Le Kave Fest va entamer sa 7ème édition le jour de la fête de la musique. Un signe ! Fort d'une organisation familiale et amicale, Selim son organisateur a su garder les pieds sur terre. Conscient des enjeux écologiques et économiques, le festival offre une vitrine moderne de la musique metal et rock. Il nous en dit plus sur l'évolution du Kave Fest et ses rêves les plus fous.
Le Kave Fest va entamer sa septième édition, est-ce que tu t'attendais lors de la création du festival a atteindre une telle longévité ?
Il faut savoir que le festival, je l'ai créé à l'époque dans mon jardin ! De ce fait, non, pas du tout. Quand on a commencé, je ne pensais pas qu'on allait atteindre un jour un château. En 2016, à 19 ans, je faisais des études de physique-chimie. Ça n'a rien à voir avec ce que je fais aujourd'hui. Et en fait, ça m'a donné goût à l'événementiel. En quatre ans, on a fait 400 personnes dans le jardin. Et on s'est dit : "les gars, est-ce qu'on vise en 2022 au château de Gisors". On arrive à faire le pont entre un jardin, un château, deux jours, 800 personnes. On a tout fait pour pour permettre la pérennité du festival et j'ai l'impression qu'on y arrive.
Comment ça s'est passé ? Les propriétaires du château de Gisors ont-ils accepté tout de suite ? Quels défis tu as tu as rencontré lors de cette passation ?
Les propriétaires du château ont accepté tout de suite. En fait, à l'origine, nous avions candidaté pour un autre château, celui de Tourterre, qui est beaucoup plus petit mais très sympa aussi. Notre dossier est passé en préfecture, mais ce château n'était pas éligible car il était en chantier. La sous-préfecture de l'Eure a donc transmis notre dossier au maire de Gisors, un fan de metal. Il a vu le dossier et a dit : "On va faire une table ronde, on va commencer à discuter." Nous avons alors commencé à discuter avec l'équipe municipale de Gisors et avec le maire. Ils ont été très séduits par l'idée et ont vraiment lutté avec nous pour y arriver. Le véritable challenge a été de répondre aux attentes en termes de sécurité et de professionnalisme qu'avaient la ville et la sous-préfecture.
On a connu une période assez difficile à partir de 2020 jusqu'en 2022, est-ce que tu as constaté des changements significatifs dans l'organisation et la participation du public avant et après la pandémie ?
Non, c'est compliqué. En 2019, nous étions encore dans le jardin, et en 2022, après la pandémie, nous étions au château. Tellement de choses ont changé qu'il est difficile de dire s'il y a eu un changement quelconque dans le public. Nous avons eu deux fois plus de monde, mais c'était sur deux jours et dans un autre lieu. Ce n'est donc pas comparable.
Et quel est le principal défi que tu as relevé pour organiser cette nouvelle édition du festival 2024 ?
Le fait d'avoir une journée gratuite a été un défi important. Le vendredi (21 juin jour de la fête de la musique), nous avons ajouté une troisième journée, ce qui nous a permis de passer à plus de 1500 personnes. Cela signifie que nous devons maintenant travailler directement avec la préfecture plutôt qu'avec la sous-préfecture. Il y a donc de nouveaux enjeux en termes de sécurité, de gestion et d'anticipation. Nous sommes désormais sur un nouveau territoire.
Cette année, nous avons misé très gros sur l'immersion dans le festival
Quelles sont les principales autres nouveautés que le public peut attendre pour cette nouvelle édition ?
Cette année, nous avons misé très gros sur l'immersion dans le festival, tant sur le plan de la décoration que pendant les changements de plateaux. Nous avons vraiment éliminé les temps morts en introduisant une seconde scène avec des cracheurs de feu, de l'hypnose, de la magie, des bardes, créant une ambiance très conviviale et bon enfant. Il y a aussi un héritage historique avec une association de chevaliers qui propose des animations et des jeux. C'est un point sur lequel nous avons noté une nette progression.
Est-ce que le fait d'être dans ce château, avec son ambiance et son décor, vous permet de réaliser ce genre d'événement par rapport à un autre endroit ?
Absolument. Nous pouvons développer bien plus que de la musique ici. Les groupes sont également plus importants, ce qui est une énorme progression. En plus de cela, nous avons vraiment investi dans l'aspect immersif. Nous ne sommes pas un festival médiéval, mais nous visons une ambiance conviviale et bon enfant. Entre les morceaux et les artistes, les festivaliers peuvent s'amuser dans le village, se faire tatouer, visiter un barber shop, ou simplement se poser avec un cookie et un thé. On peut vraiment tout faire ici.
Tu en parlais à l'instant, tu mets beaucoup l'accent sur l'aspect familial du festival, notamment avec des tarifs gratuits pour les enfants et les moins de 12 ans. Pourquoi cet aspect est-il important pour le Kave Fest et comment cela se traduit-il concrètement ? Est-ce plus immersif que, par exemple, le HellFest, qui est plus industriel ?
Cela se concrétise de plusieurs façons. Comme tu l'as dit, l'entrée est gratuite pour les moins de 12 ans. Nous avons aussi des tarifs de groupe attractifs, comme une place offerte pour l'achat de quatre places. Pendant l'événement, nous faisons en sorte qu'il n'y ait pas de temps mort, que ce ne soit pas de la musique en continu. Nous avons une seule scène, et nous adaptons le lieu pour qu'il soit accueillant, avec de l'espace pour que tout le monde puisse circuler et se détendre sur l'herbe. Pourquoi faisons-nous cela ? Parce que nous venons de là. Le festival a commencé dans mon jardin. Aujourd'hui, il est organisé avec ma famille, mes parents sont dans le staff, ainsi que mes meilleurs amis depuis 12 ans. Ils gèrent le bar, la cuisine, l'accueil des artistes, etc. Nous avons des valeurs très conviviales, amicales et familiales que nous voulons préserver et transmettre à notre public. Et je pense que cela se ressent, c'est le retour que nous avons de notre public. Moi, je le ressens fortement car je suis entouré de mes amis et de ma famille, et je pense que le public le ressent aussi.
Nous essayons de croître intelligemment

Avec la croissance du festival, penses-tu pouvoir conserver ce cercle familial ? Ne crains-tu pas que l'accueil de nouvelles personnes mette en péril l'organisation actuelle ?
Nous essayons de croître intelligemment. Nous augmentons très peu la jauge : l'année dernière, nous avions 1200 personnes, cette année nous visons 1500 personnes, ce qui n'est pas une augmentation astronomique. Nous vendons également des billets en avant-première par mailing à nos festivaliers fidèles, afin de prioriser ceux qui connaissent déjà l'ambiance du festival. Nous voulons rester dans le château, pour préserver cette ambiance conviviale et intimiste. Même dans 10 ans, nous ne dépasserons pas les 3500 à 4000 personnes. Si nous devions évoluer et dépasser ce chiffre, nous envisagerions peut-être de faire deux éditions, mais toujours dans un format intimiste.
Le festival a cette particularité d'avoir une programmation éclectique et équilibrée allant du metalcore au rock, en passant par le metal alternatif. Comment arrives-tu à maintenir cette cohérence artistique malgré cette diversité ?
En fait, les groupes ont tous plusieurs points communs, mais il y en a deux principaux selon moi. Le premier, c'est qu'ils sont modernes. Même si certains ont 20 ans de carrière, ils restent très actifs et ont une approche actuelle de la musique. Par exemple, tu écoutes ce que faisait un groupe comme Seether il y a 20 ans et ce qu'ils font aujourd'hui, et tu vois qu'ils ont une actualité musicale. Ce n'est pas le cas de tous les groupes. J'adore des groupes comme Motörhead ou Iron Maiden, mais ils ont conservé la même recette tout au long de leur carrière. Cela ne veut pas dire que je n'apprécie pas leurs albums, mais ils n'ont pas cette recherche de modernité. Donc, même quand nous programmons des sous-genres différents, ce qui est le cas de tous les groupes du festival, ils ont tous cet objectif de modernité. Cela crée une cohérence en termes de sonorité et d'écoute.
Peux-tu donner des exemples concrets pour illustrer cette modernité ?
Prenons l'exemple de Seether, qui a su évoluer au fil des ans tout en restant pertinent dans la scène musicale actuelle. Même leurs morceaux récents reflètent une production et une maîtrise modernes. À l'inverse, certains groupes emblématiques comme Motörhead ou Iron Maiden, bien que toujours appréciés, n'ont pas vraiment évolué dans leur son. Ils restent fidèles à leur style d'origine. Ce qui distingue les groupes que nous programmons, c'est cette capacité à rester modernes et à se renouveler.
Et comment cela se traduit-il dans la diversité des sous-genres ?
Même si nous avons des sous-genres différents, la version que nous proposons est souvent la plus accessible de ces sous-genres. Par exemple, Alpha Wolf fait du metalcore intense, mais ce n'est pas du grindcore extrême, ce qui rend leur musique plus accessible à un public plus large. De même, des groupes comme Fit For A King ou Polaris proposent du metalcore moderne et mélodique, qui peut toucher un public varié. Cette accessibilité est une autre clé de notre cohérence artistique.
il y a tellement de propositions musicales en France et ailleurs que ça ne nous limite pas vraiment.
Donc deux axes (modernité, évolution), mais tout en restant accessible par le côté un peu familial des choses. Et ne crains-tu pas de te fermer certaines portes avec ces critères-là, car des groupes qui évoluent, il n'y en a pas tellement ? Est-ce que tu es prêt à ouvrir tes critères ?
Oui, je sais que je me ferme certaines portes. Par exemple, nous n'aurons jamais de groupes de black metal trop extrêmes comme Watain. Mais des groupes de black ou de blackened post-metal comme Alcest ou Lantlôs pourraient tout à fait être programmés un jour, car même s'ils évoluent dans l'univers du black, ils restent modernes et accessibles. Donc oui, on se ferme des portes, mais il y a tellement de propositions musicales en France et ailleurs que ça ne nous limite pas vraiment.
D'accord. Tu accordes aussi énormément de place aux nouveaux talents et aux groupes émergents dans ta programmation. Ça fait partie de ton ADN. On a vu par exemple Altesia l'année dernière. C'est important aussi d'offrir cette vitrine aux groupes émergents ?
Oui, absolument. Nous venons de là. J'ai commencé le festival parce que je faisais partie d'un groupe amateur de la région parisienne. J'ai commencé mon introduction dans l'univers de la scène metal en jouant de la batterie dans un groupe. Je comprends donc tout à fait l'importance de donner une chance aux nouveaux talents. Ça fait partie de nos critères. Dans cette notion de modernité, il faut aussi avoir une oreille moderne et aller chercher des nouveaux talents prometteurs, bien managés, avec une nouvelle proposition. Chaque année, nous découvrons de grandes surprises. Cette année, par exemple, un petit groupe comme Vestige, qui fait un black metal atmosphérique très inspiré par des groupes comme Deafheaven. Ce qu'ils font est vraiment top. Bien qu'ils n'aient pas encore sorti d'album, les premiers sons qui sont sortis sont excellents. Je suis allé les voir en concert en première partie de Celeste, et ils proposent quelque chose de nouveau qu'on ne retrouve pas partout. Donc oui, c'est important de laisser de la place à des groupes amateurs et émergents.
Les têtes d'affiche sont Novelist, Plini... Mais il y en a plein d'autres. Comment le festival, avec sa dimension familiale, a-t-il pu attirer de si grosses affiches ?
Écoute, je ne sais pas, je ne sais pas pourquoi ils ont...
Le cachet ?
Non, ce ne sont pas des si gros cachets que ça !

On plaisante mais qu'est ce qui fait pencher la balance ?
En gros, on est en bons termes avec beaucoup de groupes et surtout beaucoup de bookers. Il y a beaucoup de bookers en France qui bossent avec nous depuis maintenant deux ou trois ans. Ils nous connaissent, du coup, on est en bons termes avec eux et ils sont contents de nous proposer des artistes. Et en fait, je pense que c'est en partie grâce à ça. Par exemple, l'année dernière, on a fait jouer Betraying The Martyrs, on a fait jouer Leprous, qui ont été très contents. Les gens de Betraying The Martyrs étaient contents. Cette année, je leur ai envoyé un mail en leur disant : "Est-ce que vous pouvez me proposer des petits trucs et tout ?" Et là, ils m'envoient leur catalogue, ils me donnent un peu les gammes de prix, les tournées, les trucs, etc. Ils font un vrai accompagnement. Ils disent : "Ça, c'est trop gros pour toi pour l'instant, ça ne va pas marcher." Par contre, "Eux, il y a moyen qu'on arrive à les convaincre, etc." Et ils m'aident à les convaincre. C'est grâce à eux qu'on a eu Plini, par exemple.
Il y a une entraide du côté des bookers.
D'accord. Ok.
Il y a une entraide du côté des bookers. Pareil du côté de Opus Live France, qui est en train de grimper très, très, très fort. C’est Opus Live qui a repéré ces groupes, ce n'est pas moi. C’est eux qui m'ont dit : "Eux, on va les signer là. Ils sont en train de monter très, très fort. Fais-moi confiance, prends-les." Le gars avec qui je bosse chez Opus, c'est lui qui m'a fait la même chose pour Landmvrks en 2020. À l'époque, on les a signés pendant le COVID, on les a eus en 2022 et ils avaient déjà explosé. Et aujourd'hui, Landmvrks est quasiment le troisième plus gros groupe de metal français. C’est lui qui avait flairé leur potentiel. Ils les avaient déjà repérés avant moi. Il m'a dit : "Prends-les, tu ne seras pas déçu." Donc, il y a beaucoup d'entraide.
Parlons un peu de ton parcours et de celui de ton équipe de 2016 à 2024. Aujourd'hui, ce sont les bookers qui viennent te proposer leurs artistes plutôt que l'inverse. Est-ce dû aux excellents retours que vous recevez concernant vos événements et la manière dont vous gérez les choses ? Comment expliques-tu cet aspect professionnel que tu mentionnais tout à l'heure ?
Selon moi, c'est évidemment dû au professionnalisme et au respect que nous avons pour les artistes. Ce que nous faisons, nous nous engageons à le faire correctement : nous les accueillons bien, ils vivent une bonne expérience. Le festival, mine de rien, apporte une belle image parce que nous filmons tout et nous leur envoyons des clips gratuitement, etc. Nous nous efforçons d'offrir un accueil de qualité. Cela joue bien sûr un rôle, mais, très honnêtement, c'est aussi lié au travail des bookers.
Les bookers ne travaillent pas seulement avec moi ; leur objectif est de promouvoir leurs artistes. Soyons honnêtes, ils envoient des mails pour proposer des artistes en tournée, etc. Ce n'est pas uniquement à moi qu'ils s'adressent directement, mais à tout projet prometteur. Ils choisissent intelligemment où placer leurs artistes. Donc, quand ils ont un artiste en tournée ou prometteur, ou qu'ils veulent faire monter, ils contactent des organisateurs et font en sorte que le groupe soit en tournée. Ils le font très bien. Je ne dis pas que je n'ai pas de chance d'avoir leur respect et leur considération, ni qu'ils prennent le temps d'étudier sérieusement notre festival. Ils ne cherchent pas à me vendre n'importe quoi sans prendre en considération notre direction artistique, et nous avons le temps d'échanger. Mais je ne pense pas que nous soyons extraordinaires à ce niveau-là.
Surtout dans un contexte particulier pour le spectacle vivant qui subit de plein fouet l'inflation, c'est extrêmement coûteux d'organiser des événements. Pourtant, vous proposez des tarifs très bas. Comment arrives-tu à concilier cela ?
C'est très simple. Le bénévolat joue un rôle clé. Nous avons une véritable armée de bénévoles, environ 80 personnes cette année. Nous avons eu la chance de pouvoir offrir quelques salaires grâce aux subventions que nous avons reçues, notamment parce que nous offrons la journée du vendredi gratuitement. Cela représente environ un tiers de notre budget total, ce qui est considérable.
Ce financement nous permet deux choses. Premièrement, nous pouvons acheter du matériel qui réduira nos coûts de location pour les années à venir. C'est un investissement sur le long terme qui nous permet de croître en confiance. Par exemple, cette année, nous avons investi plus de 40 000 euros dans du matériel durable. Deuxièmement, cela nous permet d'augmenter la qualité de notre festival et de verser de modestes salaires à tous les responsables qui travaillent en amont pour organiser l'événement. Bien que la plupart des bénévoles ne soient pas payés, ceux qui ont des responsabilités spécifiques reçoivent une petite compensation. En termes horaires, cela ne dépasse même pas les cinq euros de l'heure.
Cela permet effectivement déjà de les fédérer...
Oui, cela permet à nous de fédérer ceux qui s'investissent. Et ça montre aussi que le projet grandit. Pour répondre à ta question sur notre modèle économique, je dirais que nous évitons d'avoir les yeux plus gros que le ventre. Par exemple, si un groupe que j'aimerais inviter demande 20 000 euros et que ce n'est pas dans notre budget, je leur dis non. Nous cherchons des groupes qui correspondent à notre enveloppe budgétaire. Nous visons une jauge de 1500 personnes bien que notre lieu puisse en accueillir 3500, afin d'être sûrs de remplir.
Nous recyclons beaucoup et achetons du matériel d'occasion plutôt que du neuf pour économiser. Nous gérons tout en interne, y compris la restauration, sans faire appel à des prestataires extérieurs, ce qui nous permet d'économiser énormément. Par exemple, les food trucks et la restauration pour les artistes sont gérés par nos bénévoles. Nous faisons des économies sur tous les aspects possibles afin que le festival ne coûte pas trop cher, tout en maintenant un haut niveau de qualité.
L'écologie est une priorité pour nous, et nous sommes en train de nous faire labelliser
Il y a beaucoup d'autres initiatives importantes dans votre festival. Par exemple, rendre le site accessible aux personnes handicapées, ce qui est peut-être facilité par l'infrastructure du château. Vous avez aussi mis en avant la présence de groupes dirigés par des femmes, avec cinq groupes cette année. Cet équilibre est crucial. Pourquoi est-il important pour vous d'intégrer ces thématiques dans un festival, là où d'autres ne les mettent pas forcément en avant, sans pour autant éclipser la musique et transformer l'événement en quelque chose de trop spécialisé ?
Ce que je veux dire, c'est peut-être évident pour ma génération. J'ai 27 ans aujourd'hui et j'ai commencé le café à 19 ans. La première année au château, j'avais 25 ans. Pour moi, il est naturel d'intégrer ces éléments dans le processus de création. Par exemple, l'écologie est une priorité pour nous, et nous sommes en train de nous faire labelliser pour un audit écologique. Ils vont venir sur le site, nous encadrer et nous expliquer comment continuer la transition écologique du festival. Nous espérons obtenir ce label à partir de 2024. En ce qui concerne la parité femmes-hommes sur scène et dans l'équipe, c'est quelque chose de naturel pour ma génération. Je ne me pose même pas la question de pourquoi je le fais.
Mais ce n'est peut-être pas qu'une question de génération. Dans l'équipe nous sommes en majorité de la génération d'avant et nous sommes aussi sensibilisés à ces questions, même si c'est un long travail...
Exactement, c'est ça. Nous, nous avons grandi avec ces valeurs. Pour les fondateurs de festivals plus âgés, il y a un travail de changement de mentalité à faire. Pour eux, cela demande un effort, car ce n'était pas naturel dans leur époque. Par exemple, pour moi, il est évident d'avoir une option de repas végan au festival. Cela ne me paraît pas anormal. Nous proposons une diversité. Mais cela me paraît évident. J'ai commencé assez jeune à fréquenter des festivals. Quand j'avais 15 ans, on ne se posait pas ces questions : il y avait de la viande partout. Maintenant, cela fait partie intégrante des discussions.
Quelle prestation t’a le plus marqué lors des six éditions précédentes ? Et du côté des festivaliers, quel groupe ou quelle prestation a retenu le plus l’attention ? As-tu eu des retours à ce sujet ?
Alors, tu parles sur le plan personnel, au niveau humain, ou vraiment de la prestation musicale ?
Tu peux faire les deux, franchement.
Sur le plan humain, il y a deux groupes qui m’ont vraiment marqué. Le premier est Myrath. Pourquoi ? Parce que je suis d’origine tunisienne et c’était un honneur de les faire jouer. C’était un moment absolument incroyable. Leur performance était exceptionnelle, et c’était un rêve devenu réalité de les voir sur scène chez nous. Le deuxième groupe est Diablo Swing Orchestra. C’est un groupe prestigieux qui tourne en France depuis 10 ans et qui a un style très alternatif et particulier. Les faire revenir en France et organiser leur premier festival ici était un grand accomplissement. Nous avons beaucoup sympathisé avec eux, et ils étaient très contents de découvrir qu'ils avaient un tel public en France. Leur performance et notre interaction avec eux étaient vraiment très cool.
En termes d’expérience pour les spectateurs, les plus belles images et les meilleurs moments de « pit » au café ont eu lieu lors de la prestation de Ten 56 en 2023. Le dimanche était monumental, tout le monde était à fond. Le batteur de Ten 56 vient de Givors, il a grandi là-bas. Il m’a raconté qu’il n’aurait jamais imaginé revenir à Givors de cette manière, et cela a créé des moments humains incroyables et une prestation assez dingue. Pour ce qui est des retours des festivaliers, je pense que ce moment a été très fort pour beaucoup. Cependant, je ne peux pas parler au nom de tous les festivaliers car chacun apprécie des choses différentes. Mais, en général, ces prestations ont laissé des souvenirs mémorables pour beaucoup d'entre nous.
Dans mes rêves les plus fous, collaborer avec Gojira
Quels rêves les plus fous aimerais-tu réaliser, que ce soit en termes de programmation ou d'expansion ? Quel groupe aimerais-tu faire venir, sans forcément parler de cachet ?
Si on ne parle pas de cachet et qu'on se concentre sur la cohérence, vu que nous resterons dans le format château, nous visons une capacité de 3 500 à 4 000 personnes maximum. L'idée n'est pas de dépasser cette limite, mais peut-être de faire une tournée dans plusieurs châteaux en France. Si je rêve grand, je me dis qu'on pourrait organiser un festival extraordinaire, quitte à ce que le prix des billets soit plus élevé, mais avec un plateau artistique exceptionnel. Dans mes rêves les plus fous, collaborer avec Gojira, un pilier de la musique française, serait incroyable. Leur éthique et leur musique sont en parfaite harmonie avec ce que nous cherchons. Je suis également très fan d'In Flames, qui a organisé un festival dans un château en Suède. C'est amusant de voir qu'ils ont eu une initiative similaire à la nôtre.
Deux groupes français que j'aimerais beaucoup inviter sont Shaka Ponk (mais là c'est compromis) et Last Train. Ce serait génial d'avoir une ouverture rock. J'ai longtemps visé Ko ko mo, et bien que leur cachet soit encore un peu élevé pour nous, ils sont incroyables. Ils ont fait le Motocultor et ont rempli les salles à chaque fois. Je les ai vus à Point Éphémère, et ils retournent toutes les salles où ils jouent. Du côté des États-Unis, j'aime beaucoup Sleep Token et Deafheaven. Leur proposition musicale, à mi-chemin entre métal et musique moderne, est fascinante. Ils offrent un genre hybride que j'apprécie énormément.
Merci pour cette interview, bon festival le 21, c'est bien ça ?
Oui, c'est ça. Nous avons hâte de vous accueillir et de partager tout cela.