A l’occasion de la sortie du deuxième volet des aventures sanglantes de Bret Halford et son groupe Leather Patrol, nous avons rencontré la tête pensante de cette trilogie -Carpenter Brut- qui nous a livré une longue interview sans concession dans laquelle il n'élude aucun sujet que ce soit l'anonymat, son indépendance, l'argent, les Victoires de la Musique, son rêve ultime et bien sûr, la musique... Retour sur une interview... brute !
Nous t’avions interviewé il y a quatorze ans dans d’autres conditions, dans une autre vie et à l’époque, je ne t’avais pas posé la question traditionnelle du site à savoir quelle est la question qu’on t’a trop souvent posée et à laquelle tu aurais potentiellement marre de répondre ?
Carpenter Brut : Celle-ci (Rires) !
On avait fait une interview ensemble il y a 14 ans, dans laquelle il y avait déjà des prémices de Carpenter Brut. Le projet était à l’esprit à l’époque ? Je me souviens notamment d’une réponse sur tes sources d’inspiration où tu réponds je cite "Bizarrement, je dirais le cinéma. Ce que l'on ressent quand on voit un film, j'essaie de le recréer sans les images"… Carpenter Brut était né, non ?
Peut-être bien ! Je me souviens je faisais déjà un peu de bricolage de musique dans mon coin ; je faisais un peu de musique sans prétention, pour passer le temps…
Mais c’était déjà comme ça que j’envisageais la musique sachant que je savais que je n’allais pas chanter, il fallait que je trouve un autre moyen pour raconter une histoire, et passer par des scénarios de films était le meilleur moyen…
Quand nous nous étions rencontrés, tu n’étais pas encore musicien, mais était-ce malgré tout une ambition ?
Non, mais peut-être que ça traînait…
J’en avais marre d’enregistrer des groupes et je voulais mettre en pratique les idées que j’avais pour eux, mais pour moi…
Et quel a été le déclic ?
Je pense qu’à un moment, j’en avais marre d’enregistrer des groupes et je voulais mettre en pratique les idées que j’avais pour eux, mais pour moi…
J’ai eu plus de succès en faisant ma musique qu’en enregistrant des groupes
Tu m’as donc menti à l’époque en déclarant que ton rêve à l’époque était de monter ton propre studio ?
Je ne t’ai pas menti parce que ça n’empêche pas que j’ai continué à acheter du matériel et améliorer mon studio. Même si maintenant je n’enregistre plus de groupe -hormis le mix du dernier Ulver- j’ai commencé Carpenter Brut en 2011 donc j’ai fait le dernier Hacride, ils ont commencé à faire la tournée pour la sortie de l’album mais je ne les ai pas suivis, préférant voir ce que ça allait donner avec Carpenter Brut. Et finalement, j’ai eu plus de succès en faisant ma musique qu’en enregistrant des groupes.
Depuis, Carpenter Brut est devenu un véritable phénomène. T’attendais-tu à un tel succès ?
Bah non ! Mais c’est la réponse que tous les gens te font à chaque fois… En fait, il faut bien savoir que mon parcours est d’avoir toujours été avec des groupes en peu confidentiels sans manquer de respect à Hacride ou à Klone ; ils ont eu un peu de mal à percer à l’étranger. Avec Carpenter Brut, je n’ai jamais dit que j’étais français…
Tu penses que l’étiquette française peut nuire à la diffusion d’une musique ?
Je n’en sais rien mais je n’ai jamais dit que j’étais français non pas parce que je pensais que cette étiquette pouvait nuire, mais comme je voulais jouer de l’anonymat, je n’allais pas dire d’où je venais...
On va dire que cet anonymat joue mais c'est surtout grâce au style musical que tu empruntes que tu as passé le stade confidentiel ?
C’est sûr !
Comment expliques-tu que cette synthwave ancrée dans les années 1980 soit dans l’air du temps ?
Elle est dans l’air du temps aujourd’hui pour le public mais elle est dans l’air du temps pour moi depuis que j’ai commencé, il y a dix ans… Je pense qu’il y a toujours un retour aux sources : il y a dix ans, on écoutait les trucs à la Iggy Pop, des musiques des années 1970…
Tu me fais peur ça veut dire que les années 1990 vont revenir…
Ca ne va pas tarder, effectivement ! Il y a des groupes comme Code Orange par exemple qui commencent à reprendre des éléments de grunge. Même si Code Orange, c’est beaucoup plus que ça, on ne peut pas résumer le groupe à ça mais il y a ce petit feeling années 1990 qui arrive. Et même "Leather Terror" est un peu plus orienté années 1990 justement…
Je pense que les gens détestent toujours la période dans laquelle ils vivent : c’était toujours mieux avant !
Musicalement biberonné aux années 1980, quelles soient électriques ou électroniques, et inspiré par les films d'horreur de cette même époque, ne crains-tu pas de vous retrouver prisonniers d'un univers et d'un style ?
Non ! Regarde entre "Leather Teeth" et “Leather Terror”, il y a eu évolution. "Leather Teeth" était beaucoup plus inspiré glam ou heavy metal mélodique et "Leather Terror" est beaucoup plus industriel.
Je pense que tu t’enfermes dans un style à partir du moment que tu veux soit respecter les codes soit parce que tu te dis que c’est ce que les gens aiment chez toi et tu vas faire ça
ad vitam… Et moi, je me ferais chier et il ne faut pas oublier que je me tape deux ans de tournée à jouer les morceaux alors s’ils se ressemblent tous…
Après vos trois premiers EPs, tu as lancé une nouvelle trilogie d'album baptisée "Leather". Le premier volet, "Leather Teeth" est la bande-son d'un film d'horreur imaginaire, quatre ans plus tard, "Leather Terror" reprend les aventures électriques et sanguinolentes de Bret Halford étudiant en science introverti. Tel Docteur Jeckyll, il créé un breuvage qui le transforme en Mister Hyde… Au-delà de l’histoire et le fait que tu souhaites garder un certain anonymat : question évidente pour nous, Bret Halford est-il une version fantasmée de celui qui se cache derrière Carpenter Brut ?
Non, pas du tout (Rires) ! C’est une question qui revient assez souvent mais non, parce que le mec est quand même censé être un tueur en série donc je vais rassurer tout le monde, ce n’est pas mon cas (Sourire) ! Non, non, c’est juste une excuse de scénario pour raconter une histoire.
Après, dans les
slashers, j’ai beaucoup aimé Vendredi 13 ou Maniac qui est une assez grosse influence puisque ça a une ambiance hyper glauque. Je suis parti là-dessus, j’aurais pu partir sur les loups-garous mais ça m’inspirait moins parce que je suis plutôt urbain…
On évoque cet anonymat, pourquoi n’avoir pas poussé le délire jusqu’à te grimer en Bret Halford à l’instar d’un Papa Emeritus avec Ghost ?
Il aurait fallu que j’y pense plus tôt. Et quand j’ai commencé à faire des concerts, je n’avais pas encore la trilogie "Leather" en tête.
Mais comme tu souhaites garder cet anonymat malgré tout, ça aurait été une idée comme une autre…
Je ne veux pas garder l’anonymat, j’ai été cramé par un journaliste qui a balancé mon nom en interview alors que je lui ai dit de ne pas le faire et il l’a fait malgré tout… et depuis, ça s’est retrouvé partout…
Mais l’identité de Tobias Forge alias Papa Emeritus est aujourd’hui révélée pour autant, ça ne l’empêche pas de continuer de garder son personnage…
Oui, mais je n’avais pas de personnage au début. Donc oui, je peux comprendre qu’on se demande pourquoi sur scène, on ne retrouve pas le personnage.
Et en live, comment ça va se passer ?
En live, ça va se passer comme les autres fois : on va se retrouver tous les trois à jouer les morceaux. Il y aura des écrans avec ces vidéos mais ce ne seront pas les mêmes vidéos qu’avant, ce seront plutôt des vidéos illustratives et pas des extraits de films. Et puis, j’y réfléchis quand même donc je vais sûrement utiliser mes lunettes de soleil de vue et voir si on retrouve cette espèce d’esprit.
Tu as évoqué la trilogie "Leather". Est-ce que dès le départ, tu avais une idée précise de la composante de chacun de ces trois albums de cette trilogie et si c’est le cas, quel sera la teneur du dernier volet ?
En gros, j’avais l’idée de l’histoire globale mais la troisième partie de l’histoire s’est définie récemment, il y a un an ou deux. Je savais qu’à la fin du deuxième volet, Bret Halford est enfermé dans une chambre froide et il va geler comme Jack Nicholson dans Shining et va être décongelé dans 200 ans suite à une coupure d’électricité. Du coup, il va se retrouver dans un monde futuriste : c’est l’occasion de terminer la trilogie "Leather" dans un monde à la "Somewhere in Time" d’Iron Maiden.
L’idée est de ne pas rester enfermé dans ce délire années 1980 en permanence !
On revient à la question du style musical dans lequel tu pourrais éventuellement être emprisonné, en clôturant la trilogie dans le futur, tu peux donc t’exonérer d’une musique ancrée dans les années 1980…
Tout à fait ! L’idée est de ne pas rester enfermé dans ce délire années 1980 en permanence ! Je pense qu’il faut évoluer. Les années 1980 sont un marchepied, ça te permet d’avoir un point de départ pour faire ta musique et en fonction de ton évolution dans ta vie, ta musique évolue également…
Pour le premier volet de cette trilogie, tu souhaitais proposer une musique moins sombre que sur les EPs, plus pop tout en demeurant très percutante. Par son énergie vrombissante, on a l'impression qu'il marque un certain retour aux EPs, des titres comme 'Day Stalker' ou 'Night Prowler' auraient ainsi pu figurer sur un de ceux-ci : es-tu d’accord avec ça ?
Ils auraient pu y figurer mais n’auraient pas eu cette tête-là : à l’époque, je ne les aurais pas faits de la même manière.
Pour cet album, je me suis forcé à faire des choses très simples -pour les morceaux instrumentaux- alors qu’avant, il fallait toujours que ça finisse en feu d’artifice genre ‘Le Perv, ‘Hang' Em All’ ou ‘Run, Sally, Run !’ et là, tu remarqueras que ça s’arrête toujours subitement, comme un meurtre.
Mais je te rejoins dans le sens où ce n’est pas un retour aux sources mais je reprends un peu là où je me suis arrêté avec la fin du troisième EP. Mais c’est aussi parce que ce sont des trucs que je sais faire ! Alors tu vas me dire que je te disais que je voulais évoluer. Mais je pense que la manière dont je le fais maintenant a évolué : je ne le fais pas comme je le faisais il y a cinq ans…
Je savais que de toutes façons, on pouvait faire un album qui sonne gros sans guitare…
D’autant que tu as déclaré qu'il n'y aucune guitare sur cet album. Etait-ce un vrai défi pour toi ou tu voulais définitivement te couper d’Adrien ?
C’est surtout que je voulais me couper d’Adrien (Rires) ! Non, non, c’est juste que quand j’ai commencé à composer, je me suis demandé si les guitares avaient un intérêt. Autant sur "Leather Teeth", il y en avait un au moins pour les solos -avant il n’y avait pas de guitare non plus- mais ce n’est pas parce que j’en ai mis sur "Leather Teeth" qu’il fallait que j’en mette à chaque fois.
Et puis, il y a eu la pandémie on était tous confinés et je me suis dit que ça allait être compliqué de bosser les guitares. Et puis si ça se trouve, il aurait amené des riffs de guitares et ça aurait sonné guitare. Sachant que comme il le dit lui-même, je fais des riffs au synthé que les guitaristes n’envisagent pas comme ça.
Donc, ce n’était pas un défi : je savais que de toutes façons, on pouvait faire un album qui sonne gros sans guitare…
Et justement comment es-tu alors parvenu à un rendu aussi massif et écrasant ?
C’est marrant, c’est ta perception parce que j’ai l’impression que ça aurait pu être encore plus massif. Et comment j’ai réussi ? J’ai travaillé (Rires) ! J’ai travaillé à trouver des techniques avec des synthés, des empilages de synthés différents… Comme on fait pour enregistrer des guitares qui mettent des têtes d’amplis différentes pour mélanger les grains, j’ai essayé de faire un peu pareil !
En revanche, il y a des riffs que je ne peux pas faire avec un synthé mais que tu peux faire avec une guitare : par exemple, des riffs avec des accords, si je commence à faire des riffs avec des accords avec mes synthés, ça va être une bouillie, on ne va rien comprendre !
Et comment allez-vous vous réapproprier ces titres exclusivement composés et enregistrés sur synthés sur scène ?
C’est le problème d’Adrien (Rires) !
Ca risque également d’être le tien s’il faut réagencer certains morceaux…
Non, je ne pense pas. Honnêtement, déjà Adrien est un excellent guitariste donc il arrive toujours à réinterpréter à sa sauce.
Il y a des riffs qui me paraissent simples et qui le font galérer et j’adore voir Adrien galérer sur un riff simple (Rires) sachant que ça n’arrive jamais normalement !
Non, les notes a priori ne vont pas changer, c’est lui qui va s’adapter. Et puis, je ne fais pas attention sur quel accordage je commence -je m’en fous- alors que lui se pose des questions savoir s’il faut qu’il prenne une huit cordes pour tel riff… ; il va se débrouiller et y arriver (Sourire) !
Tu as répondu en partie à la question -tu as dit qu’il n’y avait pas de guitare en partie en raison de la pandémie- mais à cause d’elle, tu as bénéficié de beaucoup de temps pour concrétiser cet album. Sans cela, crois-tu qu'il aurait vraiment été différent ?
Si j’avais vraiment voulu de la guitare, on aurait quand même trouvé un système.
Généralement, une sortie d’album se poursuit par une tournée et la pandémie a tout mis en suspens -on ne savait pas quand les concerts allaient reprendre- personnellement, je m’étais calé sur le planning de Céline Dion, Céline Dion reprend ses concerts en septembre 2023 : on fait comme Céline (Sourire) !
Tu fais comme Céline en étant désormais allié à Virgin Records…
Attention, je suis toujours indépendant, j’ai toujours mon propre label No Quater. Je précise par les gens vont dire que je me suis "vendu" : je ne me suis pas du tout "vendu", Virgin Records ne fait que me distribuer.
Et comment ça s’est passé ?
C’est le patron de Virgin qui m’a contacté…
Je reste indépendant, j’ai mon label !
Et comment vis-tu une telle approche ?
En fait, si tu veux quand Thomas le patron de Virgin France (NdStruck : Thomas Lorain Directeur général de Virgin Records France) a pris contact avec moi, il était le patron de Caroline qui était beaucoup plus petit. A l’époque, je ne savais pas trop mais ce qui était sûr c’est qu’il était hors de question d’une signature artiste. Je reste indépendant, j’ai mon label !
Mais pourquoi tant tenir à cette indépendance ?
Parce que je fais ce que je veux…
Et tu ne pourrais pas le faire en tant que signature artiste ?
Si je veux mettre 50.000 euros sur un clip et que le label ne veut pas : je fais comment ?
Un label se dit que si un artiste va lui rapporter tant, il ne faut pas dépenser plus de tant. Je ne dis pas que ce sont des nazis et qu’ils vont m’empêcher de faire ce que je veux. Après les gars de Virgin bossent comme des fous, ils ont le bras le long, ils connaissent plein de gens : on a cinq attachés de presse sur cet album un en Angleterre, un en Allemagne, un aux Etats-Unis… C’est un truc que moi tout seul, je n’aurais pas pu faire ! Je pense que c’est bien de mélanger…
Si tu es ouvert d’esprit, l’ensemble roule tout seul !
Tu disais tout à l’heure que les morceaux de cet album se terminaient comme un meurtre. Pour cela, plus encore que son prédécesseur, "Leather Terror" a réellement des allures de bandes-originales, chaque titre collant à une ambiance particulière au gré de ses nombreux invités. Etait-ce le but ?
Oui ! C’est vraiment quelque chose d’important parce qu’il me faut une thématique pour chaque morceau et dans un film, il y a des scènes différentes. Cette astuce me permet de pouvoir varier les couleurs et les morceaux. On passe d’un morceau hyper industriel à un truc à la Madonna et on finit par un truc black metal. Si tu es ouvert d’esprit, l’ensemble roule tout seul !
A ce titre, le menu de cet album oscille entre divers sentiments et ambiances, entre la pure synthwave mâtinée de disco de 'Lipstick Masquerade' ou la noirceur trippante de ‘Stabat Mater'. C'est certainement l'album le plus nuancé, diversifié de Carpenter Brut : es-tu d’accord avec ce que je viens de dire ?
Je suis d’accord mais est-ce que tu y trouves un intérêt ? Tu vois ce que je veux dire, c’est intéressant de savoir ce que ça fait ressentir chez les gens. Normalement, le but est de déclencher plein d’émotions comme dans un film.
C’est généralement la question où je me plante, l’intro de ‘Straight Outta Hell’ m’évoque celle de ‘Deliverance’ d’Opeth…
Je pense que tu te plantes (Rires) car j’avais Hatebreed en tête… A moins qu’on fasse un lien entre Hatebreed et Opeth ! Non, en revanche, Opeth est un groupe que j’écoute beaucoup mine de rien : j’aime bien toutes leurs périodes…
'Imaginary fire' accueille notre ami Greg Puciato. Pourquoi avoir fait appel à lui ? D'une manière générale, comment choisis-tu les invités sur tes compositions ?
D’abord, ce sont des gens que je suis capable de contacter…
J’ai même cru comprendre qu’une artiste t’avait même contacté…
Oui, Persha !
J’essaie d’avoir des invités et j’essaie d’avoir des invités que j’aime bien… Puciato s’est fait par l’intermédiaire de Ben Koller -le batteur de Converge- qui ont un groupe en commun Killer Be Killed. Du coup, ça s’est fait de manière assez simple, je cherchais un
featuring pour le morceau, j’ai fait écouter le morceau à Ben Koller qui m’a dit que Puciato le ferait trop et c’est amusant parce que j’avais déjà en tête Puciato !
Avec quel chanteur aimerais-tu collaborer : dans notre précédente interview, tu nous avais donné ton top album dans lequel figuraient "October Rust" ou "Chaosphere"...
C’est toujours le cas (Sourire) !
... ce n’est malheureusement plus possible pour Peter Steel mais une collaboration Jens Kidman serait-elle rêvée ?
Est-ce qu’elle aurait du sens ? Serait-elle utile ? Si l’occasion se présente, oui…
Mais tu sais que je devais avoir Barney Greenway de Napalm Death pour qu’il fasse la voix sur l’intro comme il fait sur certains albums de Napalm Death. On a pris contact mais ça ne s’est pas fait parce qu’ils sortaient leur album. Mais il avait l’air plutôt chaud même si ces paroles sont souvent très liées aux problématiques du monde réel et que je suis complétement à l’opposé de ça.
Sylvaine apparaît également sur cet album. Le chant féminin, qui a toujours été une composante de l'univers de Carpenter Brut, se fond parfaitement dans ta musique. Pourrais-tu un jour imaginer un album agrémenté du seul chant féminin ?
Hum, pas dans la trilogie "Leather", en revanche sur le prochain album, pourquoi pas…
Et ce qui revient en fil rouge de cette interview à savoir que l’univers de Carpenter Brut est tellement vaste que tu es libre de faire ce que tu veux… C’est un incroyable jouet que tu t’es créé…
Exactement ! Tu as très bien défini le truc : Carpenter Brut est un jouet que certaines personnes ont essayé de casser.
C’est-à-dire ?
Carpenter Brut peut être perçu comme une blague. Au début, les gens se disaient que c’était le groupe qui fermait le Hellfest avec ‘Maniac’. Aujourd’hui, c’est pas mal parce que petit à petit, les gens nous trouvent plus légitimes, même s’il y a toujours qui ne nous aiment pas mais ça ce n’est pas grave…
Carpenter Brut est un jouet avec lequel je m’amuse, c’est un Transformer auquel je peux donner la forme que je veux.
… au contraire, le pire serait de laisser indifférent…
Exactement comme le disait Dali !
Mais c’est clair que Carpenter Brut est un jouet avec lequel je m’amuse, c’est un Transformer auquel je peux donner la forme que je veux.
Il y a une période que j’aimerais bien traiter parce que visuellement elle m’attire, c’est le début des années 1900 -tu sais avec les premières photos : il y a notamment toute une série de photos où ils essayaient de prendre les âmes des morts. J’aimerais bien un album sur cette époque mais ce n’est pour ça que la musique sonnera 1900… Peut-être que j’écouterai ce qui se faisait dans les années 1900 et garder les styles d’accord… Disons que comme j’ai toujours composé de la même manière -parce que c’est un peu mon style- on retrouvera de toutes façons ma signature quel que soit le style que j’emprunte.
Tu as joué aux Etats-Unis. Quel succès rencontre Carpenter Brut là-bas ?
Ecoute, ça marche bien : de toutes façons, 50% de mes écoutes et de mes ventes sont Etats-Unis ! Ça répond plus ou moins à ta question…
Vu que les Etats-Unis représentent 50% de ton marché, la journée promo que tu fais ici sera également reproduite aux Etats-Unis ?
Oui, on a une Américaine qui ne bosse que pour le marché américain : il y a plein de choses à faire, pleins de médias… C’est un pays qui est hyper important pour Carpenter Brut ! On y est allés trois fois en comptant la tournée avec Ghost.
Ce qui m’a marqué en tournée avec Ghost aux Etats-Unis, c’est que le public américain est varié : ça va de l’avocat au garagiste… La musique dans ce pays, c’est de la musique ! Je regarde beaucoup la NBA, ça arrive qu’ils passent en fond du AC/DC ou du Metallica et le coup d’après, ça va être un gros tube de hip-hop : ils n’en ont rien à foutre, ils kiffent !
A ce titre, à ton avis, ton public est plutôt metal ou électro ?
Je pense qu’il y est globalement plus metal et ça se voit dans les interviews que je fais : ce sont souvent des médias metal.
C’est un regret ?
Non, parce que je peux comprendre que les fans d’électro ne se retrouvent pas dans Carpenter Brut parce que je ne peux pas dire que Carpenter Brut soit vraiment de l’électro.
On parlait de puristes mais je sais que -même s’il y a toujours la frange hyper
hardcore, le
trve (Rires) qui ne veut pas de mélange- les métalleux sont plutôt ouverts et écoutent des groupes qui font des mélanges.
Et tu penses que le public électro s’apparente plus au true métalleux ?
Je ne connais pas bien cette scène et je ne voudrais pas caricaturer les gens mais je pense que l’électro, tu y vas pour une chose : danser ! Alors que cette notion n’est pas très évidente dans le metal (Rires) !
Comme je suis plus dans le cadre de morceau couplet/ refrain, je ne sais pas… Ca peut peut-être marcher auprès de fans de Prodigy, Chemical Brothers alors que les fans de trucs plus électro genre Vitalic accrochent moins…
Mais dans les concerts de Carpenter Brut, tu retrouves un peu de tout : des
gamers qui écoutent aussi bien de l’électro que du metal, du métalleux… mais je ne suis pas là pour scruter tout le monde.
Et on évoquait l’ouverture du public américain, est-ce un regret de ne pas être prophète en son pays ?
La France tend à vouloir défendre son patrimoine et quand tu regardes les Victoires de la Musique, c’est très bien : j’ai un pote Malik Djoudi qui y est allé -je voulais qu’il gagne, il n’a pas gagné- mais c’est chiant parce que finalement, c’est toujours la même soupe ringarde qu'on nous sert…
Mais pourquoi n’y retrouverons-nous jamais un Gojira groupe français qui cartonne à l’étranger tant et si bien qu’il est nommé aux Grammy ?
Parce que c’est une production américaine -Roadrunner- les Victoires de la Musique, ce sont les groupes français et Gojira, ils ne considèrent plus que ce soit un groupe français !
Je n’en ai rien à foutre de gagner une Victoire sachant que je savais que je ne la gagnerais pas de toutes façons !
C’est également une question de placement je suppose. D’ailleurs, vu tes liens avec Virgin Records, cela ne te permettrait-il pas d’y figurer ?
Ça ne marche pas exactement comme ça ! Si tu veux, on m’a demandé si je voulais concourir dans la catégorie concerts parce qu’en 2018, j’ai été l’artiste français qui a le plus tourné dans le monde. Mon tourneur m’a demandé si je voulais concourir : j’ai refusé parce que je n’en ai rien à foutre de gagner une Victoire sachant que je savais que je ne la gagnerais pas de toutes façons !
Mais rien que le fait d’être nommé aurait été un joli coup de projecteur pour le marché français…
Oui, mais la France représente 10% de mon marché….
Tu serais passé à 20%...
Ouais ! Ecoute, je préfère faire des interviews avec toi, je vais faire France Inter, Ouï Fm… on va bien voir si ça sert à quelque chose. Les Victoires de la Musique, c’est à la chaîne : ils n’arrivent même pas à faire une catégorie hip-hop, ils appellent ça urbain !
Même chose pour la catégorie rock dans lequel tu as un fourre-tout d’artistes tout sauf rock…
Exactement ! Mais tu vois Daft Punk a toujours refusé d’être aux Victoires de la Musique, Justice -quand ils gagnaient un truc- ils n’étaient pas là, juste en visio parce qu’ils n’avaient pas le temps… Moi, je veux bien aller aux Victoires de la Musique et se dire qu’on y va avec Mass Hysteria, Gojira… et on va imposer notre propre catégorie mais finalement, pour quoi faire ?
Et aujourd’hui quelles sont tes attentes ?
Ecoute, j’aimerais bien récupérer l’argent qu’on a investi parce que ça coûte de l’argent de faire l’album, les clips…
Et tu avais réussi à le récupérer pour "Leather Teeth" ?
Oui, oui…
Ma seule attente est que le dernier concert que je donnerai dans la
carrière de Carpenter Brut soit aussi gros visuellement qu’un concert de
Nine Inch Nails !
Il n’y a pas de raison que ça ne soit pas le cas pour cet album…
Sauf qu’on a quand même dépensé beaucoup plus pour celui-ci ! Mais après, je ne vais pas me retrouver à la rue non plus. Je n’ai pas d’attentes particulières si ce n’est que les gens l’apprécient. Finalement, ma seule attente est que le dernier concert que je donnerai dans la carrière de Carpenter Brut soit aussi gros visuellement qu’un concert de Nine Inch Nails !
Tu parlais de moyens, dans ces conditions, il faudrait en mettre beaucoup plus…
Exactement ! Et pour avoir des moyens, il faut être connu.
On a commencé par la question qu’on t’a trop souvent posée au contraire quelle est celle que tu souhaiterais que je te pose ou à laquelle tu rêverais de répondre ?
(Silence) Désolé mais je ne sais pas quoi répondre à cette question… Mais toi quelle est la question que tu souhaiterais me poser ?
Je n’en ai pas car je te les ai toutes posées…
Eh bien voilà !
Mais par exemple, une question qui te permettrait de donner une réponse qui ferait vendre ton album…
Pour vendre, il faut que les gens l’écoutent (Rires) !
Et bien voilà, la réponse : "Ecoutez mon album !"
Après il ne faut pas donner l’impression que tout tourne autour du pognon mais l’argent fait que je suis indépendant. J’ai l’impression que l’argent est un gros mot ici. J’ai envie de dire que la liberté que je prends en tant que musicien, c’est parce que j’ai gagné assez d’argent pour pouvoir la prendre. Je pense que tu es beaucoup libre une fois que tu as assuré de quoi bouffer… Mon train de vie est le même que la majorité d’entre nous, et comme j’ai mis un peu de côté, ça me suffit pour me dire que si je me plante avec "Leather Terror", ce n’est pas grave.
Merci
De rien, c’était un plaisir de te revoir !
Merci à Childeric Thor pour sa contribution...