires)... Je n'ai plus de mémoire (Rires) !
À l’heure où chacun peut créer sa propre playlist sur les plateformes, sortir un best of peut sembler presque suranné. Qu’est-ce qui, selon toi, justifie encore aujourd’hui un best of comme objet à part entière ?
Je crois que c'est un moyen d'exister physiquement, de faire des beaux objets et c'est ce qui m'importe aujourd'hui. Je suis le premier à acheter un vinyle et parfois l'écouter sur Spotify.
C'est aussi un moyen de dire à la plupart des gens qui vont acheter cet album que je suis auteur, compositeur, producteur, éditeur, c'est un moyen aussi pour moi de gagner de l'argent : c'est aussi simple que ça ! Et c'est sain c'est-à-dire que vous achetez un album que j'ai fait presque à 100 % : c'est un donnant donnant c'est un objet qu'on peut acheter dans les magasins, au merchandising… ça fait partie de l'équilibre.
Comme on le disait tout à l'heure, si j'attends après les plateformes pour gagner ma vie, je suis mort ! Malgré tout, on les utilise tous, mais il faut quand même qu'il existe des choses à acheter. Alors tant qu'à acheter, autant acheter un vinyle même si les gens ne vont pas le jouer. Mais au moins ils ont un objet assez beau à avoir entre les mains.
Cet album, c’est moi !

Et effectivement quitte à acheter un vinyle autant acheter un best-of que tu as plus de chance d’écouter qu’un nouvel album dont tu ne vas pas aimer tous les titres…
C’est vrai ! Exactement ! Et en plus, mon message est clair : cet album, c’est moi ! Il n'y a pas une major qui se dit que je vais crever et donc vite sortons un best-of pour récupérer un maximum. Ma démarche est purement artisanale.
Et tout ça participe à un écosystème qui est hyper fair. C’est donnant/donnant… J'essaie de faire en sorte que ça ne soit pas trop cher ; je sais que les places de concert sont chères mais je me démerde à faire qu'elles ne soient pas trop chères. On est six sur scène et la place est à 30 balles alors que je vois des trucs de fou : des mecs qui sont 2 et c'est 50, 70 balles…
La question peut paraître décalée mais pas tant que ça quand on sait que tu as participé à plusieurs bandes originales, si ce "Best Of" devait être la bande-son d’un film imaginaire, quel type de film serait-ce ?
Ah, bonne question !
Ce sera la seule de cette interview…
Non la deuxième…
Mais tu m’as dit ne pas avoir de mémoire…
(Rires) Ce serait une sorte de "Star Wars" mais sur la planète Terre des années 1970 avec des gens qui cherchent à s'en sortir contre les gars de la major…
Il y a de la rébellion dans mes chansons mais elle est quand même extrêmement accessible et elle est sexy.
C'est un film cool qui finit bien. Il y en a qui meurent, mais ça finit bien (Sourire) !
J'interprète les chansons d'un autre moi mais c'est le moi d'aujourd'hui
On en a parlé tout à l’heure quand tu disais porter un costume. Quand tu joues tes morceaux aujourd’hui, as-tu le sentiment que c’est toujours “toi” qui chantes, ou que tu interprètes la version d’un autre “toi”, celui d’il y a vingt ou trente ans ?
Alors j'interprète les chansons d'un autre moi, mais c'est le moi d'aujourd'hui. D'ailleurs, je les chante dix fois mieux qu'il a vingt ans, c'est vraiment incroyablement mieux : il a quand même eu des progrès… Et puis je réarrange tout donc il y a du moi aussi dans la reformulation du propos. Mais c'est amusant parce qu’il y a mon empreinte dans chaque titre, je me reconnais. Mais il y a des moments où c'est vraiment culotte courte et cartables (Rires) !
Ça me fait penser à une vidéo de The Offspring jouer ‘Come out and Play’, ça sautait partout et chantait faux et aujourd’hui, ils tournent encore, ça ne saute plus mais ça chante bien mieux...
(Rires) Je saute moins les gars : c’est sûr et certain ! J'ai trop de choses à faire : je joue plein de trucs sur scène, des claviers mais ça chante mieux…
Dans un autre registre, David Lee Roth sautait également et chantait plutôt bien aujourd’hui, il ne saute plus et ne crie plus que "Jump" au moment des refrains, les choristes se chargent du reste…
Il a sombré dans le ringardisme absolu. Ce que j'ai vu était un peu pathétique… Après tu sais quoi ? Il y a un âge où on ne critique plus…
D’autant qu’il pourrait balancer du playback.
Voilà c'est ça !
Si j'avais voulu vendre beaucoup de disques et gagner plein d'argent, j'aurais fait autrement !

Enfin, si tu devais transmettre ce "Best Of" à quelqu’un qui ne te connaît pas du tout, que voudrais-tu qu’il comprenne de toi après l’avoir écouté d’un seul trait ?
J'aimerais juste qu'ils comprennent qu'il y a du taf derrière. Que ce n'est pas autre chose que de la passion transmise avec beaucoup de travail. Je pense que c'est ce qu'il faut comprendre pour apprécier. C'est beaucoup de travail et travail vraiment dédié à l'amour de la musique. Derrière ça, il n'y a rien d'autre... Si j'avais voulu faire une autre carrière, je l'aurais faite ! Si j'avais voulu vendre beaucoup de disques et gagner plein d'argent, j'aurais fait autrement ! Mais j'ai eu envie de faire ça, j'ai envie que la musique, quand on l'écoute, on se dise : "Ah ouais, quand même !" (Sourire).
Je ne demande pas ce qu'on aime forcément. J'écoute pas mal de choses que je n'aime pas forcément mais j'aime reconnaître le travail et la vérité… En tout cas, ce que j'ai fait, je l'ai fait véritablement : c'était quand même une sacrée partie de plaisir certes mais ça a été un combat pendant longtemps… Et c'est ça que veux qu'on entende…
Et finalement, pour la tournée à venir, cet album sera la set-list des concerts ?
Bonne question. Ce n’est pas aussi simple que ça mais oui, il y a de ça dedans, effectivement.
Vous commencez donc par ‘Si c’est bon comme ça’ ?
Récemment on a fini avec.
Ce qui est logique finalement : c'est un hymne final !
Mais ça va encore changer, ça va évoluer mais oui il y a énormément de passé dans cette liste de concerts et en même temps, il y a plein de choses nouvelles aussi car c'est intéressant d'emmener les gens à des endroits où ils ne s'y attendent pas...
Et comme je le disais tout à l’heure, c'est génial de passer une heure et demie avec des gens et de les emmener dans des endroits, de les faire vibrer et je pense qu'ils vont vibrer sur des morceaux qu'ils ne connaissent pas. Et c'est ça qui m'importe. Mais je ne vais pas les décevoir, il y aura plein de morceaux qu'ils connaissent, c'est sûr (Sourire).
Tu y as répondu en grand partie mais quelles sont tes attentes avec la sortie de ce "Best Of" ?
Mon idée est de sortir des disques régulièrement maintenant, mais m'adresser directement aux gens qui veulent m'écouter… En fait, le "Best Of", c'est aussi me reconnecter avec le public. Je n'ai pas sorti de disque sérieusement depuis "So Sorry"…
J'ai envie de retrouver mon public et lui de dire que c'est reparti !
… qui n’est pas si vieux que ça…
Non, mais je l'ai sorti vraiment comme ça. Et là j'ai envie de retrouver mon public et lui de dire que c'est reparti !
Et donc tu suggères que tu repars à nouveau sur des sorties régulières d'albums ?
Ce sera des EPs, après des albums, ça va être des formes différentes, et puis ça va être des trucs instru…
Quand nous donnons-nous rendez-vous pour évoquer ce nouvel album ?
La nouveauté ? Je pense que j'aurai les titres enregistrés avant l'été prochain, mais ce sera d’ici un an.
Tu disais qu’outre ce "Best Of", un live allait sortir…
Oui, je sors un double live…
… Donc, en l'espace de douze mois, tu vas avoir sortir trois albums ?
Je n'ai que ça à foutre (Rires) ! Non mais sérieusement, je n’ai que ça à faire…
Certes mais ce constat, on pouvait le formuler par le passé ?
Non, non, j'avais plein de trucs à régler avant ! J'ai rangé ma chambre : tout est rangé, j'ai fait le ménage, c'est super et je n'ai que ça à foutre (Sourire) !
Et pour finir, on a commencé l’interview par la question qu’on t’a trop souvent posée au contraire quelle est celle que tu souhaiterais que je te pose ou à laquelle tu rêverais de répondre ?
"Mais pourquoi Sinclair ?" (Rires)
C'est bon, on a bouclé la boucle, merci…
Merci à toi !
Et merci à Calgepo pour sa contribution...