"Eye In The Storm" est le nouvel album de One Lige All-In. Un album qui reflète un contexte social dur, brutal mais au bout du tunnel se cache la lumière. Rencontre avec les artistes.
La formation du groupe est assez originale car franco-américaine, en quoi cette originalité est une richesse pour le groupe ?
On mélange plein de genres, on mélange la culture américaine et française, l'expérience des uns et des autres. C'est quelque chose qu'on n'aurait pas pu faire il y a 20-30 ans mais aujourd'hui avec la technologie on peut travailler à distance, on échange facilement, comme on est en train de le faire actuellement (NDLR : l'interview se fait via Zoom). Les frontières n'existent plus. De nos jours ce genre de groupe n'est plus exceptionnel.
Que représente cet apport américain ?
C'est surtout une nouvelle manière de travailler. On est trois à être basés sur Lyon et Don aux Etats-Unis. Est ce que ça donne quelque chose d'original ? J'ai posé la question à Don il n'y a pas si longtemps de savoir si il percevait une identité européenne ou dans la musique qu'on lui proposait. Bizarrement il m'a répondu non qu'il ne voyait pas de différence majeure alors que je pensais qu'il y avait une sensibilité différente. La mondialisation est passée par là.
Tu parlais de manière différente de travailler entre Américains et Européens, quelles sont ces différences et arrivez-vous à concilier ces deux approches peut-être différentes de bosser ?
On arrive à concilier ces approches facilement. On propose à musique et on l'envoie à Don qui nous fait un retour, soit il aime soit il n'aime pas. Il écrit son texte, il enregistre son chant et nous en fait un retour et on dit à notre tour si on aime ou pas, on lui propose des corrections. C'est un échange et une approche peut-être plus libre et sans filtre par rapport à notre manière européenne d'aborder les choses.
D'abord considéré comme un side-project, On Life All-In est devenu un groupe, comment expliques-tu cette évolution ?
Au départ, c'était mon initiative, juste faire un EP. J'avais demandé de l'aide à Clem, le guitariste pour enregistrer. Ensuite, Don était le premier choix pour le chant. C'était une sorte de rêve de gosse parce que j'aimais vraiment ce qu'il faisait. Quand j'étais ado et jeune adulte j'allais le voir en concert. J'ai tenté le coup en le contactant et il a accepté. C'était sensé n'être qu'un projet studio et
one shot, pour se faire plaisir. Ensuite une amitié s'est développée au fil de nos échanges. Don est venu enregistrer en France, on a tourné un clip, on a passé une semaine ensemble. Ça s'était bien passé et tout le monde s'est pris au jeu. L'ambiance était bonne, on avait envie de continuer, de prolonger l'aventure. Et nous voilà aujourd'hui, quelques années plus tard, fort de 2 EP et de ce nouvel album de 14 titres. C'est une aventure humaine et musicale et non pas un plan de carrière ou je ne sais quoi.
Et comment tu es arrivé à contacter Don ? As tu été surpris qu'il ait accepté ?
Je jouais dans un groupe avant One Life All-In avec Clem. On jouait dans Seekers Of The Truth et Don avait été invité sur un festival. On avait ouvert pour The Spudmonsters (groupe de Don) à Lyon, chez nous. C'était le premier contact et on avait pu discuter un peu et passer la journée avec lui. On a gardé contact. L'idée de collaborer ensemble a fait son chemin. J'ai eu envie de monter carrément un groupe avec lui. J'ai demandé l'aide de Clem pour m'aider à enregistrer des démos et oui lui a envoyé en lui proposant le projet. Il a écouté les morceaux et ça lui a plu. Il a écrit les textes et c'est parti. C'était une surprise qu'il accepte, tu imagines bien. S'est développée ensuite une amitié. La relation a évolué, c'est magique.
Le groupe a sorti deux EP et aujourd'hui un premier album, pourquoi cette orientation alors que les EP sont devenus la norme dans l'industrie ?
Au début c'était un projet dans prétention. Le format court s'est imposé de lui-même. Les EP sont dans l'air du temps, tu as raison. Sauf qu'à un moment donné, on propose beaucoup dans un groupe et on devient prolifique. Il n'y a jamais de temps mort et toujours des idées. Je ne te dis pas qu'il y a un morceau tous les jours mais c'est un travail continu. On a pas mal de matière. Certes aujourd'hui l'air du temps te dicte des formats courts, sauf que dans d'autre cultures on est attaché au format album et c'est quelque chose qui a du sens pour nous. C'est un marqueur, un album. On le remarque. C'est une histoire de perception. On aurait pu sortir deux EP à la suite, à 6 mois d'intervalle avec strictement les mêmes genres de chansons. Cet album montre qu'on a grandi puis ça correspond à notre génération. Après si c'est une mauvaise idée, peu importe, ça aura été un chouette moment.
La pochette de l'album est en relation directe avec l'actualité. Qui l'a réalisée avec ce choix entre photo réaliste et BD ? Est ce que vous avez conscience de coller autant à la réalité ?
On y voit une émeute, une scène de chaos, des flammes... ça colle a ce qu'on a vécu dernièrement en France et c'est peut-être pas fini. Malheureusement c'est terrible et malgré cela, au centre de la pochette il y a une lueur blanche qui fait écho au titre de l'album "Eye Of The Storm" et qui représente la lumière au bout du tunnel. Don a l'origine des textes a un état d'esprit positif, même dans les pires situations, il se débrouille pour retourner à leur avantage et voir le verre à moitié plein. Aux États-Unis la situation n'a pas été facile non plus et reste tendue. Il y a toute cette merde à traverser mais peut-être qu'au bout il y a quelque chose de positif à ressortir. C'est le message que Don souhaite faire passer. L'illustrateur est Aurélien Paulis. Clem a découvert ce gars à travers son travail. Il illustre beaucoup de romans policiers et de science-fiction. Aurélien a bien saisi ce qu'on voulait faire paraitre.
On se raccroche à ce qu'on peut, la musique ou je ne sais quoi.
Parce que si tu baisses les bras, si tu abandonnes, qu'est-ce qu'il nous
reste ?
On sait que les Américains ont une vision optimiste du monde en opposition à la vision plus réaliste voire pessimiste des Européens, le groupe est-il totalement convaincu de cette lueur ?
Don la porte en premier et cela a une influence sur nous. Tu es le produit de ton environnement, des gens que tu côtoies. Cet optimisme tu le perçois entre nous. J'essaye de me raccrocher à ça même si le contexte est dur. On se raccroche à ce qu'on peut, la musique ou je ne sais quoi. Parce que si tu baisses les bras, si tu abandonnes, qu'est-ce qu'il nous reste ? Certes ce sont de belles paroles mais il faut passer à travers de situations difficiles pour apprécier ce que l'on a.
Parlons de votre musique qui est un mélange de punk, de metal, de rock tout ce qui est lié à l'énergie. Comment arrivez-vous à canaliser toutes ces idées et ces styles ?
Ça se fait naturellement je dirais, il n'y pas de recette. Il y a une volonté de mélanger tout ça. C'est plutôt une volonté de ne rien s'interdire, et donc c'est un peu différent. Quand avec Clem on a une idée plutôt metal on garde. On se pose la question est ce que ça nous plait. On raisonne comme ça. On écoute plein de choses différentes, c'est du ressenti, ça peut être punk, hardcore... Puis sur l'album tu as des passages plus acoustiques, du piano, des cordes... On ne s'interdit rien. J'ai passé l'âge des restrictions. On a des contraintes tous les jours dans nos vies, c'est pas pour les vivre en musique. Laissez-moi créer ce que je veux et me faire plaisir. Après ça ne plaira pas à tous mais au moins on sort de notre zone de confort. On est tous sur cette même route, et le travail se fait de façon naturelle.
Tu as le sentiment que la musique est encore un espace de liberté ? Est-ce qu'il n'y a pas un peu des limites avec des dictats de l'industrie actuelle qui demande à ce que tout soit lisse ou aseptisé ?
A notre échelle, il n'y a pas de pression de la part de maison de disques ou de qui que ce soit. Il y a une liberté totale. Je vais prendre un cas extrême, quand tu t'appelles Metallica, tu as un cadre, tu as des choses à respecter, des conseils autour de toi... C'est dur de comparer un groupe comme le nôtre avec des groupes déjà bien installés, dans le business... Nous avons aucun scrupule vis-à-vis de cela et c'est même quelque chose que l'on souhaite afficher.
Donc il ne faut pas que vous soyez trop célèbres pour conserver votre liberté ?
On en reparlera si cela arrive ! Mais pour Metallica il doit y avoir des impératifs à respecter. C'est un autre monde, et pour l'instant on est heureux comme ça.
Ce choix donne à l'album de la variété, du dynamisme, des moments de répit et où ça repart
L'album comprend 14 titres pour 35 minutes dont un 'Say My Name' de 9 secondes. Qu'est-ce qui explique ce choix de morceaux de courte durée ?
Ce sont les racines punk hardcore qui ressortent. Le morceau le plus court fait en effet 8 secondes environ et le plus long 4 minutes. Après, au milieu, tu as des sons contraires. Cela rejoins ce que je te disais plus haut, à savoir une totale liberté. On ne regarde pas la durée, que le morceau fasse quelques secondes ou plusieurs minutes du moment que la composition nous plait. Ce choix donne à l'album de la variété, du dynamisme, des moments de répit et où ça repart. Ce n'est pas linéaire.
Justement, tu parlais de ne rien s'interdire, or ce choix semble inconsciemment normé. Pourquoi ne pas aller plus loin en cassant ces racines pour proposer des morceaux plus long du type punk hardcore prog de 5 minutes...
Il y a un morceau qui sonne un peu comme ça, c'est le titre 'At The Storm' qui fait 4 minutes où il y a plusieurs parties. A notre échelle c'est ce qu'il y a de plus progressif (rires). C'est le morceau le plus long qu'on ai écrit. Est-ce qu'on sera capables d'aller au-delà ? Est-ce qu'on en a envie ? C'est encore une autre question. On ne va pas faire un morceau de 8 minutes par principe, il faut que cela ait du sens. Il te faut une mélodie, des points d'accroche, d'entrée... Mais pourquoi pas ?
J'irai même un peu plus loin, il y a certaines chansons qui sont liées entre elles comme 'A Simple Mind' et 'Already Gone', le passage de 'Say My Name' à 'War'. Est ce qu'on ne serait pas en train d'écouter un album de punk rock metal progressif composé d'un titre qui serait "Eye Of The Storm" composé de 14 parties ?
Inconsciemment peut être, mais c'est un super compliment si tu le perçois ainsi car nous avons fait un effort particulier pour assembler les morceaux ensemble. On s'est pas mal creusé la tête, on a fait pas mal d'essais pour ce soit à nos yeux cohérent. Tu sembles confirmer cela. Je n'avais pas vu l'ensemble comme tu le vois. Il y a un gros travail de sélection, de tri. On a ce luxe de pouvoir le faire, rien n'a été laissé au hasard. Il y a deux moments, la création qui est assez libre et naturelle, et tout un travail ensuite où on réfléchit un peu plus. Les idées viennent, certains copains m'ont dit que certains passages font penser à du Judas Priest d'autre à du Anthrax, ce sont de super compliments.
'War' est l'un des morceaux les plus réussis de l'album avec son intro surprenante pour le nom du titre où on s'attendait à quelque chose de plus violent. Pourquoi une telle orientation sur ce titre ?
Ça fait partie d'une idée de Clem, le guitariste, qui avait proposé un morceau dont j'ai retravaillé la structure. Il est le fruit d'un travail collectif. C'était une idée décalée qui me semblait intéressante à travailler. Après ça aurait marché ou pas parce que on tente plein de trucs et ça ne marche pas à chaque fois. Mais là, même jusqu'au dernier moment, on avait un doute sur ce morceau. Il est un peu décalé par rapport aux autres. J'ai poussé pour l'avoir car il me semblait réussi et qu'il apporte de la nuance une fois de plus à l'album. C'était ce côté qui me plaisait bien, un peu un poil à gratter qui sort des sentiers battus.
Quand tu es un peu timide ou réservé, tu prends ta guitare, ta basse ou ce que tu veux et tu sors tout ce que tu as sur le cœur.
Du coup, vous ne vous reposez pas uniquement sur l'énergie mais aussi sur la recherche d'émotions, que ce soit la colère, la mélancolie. On la perçoit notamment sur 'Life Of Dreams' qui sonne comme une sorte de catharsis. La musique est un moyen de vous faire plaisir mais aussi d'exprimer vos frustrations et être le porte parole de celles de vos auditeurs ?
Il y a de ça, oui. Après les gens qui écoutent cela nous dépasse et tant mieux si ils apprécient. C'est une manière de s'exprimer, de faire retranscrire en musique les choses. Quand tu es un peu timide ou réservé, tu prends ta guitare, ta basse ou ce que tu veux et tu sors tout ce que tu as sur le cœur. Tu canalises toute cette énergie pour ne pas faire un truc négatif, tu ressors du positif.
Il y a quelques influences dans l'album, tu les as citées, je ferai une référence à The Offsping pour ce côté punk californien notamment dans 'Digging The Grave' et 'A Simple Mind'. Est-ce que c'est un groupe qui fait partie de vos influences ? Sinon quels groupes ont servi d'inspiration pour cet album ?
J'aime beaucoup The Offspring. Depuis que j'ai découvert le groupe dans les années 90. Ils ont un sens de la mélodie, c'est catchy et accrocheur. C'est un hit à chaque morceau, j'adore ça. Il y a un groupe qui nous réunit tous c'est Faith No More d'où la reprise. Même si on a tous des goût différents, tout le monde est fan de Faith No More. Le fait d'enregistrer cette chanson, ça permettait de faire passer un message d'ouverture d'esprit car c'était un groupe qui aussi ne s'interdisait rien. C'est un modèle à notre échelle.
Les riffs sont importants dans vos compositions musicales, c'est le cœur avec la rythmique, qu'est-ce qui fait pour vous qu'un riff est bon ?
Quand j'écoute un riff, est ce qu'il me donne envie de taper du pied ? Est ce qu'il m'ennuie ? C'est avant tout une affaire de ressenti, de perception. C'est subjectif ou objectif, ça se mélange tout ça. C'est difficile d'expliquer techniquement.
L'ouverture de l'album est surprenante, c'est vraiment brutal avec 'Do Or Die' qui est vraiment dans l'esprit punk qui n'est pas totalement représentatif de l'album, c'est donc votre ADN de surprendre ?
C'est ce qu'on espère. Il y a plein de points d'accroche, de l'acoustique, des mélodies. Les gens qui sont réfractaires au hardcore peuvent s'accrocher aux mélodies. Clem a fait un travail incroyable sur les guitares, il y a beaucoup de couches, des harmonies. L'album peut intéresser les guitaristes ou les gens qui aiment les mélodies. On ne peut pas résumer One Life All-In à un groupe de hardcore.
Comment appréhendez-vous le passage du studio au live ?
C'est un plaisir car c'est l'aboutissement. Quand tu bosses sur l'écriture des morceaux, tu les vois grandir, évoluer. C'est à l'état de démo et c'est plutôt brut. En studio tu leur donnes un aspect plus présentable, plus travaillé, plus produit. Pour moi c'est une grande satisfaction d'écouter le titre fini. On va aller jouer aux États-Unis à Cleveland on espère avoir plusieurs dates là-bas. On travaille dessus avec une agence de
booking, mais ce n'est pas simple.
Et donc avec Roger de Where The Promo Is qui vous aide à vous faire encore plus connaitre...
Roger est incontournable, on le connait depuis plus de 30 ans, un sacré Monsieur.
On te laisse le mot de la fin....
Merci pour cette interview. N'hésitez pas à venir nous découvrir, à regarder nos clips pour vous faire une idée. Il y a plein de choses différentes, soyez un peu curieux vous trouverez peut être votre bonheur. Merci pour le temps consacré !