Le lien d’amitié entre Esthesis et Berlin Heart est né d’une rencontre artistique qui s’enrichit mutuellement entre les Toulousains et les Franciliens. Les deux groupes ont sorti leurs premiers albums respectifs à quelques mois d’intervalle et il en va de même pour leurs seconds essais.
Ce n’est donc pas le fruit du hasard de retrouver les deux combos réunis sur la même scène parisienne à l’occasion de la tournée 'Watching Worlds Collide' d’Esthesis. Si ce dernier est déjà bien rompu à l’exercice du live, qu’en sera-t-il pour Berlin Heart dont c’est le premier ?
Berlin Heart
Vincent Blanot, initiateur du projet, est un perfectionniste jusqu’au bout des ongles (musicalement, vocalement et visuellement). La pression était palpable à cette occasion. Mais porté par l’excitation du live si longtemps mis sous perfusion, le local de l’étape, encouragé par un public nombreux composé d’amis, famille et curieux, et par les musiciens qui l’accompagnent, a relevé ce défi haut la main.
Il faut dire que la musique de Berlin Heart, à la fois introspective et libératrice, a de quoi prendre de l’ampleur sur scène et conquérir l’assistance. La voix de Vincent, teintée de fragilité et de force, s’adapte aux mouvements que développent sa musique. Dix titres seront joués au cours de ce set qui est passé à une vitesse folle entre titres du premier album et nouveaux morceaux encore mystérieux à cette date.
C’est d’ailleurs eux qui ouvrent le bal de façon surprenante (‘The Poringland Oak’, ‘Still Life’), histoire de nous mettre dans une ambiance qui mêle à la fois un rock indépendant, alternatif, post rock et progressif - Berlin Heart est tout cela à la fois. Épaulé par un excellent batteur (Rémi) et un saxophoniste (Quentin) qui a assuré malgré quelques soucis techniques, Vincent nous fait rentrer dans son monde, bourré de contrastes extrêmement prenants. Les nouveaux morceaux, pour peu qu’on soit sensible à ce style protéiforme, passent d’emblée très bien, alternant passages planants et plus brutaux qui font que l’on se raccroche à l’un ou l’autre. ‘Still Life’ par exemple sonne comme un des titres les plus accessibles du nouvel album qui, on le pressent, sera différent de "Mute In The Sea".
Ce premier album, plus électro et ambient, aura également son heure de gloire avec notamment ‘Portrait Frame’ qui prend en concert une toute autre dimension ainsi que ‘The Bonfire’, le tout réhaussé par ces lignes de saxo qui sonnent comme une seconde voix. Les compositions de Berlin Heart sont exigeantes et d’une grande richesse (aidée en cela par la programmation) et la retranscription dans cette formation restreinte laisse présager encore plus d’ampleur avec d’autres futurs musiciens live qui viendraient compléter les trois membres actuels.
En sueur, Berlin Heart termine le set par ‘Solar’, étoile rebelle comme un signe d’une indépendance chèrement conservée, loin des poncifs et des codes musicaux, ce qui correspond bien au projet. Malgré la chaleur, le stress… cette première prestation laisse entrevoir un avenir serein pour Berlin Heart dont le cœur (non artificiel) n’a pas fini de battre.
Setlist :
The Poringland Oak
Still Life
Portrait Frame
Lost House
Crystal Morning
Juste Fine
Tear It Down
Mute In The Sea
The Bonfire
Solar
Esthesis
Attendu au tournant après deux albums réussis mais qui ont toutefois cristallisé quelques réserves (au niveau des influences notamment), Esthesis qui vient de sortir son tout nouvel album prend place sur scène. Aurélien et sa bande avaient déjà fait plusieurs concerts auparavant et cette dernière date de ‘Watching Worlds Collide Tour’ va confirmer les progrès manifestes du groupe.
Il faut dire que ce nouvel album apporte plus de densité avec des morceaux plus rentre-dedans, là où "The Awakening" était un peu plus contemplatif et ambient. Aurélien Goude attache une grande importance aux prestations du groupe et c’est là aussi un point commun avec Berlin Heart. Aimant surprendre et sortir des versions studios, le live est l’occasion pour Esthesis d’asseoir également sa signature. ‘Amber’ et le premier single du second album ‘Place Your Bets’ nous scotchent dès l’ouverture du set. On sent le groupe totalement en osmose, plus que lors des premières performances d’il y a presque deux ans. Si Aurélien, derrière son clavier, semble prendre encore plus de plaisir sur scène, Marc, l’habile bassiste, conserve son sourire communicatif tout le long du set. Plus détendu, Baptiste distille des solos plus présents (remplaçant par exemple certains solos de sax) et prend plus de place en live. Et que dire du nouveau batteur, Arnaud, qui apporte une nouvelle dynamique au groupe, marqué certainement par quelques influences metal. Il convient également de souligner la prestation tout en finesse et délicatesse de Mathild,e dont le rôle est primordial sur ce second album jouant encore plus la dualité.
Avec de nouveaux arrangements, Aurélien démontre sa science pour adapter les morceaux de "The Awakening" à la couleur du second disque pour aboutir un set cohérent. Le titre éponyme gagne ainsi en dimension. Du coup, le concert passe à une vitesse folle en raison de contrastes plus affirmés. On vibre à la vision et l'écoute de 'Chameleon' ou 'Wandering Cloud' très accessible, on s'émeut lorsque s'en vient 'Skimming Stone', on explose lorsque retentit 'No Soul To Sell' ultra prenant. Et c'est là où le groupe a gagné par rapport aux précédents concerts, aidé probablement par ces nouvelles compositions : transmettre plus d'émotion. Le groupe s'éclate et ça se voit. C'est peut-être cette tournée qui marque véritablement le départ pour Esthesis en tant que groupe plus que de projet. Car si Aurélien garde le contrôle, les autres membres ont pris plus de place et cela transparaît sur la scène par les échanges de regards plus nombreux au même titre que les sourires. Aurélien parle beaucoup au public entre les titres et semble également plus détendu.
Voir Esthesis en concert c'est prolonger l'expérience des albums studios et être surpris par des versions qui vont plus loin que les versions originales. Le live apporte un plus tant musicalement que visuellement grâce à de nouveaux jeux de lumière qui épousent les différents mouvements instrumentaux. Esthesis a gagné son pari et n'a pas fini sa progression.
Deux groupes qui ont éclairé la nuit de leurs talents pour une prestation marquante pour chacun d'entre eux (le premier live pour les autres, la véritable naissance pour l'autre) et pour le public conquis qui a pris plaisir à renouer avec le spectacle vivant, si important.
Setlist :
Amber
Place Your Bets
Chameleon
The Awakening
Wandering Cloud
Skimming Stones
Vertigo
High Tide
Stratus (Billy Cobham cover)
No Soul To Sell
Encore:
Through My Lens