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TITRE:

ABDUCTION (01 DECEMBRE 2023)


TYPE:
INTERVIEWS
GENRE:

BLACK METAL



Prolifique s'il en est, Abduction a pris un peu plus de temps pour revenir avec "Toutes blessent, la dernière tue" et ils nous expliquent pourquoi...
STRUCK - 12.01.2024 -
7 photo(s) - (0) commentaire(s)

Alors qu'ils nous avaient habitués à revenir nous ensorceler tous les deux ans, il aura fallu attendre un peu plus de trois ans pour enfin tenir entre les mains la quatrième offrande d'Abduction, "Toutes blessent, la dernière tue". Certes il est difficile de quitter "Jehanne" et son épopée historique pourtant il a bien fallu que le groupe se remette en selle tout en continuant encore et toujours d'améliorer son (black) metal qui lui est propre... Nous reviendrons longuement sur tous les détails de ce nouvel album comme le visuel en présence de son créateur -Thimothée Montaigne- et bien évidemment cette reprise surprenante de 'Allan' de Mylène Farmer...





Quatrième interview en autant d’albums sortis en six ans alors que six même années séparés le dernier EP de votre premier album "Une ombre régit les ombres". Faut-il y voir que le line-up du groupe est définitivement stabilisé ?

Guillaume Fleury : Oui, oui… C’est le même line-up depuis le début -il n’y a qu’un seul changement, techniquement. Je pense qu’il faut surtout y voir une "professionnalisation" ou tout du moins, nous sommes beaucoup moins empruntés que quand on a commencé parce qu’on a commencé en partant de rien : on est tous autodidactes ! Petit à petit, on sait de mieux en mieux comment faire les choses, on est de plus en plus à l’aise avec ce qu’on a envie d’exprimer et comment on veut l’exprimer : c’est ce qui explique qu’on va aussi vite…


Notre formule musicale s’est améliorée


"Jehanne" votre précédent album et est sorti il y a trois ans et a reçu d’excellentes critiques, comme les précédents d’ailleurs. Comment expliquez-vous un tel accueil pour votre univers ?

François Blanc : En l’occurrence, pour parler de Jeanne précisément, je pense que c’est un concept qui est relativement porteur : avoir la figure de Jeanne, ça reste une figure mythique qu’on la connaisse ou non. Elle reste un monument de notre patrimoine et son histoire est absolument incroyable, ce qui lui est arrivé est digne d’une fiction. Et du coup, je pense que ça a touché énormément de gens et il y a eu le facteur curiosité qui a poussé les gens à nous découvrir.

Guillaume : Je pense que la pochette a beaucoup joué. On s’est rendu compte qu’il y a eu beaucoup de réactions à l’étranger -on n’a jamais vendu autant de disques à l’étranger, même au Japon ou en Arabie Saoudite- ça ne nous était jamais arrivé. Les gens ont encore une fascination pour Jeanne d’Arc et quand les gens voient la pochette, que c’est un groupe français, que l’album est un concept complet : personnellement, je me mets à la place du public, ça me donne envie, je serais curieux… et le succès de "Jehanne" vient beaucoup de tout ça !

François : Pour l’univers, je dirais que notre formule musicale s’est améliorée, tout simplement : cet album était mieux produit que les deux précédents, plus abouti, plus incarné. Je pense que la musique était un peu plus accessible que jadis simplement parce qu’on a progressé dans la maîtrise de nos instruments.


Quel bilan tirez-vous de ce troisième album et de la période qui l’encadre sachant qu’entretemps, il y a eu l’épisode Covid ?

Guillaume : On ne l’a pas trop ressenti…

François : Je dirais même que ça m’a aidé à supporter le confinement parce qu’on avait cette sortie d’album qui arrivait à ce moment-là et on voyait toutes les réactions qui étaient très positives. On avait tout préparé en amont donc le confinement n’a en rien bouleversé le calendrier de sortie, et du coup c’était très exaltant de voir notre album vivre sa propre vie et être bien accueilli vu ce qu’on avait mis dedans.


Son successeur a pour titre : "Toutes blessent, la dernière tue". A quoi faites-vous allusion : une flèche ?

Guillaume : Quand je lis la phrase, je pense également à une flèche mais ce n’est pas du tout ça. En fait, "Toutes blessent, la dernière tue" est inscrit en latin ou en français sur énormément de cadrans solaires que tu peux trouver un peu partout en France. Et donc "Toutes blessent, la dernière tue", c’est très simple, ce sont toutes les minutes de ta vie qui te blessent une par une et la dernière est celle qui va te tuer…


Notre rapport au temps est fondamental dans l’œuvre d’Abduction




C’est très joli ! A cet égard, vos albums sont toujours extrêmement construits et pensés. Y-a-t-il un thème central à ce nouvel album, un fil conducteur : le temps peut-être ?

Guillaume : L’obsession qui temps qui passe, la question de la mortalité, la question de l’angoisse, la question de savoir ce qu’on va laisser comme trace, quel sens a tout ça… et surtout le fait que le temps passe très vite, toujours plus vite et comment on gère ça.

François : Notre rapport au temps est fondamental dans l’œuvre d’Abduction. Ça se ressent de plein de façons, qu’on aborde des sujets basés sur des personnages histoires comme on l’a fait avec "Jehanne" ou de façon plus générale, que ce soient des méditations, des réflexions sur la société ou les choses qui nous intriguent ou nous interpellent, le rapport au temps qui passe est vraiment fondamental…


Et ce rapport au temps vous angoisse ?

Guillaume : Dans le monde dans lequel on vit, les choses sont accélérées par les modes de vie qu’on a : on ne prend plus du tout le temps de profiter du silence, de juste se poser… On n’a pas le temps, je suis le premier à ne pas avoir le temps et ça rend malade ! Parfois, il faut savoir s’accommoder de ça, savoir l’accepter… et surtout il ne faut pas que je m’angoisse trop parce que je pourris le peu de temps que j’ai à toujours penser au temps qu’il me reste alors que si ça se trouve, on va mourir demain : bref, c’est de la philosophie de comptoir mais on passe tous par là !


On n’est pas là pour expliquer aux gens ce qu’il faut faire



A ce titre, l’Histoire vous inspire comme toujours. En puisant dans le passé, souvent sombre, n’est-ce pas une manière pour vous de dénoncer le présent ? La chanson ‘Dans la galerie des glaces’ est assez éloquente à ce sujet...

Guillaume : Ce n’est pas une leçon de morale -on n’est pas là pour expliquer aux gens ce qu’il faut faire- sachant que nous-mêmes, on ne sait pas forcément toujours ce qu’il faut faire. On se pose surtout des questions et on les partage de manière plutôt métaphorique. Mais en gros, c’est l’idée on parle du renforcement positif, du développement positif personnel ce qui part d’une très bonne intention mais qui finit par flatter notre narcissisme et notre ego et qui peut-être arrivent à nous faire perdre un peu le sens de certaines réalités et ça finit par être un piège. Finalement, je ne suis pas persuadé que ça nous aide tant que ça, j’ai l’impression que ça peut créer encore plus de névroses et de problèmes parce que ça te fait reposer sur les épaules des choses que tu n’es pas prêt à supporter alors que si on prenait un peu plus de recul et qu’on était moins focalisé sur ce renforcement, ça pourrait aller mieux, même si ça part d’une bonne intention et que je comprends qu’il faut savoir s’écouter et travailler sur soi… C’est une des thématiques les plus actuelles qu’on a abordée…

François : Effectivement, ça créé une sorte de pression surréaliste et en fait, ce qui ressort du texte de la chanson est de faire attention à ce que te disent les autres parce que si ça ne va pas dans ton sens, c’est que ce ne sont peut-être pas de bons conseils pour toi, alors qu’il y a un aspect très positif dans la critique : ça fait grandir et évoluer…


Et vous le savez plus que quiconque en lisant les chroniques de vos albums…

François : (Rires) Effectivement !

Guillaume : Je suis parti du constat que moi et même de gens dans mon entourage -mes amis, ma famille- avons éliminé certaines personnes de nos vies parce qu’elles étaient toxiques, parce qu’elles pointaient des choses que nous ne voulions pas voir… On considère que ces gens nous font du mal pour cette raison alors qu’ils essaient peut-être de nous aider et que c’est peut-être bien qu’ils soient là pour qu’on se remette en question. Mais après, on n’est pas manichéens et il faut comprendre qu’il existe des gens qui sont là juste pour te pourrir (Sourire) !


Pour cet album, vous avez encore fait appel à Déhà comme producteur, que vous considérez comme le cinquième membre du groupe. Sans remettre en question son talent et ce qu’il apporte au groupe, ne seriez-vous pas tentés de faire appel à quelqu’un d’autre qui aurait un autre regard sur votre musique ?

François : Honnêtement, à ce stade, j’ai du mal à imaginer, mais je ne dis pas que ça ne viendra jamais…


Il faut toutefois faire attention, il prend ses aises, il serait capable de poser du rap comme sur l’album de dead Chaos…

François : Je m’y opposerai jusqu’à mon dernier souffle (Rires) !

Guillaume : Moi non, ça m’irait : j’aime ça, il n’y a donc pas de problème…


On a une vision très précise et très arrêtée de ce qu’on veut faire




Si la chanson le réclame…

Guillaume : Exactement ! Déhà a cette qualité que j’aime beaucoup chez lui, c’est quelqu’un de très ouvert d’esprit et qui écoute énormément de musiques différentes et c’est ce que je fais aussi. On a beaucoup de goûts en commun qui n’ont rien à voir avec le metal, dont le rap d’ailleurs : nous sommes tous les deux fans d’Assassin par exemple qui est un de mes groupes de rap ultime.
Et pour en revenir à la question, on a une vision très précise et très arrêtée de ce qu’on veut faire. Du coup, est-ce qu’on a besoin d’une vision extérieure ? Pas forcément : on a un petit côté control freak là-dessus.  On sait exactement ce qu’on veut faire et comment on veut le faire -ce qui comporte ses qualités et ses défauts- et du coup, Déhà nous aide exactement à faire ce qu’on veut faire parce que plus les albums passent, plus il nous pige… Mais peut-être qu’un jour et lui-même nous a suggéré l’idée d’aller essayer un autre producteur ?

François : C’est vrai qu’à ce stade, c’est difficile d’imaginer un album qui ne serait pas produit par Déhà mais c’est aussi parce que j’ai vu notre relation mûrir et évoluer. Maintenant, on se comprend vraiment très, très bien et puis en termes de chant, Déhà est un coach qui m’a énormément apporté : je lui dois vraiment beaucoup ! Donc travailler avec lui est aussi un confort parce qu’il sait dans quelle direction me pousser. Quand je suis avec Guillaume et lui, je sais que je suis entre de bonnes mains (Sourire)…


Avant même d’être disponible, ce nouvel album fait parler de lui grâce à la reprise étonnante de Mylène Farmer, 'Allan'. Avez-vous hésité à reprendre cette artiste a priori à des années-lumière du black metal ?

Guillaume : Si tu me demandes quel est mon artiste ultime, je te répondrai Mylène Farmer… C’est mon artiste ultime, elle a tout : l’univers, j’aime sa voix, j’aime sa manière d’écrire les textes, j’aime la musique de Laurent Boutonnat, j’aime ses clips, j’aime tout ce qu’elle développe et ce n’est pas pour rien qu’elle est si iconique aujourd’hui, c’est parce qu’elle a développé un concept total que je trouve absolument génial et extrêmement compatible avec le metal, d’ailleurs il y a beaucoup de métalleux qui sont fans de Mylène Farmer, on est loin d’être les premiers à la reprendre et on est loin d’être les seuls à l’écouter… L’expérience a été marrante parce que l’affiche de Thim (NdStruck : Thimothée Montaigne) notamment et ensuite le clip dans un second temps ont été partagés sur Mylene.net -qui est le site de référence avec Innamoramento.net sur Mylène Farmer. On a eu beaucoup de réactions de fans de Mylène Farmer mais qui ne sont pas du tout des métalleux. On a eu des réactions comme quoi c’était ignoble et inaudible ce qui est normal quand tu écoutes du black metal pour la première fois, je ne pense pas que tu puisses trouver ça audible : ces réactions ne me choquent pas et ne m’étonnent pas. En revanche, on a eu de très belles réactions sur le clip -les références, l’univers…- les fans ont senti qu’il y avait un univers commun.


Justement, ce clip. Avez-vous choisi ce titre et sa relecture et donc le clip sachant qu’il n’a fait l’objet d’une vidéo originale et donc vous n’auriez pas à souffrir la comparaison ?

Guillaume : La raison pour laquelle j’ai choisi ‘Allan’ est simple et banale, c’est mon morceau ultime de toute la carrière de Mylène Farmer. Mes morceaux préférés sont ‘Allan’ puis ‘Tristana’. Je me suis demandé lequel des deux passerait le mieux, j’avais quand même envie que ce soit ‘Allan’ : j’ai fait des essais sur ‘Allan’ et je me suis tout de suite dit qu’on allait se l’approprier et que ça allait être génial…


Vous évoquiez les retours de fans de Mylène Farmer, mais pensez-vous contacter la principale intéressée pour lui faire découvrir votre relecture ?

François : J’ai un biais un tout petit peu compliqué. J’ai eu l’occasion d’interviewer Amélie Nothomb par le passé et je sais qu’elles sont amies. Et comme j’ai gardé dans mes contacts l’attachée de presse d’Amélie Nothomb. J’ai l’intention de lui envoyer un mail et j’espère par ce biais-là pouvoir lui faire parvenir notre morceau.

Guillaume : J’ai un ami d’un ami qui est technicien pour Mylène Farmer sur sa tournée "Nevermore". Il la croise parfois mais il n’a pas eu l’occasion de la voir lors de ses deux dernières dates. Mais ce qui est marrant pour l’anecdote, c’est que l’assistante réalisatrice Pauline Royo -qui est une amie à nous-est également monteuse pour des publicités et des petits métrages et il s’avère qu’elle a déjà bossé avec Mylène Farmer, notamment sur le montage de ses lives, elle l’a déjà rencontrée et elle m’a dit qu’elle était charmante et nous a dit qu’elle lui en parlerait…


J’ai aussi la crainte que [Mylène Farmer] trouve ça horrible




Avec tous ces contacts, ce ne serait quand même pas de chance de ne pas pouvoir lui faire parvenir votre version…

Guillaume : Mais je ne te cache pas que j’ai aussi la crainte qu’elle trouve ça horrible (Rires) !


Pourquoi donc ?

Guillaume : C’est mon artiste ultime…


Après vous aurez un retour indirect et si c’est le cas, vos interlocuteurs enroberont la réponse…

Guillaume : C’est vrai ! En tous cas, il n’y aura pas de regret de l’avoir fait, seulement de la déception si ça ne lui plaît pas, mais c’est difficile de ne pas voir qu’on a mis beaucoup de passion et de cœur dans le clip et même l’affiche…


Avant d’évoquer cette affiche, quelles ont été vos références pour ce clip ?

Guillaume : Il y a beaucoup de références à l’univers de Mylène Farmer forcément, à ses clips et son univers global mais également l’univers d’Edgar Poe également…


… le corbeau notamment…

Guillaume : Oui mais le corbeau, c’est aussi Mylène Farmer : on a mêlé les deux…


Et votre univers également finalement…

Guillaume : Totalement : il y a une logique, une cohérence ! Après, si tu me demandes mes cinq films préférés, je pense que ce seront des films des années 1940, celui de Henri-Georges Clouzot, Marcel Carné… Ce n’est pas que celui-là mais j’aime beaucoup ce cinéma. Et donc il y a des références à ces films-là notamment "Les visiteurs du soir" de Marcel Carné, pour les lumières, on s’est un peu inspirés de Jean Cocteau et "La belle et la bête". Et on a eu des parallèles qui m’ont vraiment fait plaisir comme l’univers érotico-horreur de Jean Rollin, un réalisateur que j’aime beaucoup. Ça m’a fait plaisir parce qu’il y a de ce délire-là c’est-à-dire qu’on a fait notre clip avec très peu de moyens, on a mis un peu l’idée des vieux films et les combats d’épées, ce n’est pas "Le masque de Zorro" avec Antonio Banderas, on n’a pas les moyens de faire ça… Du coup, tu adaptes ton script à tes moyens. On a donc utilisé tous les moyens qui étaient mis à notre disposition : le château, les costumes et les mouvements de caméra qu’on peut avoir… pour faire quelque chose de fort qui rend hommage à un vieux film et qui n’est non plus complétement ringard…


On y arrive, vous avez également fait réaliser une très belle affiche, que signe le dessinateur de BD Thimothée Montaigne présent à nos côtés. Comment avez-vous collaboré ensemble ?

Thimothée Montaigne : Ce n’est pas compliqué : on est potes !


La complexité est qu’ils ont un univers particulier que je ne comprends pas toujours


Eh bien merci pour cette réponse…

Thimothée : (Rires) C’est marrant parce que comme on est potes, ça donne des accès plutôt pratiques. Toutefois, la complexité est qu’ils ont un univers particulier que je ne comprends pas toujours (Sourire). On n’évolue pas forcément dans le même bain : le black metal, c’est un truc que je ne comprends pas bien même si je suis dans la scène metal, punk…


Et comment as-tu pu t’immerger dans cet univers particulier ?

Thimothée : En fait, c’est un ton ! Guillaume me parlait de références aux films des années 1940 auxquels il a fait référence tout à l’heure : je n’ai pas du tout cette culture-là ! Il me soumettait pas mal d’images références comme l’image du bossu ou ce genre de trucs… C’est très compliqué à faire aujourd’hui. Je ne bosse qu’en techniques traditionnelles : je fais des peintures à l’huile, je ne travaille pas du tout à l’ordinateur… Pour des contraintes de temps, on a dû trouver des combines. La complexité était d’essayer de le contenter en venant d’un bain culturel différent. J’ai donc essayé de piger les intentions sachant que je viens plus des années 1970-1980 et j’ai plutôt grandi avec l’imagerie de Drew Struzan au niveau des affiches et donc tu sais, ces vieilles affiches d’Indiana Jones, de Star Wars… Il fallait donc trouver quelques petits réglages et le convaincre sur mon côté un peu plus chic des années 1980 sachant que celles des 1940 sont cool mais c’est vraiment un ton, c’est compliqué par exemple en termes de composition, je ne dirais pas que c’est pourri mais ce n’est pas super ambiancé. De mon côté, j’ai tendance à faire du chic quand je dis du chic, c’est-à-dire quelque chose d’ambiancé : on fait plus Blade Runner que le Bossu (Rires) ! C’est donc très compliqué quand ça fait 20 ans que tu travailles des images un peu bling et qu’on te demande de faire quelque chose de plus primaire où chaque élément est détouré par un liséré blanc… On a donc dû trouver un réglage qui fasse illusion chez lui et que ça lui donne l’impression que ça sonne (Sourire) et que ça ne me perturbe pas trop…


C’est une histoire de compromis finalement…

Guillaume : Oui !

Thimothée: Parce que tu as été convaincu mais avant, il a fallu que je trouve…

Guillaume : Ma contrainte était que je voulais le personnage féminin central avec les deux épées, le château, le personnage masculin, un envol de corbeaux. Il a accepté et m’a fait sa proposition et j’ai accepté directement, c’était génial !


Ce n’est que de la débrouille !




Vous accordez toujours beaucoup de soin aux illustrations, aux éditions et aux objets qui entourent la sortie de vos albums. On peut citer aussi le bas-relief par le tailleur de pierre Arthur Bourson. On se pose malgré tout une question, vous n’êtes pas un groupe de renommée mondiale -ou du moins pas encore- comment arrivez-vous à vous donner les moyens de vos ambitions ?

Thimothée : Ils ont des potes (Rires) !

Guillaume : Il rigole mais les illustrations de Thim ou de Clara Tessier qui a fait la couleur et la réalisation finale, c’est au-delà de notre budget normalement. On peut se le permettre parce que ce sont nos potes… Après, concernant la pierre sculptée, Arthur Bourson est un fan de notre musique au départ, il est venu nous voir en nous disant qu’il était tailleur de pierres, qu’il voulait rendre hommage à notre travail en nous offrant ce bas-relief. Il a passé je ne sais combien d’heures dessus -12 heures je crois… Après, le clip nous a coûté moins de 3 000 euros… Ce n’est que de la débrouille !


Par conséquent, Abduction possède une forte identité qui vous distingue au sein de la chapelle black metal dont vous ne cultivez finalement que peu les codes…

Guillaume : C’est vrai !


… Qu’est-ce qui pourrait vous définir ?

François : C’est toujours une question très difficile et quand on me demande de mettre une étiquette sur Abduction, je réponds généralement "black metal progressif" mais c’est un peu par défaut mais nos structures sont assez variées et on a une approche assez personnelle dans l’alternance des chants, des plans, la complexité technique, ce genre de choses…


Enfin, la version dungeon synth

François : Ah oui !


… -ou church synth comme vous dites- de ‘Sous les cendres et la pierre’ extrait de l’album "A l’heure du Crépuscule" est très belle…

François : Oh merci !


… Pourriez -vous poursuivre dans cette voie en gravant un album entier dans ce style ou à tout le moins en intégrant des petites pièces de ce type dans vos disques ?

François : C’est prévu ! Bien vu, c’est une question qu’on ne nous a pas souvent posée. L’idée de base de la version church synth m’est venue quand on fait "Jehanne". J’étais tellement à fond sur l’album que j’ai eu beaucoup de mal à en sortir c’est-à-dire que quand l’album est sorti, on allait avancer sur d’autres morceaux, j’ai d’autres projets musicaux mais "Jehanne" m’a tellement pénétré que j’ai eu du mal à en sortir…


On n’avait pas envie de quitter "Jehanne" !




On a commencé l’interview en indiquant que vous aviez sorti quatre albums en six ans mais ce nouvel album est tout de même espacé de trois ans avec "Jehanne". L’explication vient du fait que "Jehanne" a particulièrement été marquant pour le groupe ?

François : Complément !

Guillaume : C’est la première fois qu’on passe quelques mois sans rien composer : on n’avait pas envie de quitter "Jehanne" !

François : Et comme j’étais encore dans l’ambiance de l’album et que je n’arrivais pas à en sortir, pour m’amuser, j’ai essayé de proposer ma vision des morceaux sans demander de partitions à Guillaume, histoire de le faire à ma sauce en prolongeant certains passages qui me paraissent trop courts et frustrants sur l’album ou en variant certaines parties… et l’idée est de faire l’album complet à terme…


Mais quelque part développer des passages trop courts sur l’album, c’est ce que les groupes font sur scène…

Guillaume : C’est ce qu’on va faire sur scène !

François : C’est l’idée !

Guillaume : C’est tout l’intérêt de la scène. Je suis un immense fan de The Devil’s Blood qui est un groupe qui pouvait sortir un morceau de 5 minutes sur album et en faisait 15 sur scène ! C’était génial : ils développaient, ils étiraient, ils étaient pris dans la frénésie de leur truc et j’adorerais qu’on arrive à faire ça mais ça demande beaucoup de travail... en tous cas, au moins proposer des versions qui ne sont pas des bêtes copier/coller de la version studio mais qui développent des trucs sur scène et qui aient leur identité sur scène !


François, même si tu n’es pas à l’origine d’Abduction malgré tout, on trouve qu’il y a une parenté avec Angelorre, ton projet gothic doom atmo, moins pour tes lignes vocales que pour une certaine atmosphère, une esthétique… Es-tu d’accord ?

François : Oui, oui.. J’ai fondé Angelorre en 2007 avec mon meilleur ami et on s’est pris de passion pour cet univers un peu XIXe siècle, notamment la littérature de l’époque et ces images un peu archétypales de jeunes filles qui se lamentent au crépuscule, à l’orée du cimetière, sous un ciel obscur avec la lune qui perce sous les nuages… Un truc très cliché…

Guillaume : Nous, c’est pareil mais en moins cul-cul (Rires) ! Abduction, c’est la même en plus viril (Rires) !

François : Mais c’est vrai que quand on envisageait avec Guillaume que je rejoigne Abduction en 2011, il y avait une parenté entre les deux univers : ça allait de soi ! D’ailleurs, on a fait quelques répétitions d’Angelorre avec Guillaume.

Guillaume : Il faut savoir qu’on s’est connu par un ami commun qui est le guitariste d’Angelorre et qui est également fan de Mylène Farmer, c’est aussi ce qui nous a réuni : c’est logique qu’il y ait des liens (Sourire)…


Si les gens pensent que c’est intello et du coup que ça ne vaut pas la peine d’être écouté, tant pis mais ça ne changera pas notre manière faire !




On a beaucoup évoqué Mylène Farmer mais également tout le concept, l’imagerie déclinée dans chacun de vos albums. Ne craignez-vous pas d’être catalogué comme groupe intellectuel ?

Guillaume : Non ! C’est arrivé plusieurs fois que je lise ça mais sincèrement, on ne se pose du tout ce genre de question. Si les gens pensent que c’est intello et du coup que ça ne vaut pas la peine d’être écouté, tant pis mais ça ne changera pas notre manière faire ! Il n’y a aucune crainte ! C’est un peu stupide ce que je vais dire mais quand tu fais ton truc en mettant ton cœur sur la table et que tu es sincère à 100%, tu ne peux pas te tromper !


Enfin, le sujet des concerts revient souvent. Qu’en est-t-il aujourd’hui sachant que votre musique -nourrie d’influences aussi bien cinématographiques que picturales- pourrait pourtant s’adapter à la scène, portée par un travail sur les ambiances et les décors ?

Guillaume : C’est un projet mais le problème est que c’est un projet qui demande beaucoup de temps et d’argent… On essaie, on a des idées de décors qui feraient un peu théâtraux…


Vous avez des amis dans le milieu ?

Guillaume : (Rires) Non, on en cherche de nouveaux, si vous en connaissez : on aimerait être amis proches, d’enfance avec des gens qui font des décors de théâtre (Rires) ! Plus sérieusement, on aimerait que sur scène, ça soit autre chose que jean/ basket, forcément, on aimerait qu’il y ait des costumes, un peu de mise en scène… D’ailleurs, c’est Lemmy de Motörhead qui disait que quand tu vas voir un groupe sur scène, tu n’as pas envie de voir ton voisin… C’est vrai : je veux voir autre chose, je veux que les mecs m’emmènent ailleurs et qu’ils me fassent un peu rêver… C’est la raison pour laquelle jean/ basket, ce n’est pas possible et qu’on essaie de soigner les photos promos…


Je rebondis sur le sujet, vous avez été longtemps masqués, quel a été le déclic pour vous dévoiler ?

François : C’était le bon album pour le faire…

Guillaume : C’était le bon album pour le faire. Déjà quand on a commencé, les masques n’étaient pas à la mode comme maintenant, aujourd’hui, je trouve que c’est galvaudé : il y a un milliard de groupes qui sont masqués…


Ça nous a lassé : tout le monde a des masques et du coup, le nôtre y perdait un peu en impact


L’effet Ghost ?

François : Oui !

Guillaume : C’est une manière facile de mettre du mystère sur ton groupe. C’est intéressant et c’est pour ça qu’on aimait ça aussi… Après, on faisait aussi une référence à l’Histoire de France aussi… Mais au bout d’un moment, ça nous a lassé : tout le monde a des masques et du coup, le nôtre y perdait un peu en impact. On a donc décidé de passer à autre chose et effectivement, je pense que c’est le bon moment…


… Même s’ils sont toujours présents notamment dans la vidéo de ‘Allan’…

Guillaume : Tout à fait ! Ils sont dans la vidéo, ils sont également attachés à nos ceintures sur les photos. On les utilise toujours, on est toujours contents de ce visuel. Après, il faut savoir qu’on n’a jamais cherché à dissimuler nos identités : on a toujours utilisé nos vrais prénoms, on ne s’appelle pas Lord Detestor (Rires) !


Ce n’est clairement pas une réponse spontanée, ça sent la réponse travaillée…

Guillaume : (Rires) Pour l’anecdote, c’est notre premier chanteur qui utilisait ce pseudo non pas lui mais pour se moquer de ceux qui en avaient et on a toujours trouvé ça très, très drôle… Mais effectivement, on n’a normalement pas besoin de tout ça et c’est la raison pour laquelle on a enlevé les masques. D’ailleurs, quand on va jouer sur scène, on ne va pas jouer avec les masques sinon on ne jouera pas plus d’un morceau…


Et justement cette scène, en avez-vous à nous annoncer ?

François : Pour commencer, on joue en acoustique le 9 décembre à Nantes dans les locaux de Frozen Records, notre label qui est aussi un disquaire. Ce sera un petit showcase de 25 minutes mais ce sera déjà une première prestation…


Vous avez déjà sélectionné les titres que vous allez jouer ?

François : Oui, oui, on est en pleine répétition (Sourire)… Et pour l’électrique, on espère vraiment y venir : en 2024, si tout va bien, on va y arriver !





Si l’accueil est à la hauteur de la qualité de l’album, les propositions devraient abonder…

François : On espère !


Merci


Abduction : Merci beaucoup, c’était cool !


Et merci à Childeric Thor pour sa contribution...


Plus d'informations sur https://abduction616.bandcamp.com
 
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