Forts d'un premier album "Soma / Sema" signé chez Mascot Records (rien que ça!), les ambitieux Nordistes lèvent le voile sur cet album fébrilement attendu au sein de la rédaction Music Waves. Huit longues années après la sortie de son premier Ep, on peut dire que Stengah ne laisse rien au hasard... Jetez-vous corps et âme dans cette interview qui vous explique tout !
On t’a déjà posé la question au moment de Diary of Destruction, Quelle est la question qu’on t'a trop souvent posée et à laquelle tu aurais potentiellement marre de répondre ?
Je n’ai pas fait énormément d’interviews, on ne m’a pas spécialement posé de questions désagréables (Sourire)…
Votre premier post sur Facebook remonte à l’année 2014. Il y a eu un Ep dont Music Waves s’était fait l’écho mais votre premier album sort huit ans plus tard, ce qui n’est pas courant. Votre site mentionne "un état d’évolution permanente" au cours des cinq dernières années, qui sont sûrement à l’origine de cette attente, mais pourquoi une telle attente ?
Il y a effectivement eu plusieurs étapes entre la formation du groupe et la sortie de cet album.
Officiellement, les premières répétitions ont eu lieu en 2013. On a mis quelques années avant d’avoir un
line-up complétement stable. On définit l’existence du groupe en 2013, Eliott (NdStruck : Eliott Williame) est à l’origine de la formation mais pour lui, ça a peut-être débuté avant.
En 2016, on fait nos premiers concerts, quelques mois avant la sortie du premier EP, avec une date au Wacken en 2017. Et c’est fin d’année 2017, que nous nous sommes penchés sur l’enregistrement de l’album.
Nous avions absolument envie de sortir l’album sur un label…
Ce qui fait tout de même cinq longues années…
C’est vrai qu’on a pris du temps. Fin 2019, nous étions arrivés à la fin du processus d’enregistrement/ mixage / mastering etc… et c’est à cette époque qu’on a commencé à travailler avec Richard Gamba qui est devenu notre manager par la suite. On a travaillé avec lui pour le démarchage : nous avons pris le temps parce que nous avions absolument envie de sortir l’album sur un label…
Donc tu confirmes la question suivante qui allait venir à savoir que cette signature était la condition sine qua non pour sortir cet album et explique en partie l’attente ?
On avait l’ambition de sortir cet album sur un label. Ambition qui est lié avec le Wacken, c’est à ce moment qu’on s’est rendu compte qu’il y avait un vrai retour du public et donc qu’il fallait sortir notre album sur un label.
Il y a donc eu tout ce temps de démarchage et on a signé en mars 2020, une semaine ou quinze jours avant le confinement lié à la pandémie qui a ajouté deux ans en plus…
En tout cas l’attente en valait la peine tant sur le contenu que la signature chez Mascot Records dès le premier album. Comment l’aventure a-t-elle démarré ?
En fait, c’est le producteur de l’album R3myBoy qui a fait le mix et le mastering qui a fait écouter l’album à Richard et c’est de là qu’est né le partenariat.
Il y a eu ensuite un gros travail de notre manager Richard Gamba qui nous a aidé à démarcher des labels. Et à notre grande surprise et fierté, ce démarchage a abouti… On croyait entre notre musique mais c’était quand même inespéré, on a conscience que c’est quelque chose d’exceptionnel d’être signé au côté des noms de guitaristes qui sont sur ce label !
C’est énorme et rare qu’un groupe français signe chez Mascot ou tout du moins pour un premier album.
On est classé comme groupe de metal mais on a beaucoup d’autres influences comme le rock progressif des années 1970, le jazz…
Vous vous décrivez comme des metal mavericks, c’est-à-dire des dissidents du metal. En quoi vous sentez-vous dissidents de cette scène ?
On fait clairement du metal, on est classé comme groupe de metal mais on a beaucoup d’autres influences comme le rock progressif des années 1970, le jazz… On ratisse du death metal au jazz en apportant chacun notre bagage.
Nous sommes éclectiques et nous pouvons très bien écouter du hip-hop même si ça ne s’entendra pas sur l’album (Sourire)… Nous ne nous mettons pas de limite, ni de barrière !
Les thèmes que vous développez dans les paroles sont étroitement liés à la nature de l’homme, à sa psychologie, son histoire, et sa complexité. Cet album est-il un album concept et d’une manière générale, qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire à ce sujet ?
C’est Eliott, le batteur, qui est le compositeur et qui a également écrit les textes. C’est une démarche personnelle dans l’écriture des textes.
On ne définit pas cet album comme un concept album mais disons qu’il y a un lien, un fil rouge dans la manière d’écrire les textes et tous les morceaux sont liés entre eux.
Comme évoqué, les thèmes abordent essentiellement la vie, le poids du passé et les épreuves à traverser, peut-on voir ce disque comme une thérapie pour Eliott voire toi, une manière de hurler une sorte de rage intérieure ?
On ne va pas parler de thérapie - c’est vrai que c’est personnel - mais je pense qu’il y a quelque chose de plus global où chacun peut se retrouver, chacun peut avoir sa propre lecture des thèmes, chacun peut se retrouver…
Si je veux résumer sommairement, je dirais qu’il se dégage une espèce d’autopsie du fonctionnement du cerveau humain.
Vous parlez aussi de re(connexion) avec soi-même, des croyances et des peurs, on trouve ces thèmes assez ésotériques, religieux en quelque sorte, vous avez un lien avec la religion, le bouddhisme par exemple ? "Soma/Sema" c’est l’âme et le corps il me semble, au-delà de la religion il y a un aspect philosophique dans vos textes ?
Plus philosophique que religieux parce qu’il n’y a pas de connotation avec la religion, c’est quelque chose que nous gardons pour nous.
En revanche, il y a un côté philosophique dans les thèmes abordés. C’est difficile de traduire "Soma / Sema" mais si on devait le faire, ce serait que le corps est le tombeau de l’âme. Il y a une espèce de dissociation entre le corps et l’esprit et nous abordons ce thème, mais pas d’un point de vue religieux.
Avec la période de deux ans qui vient de s’écouler, les artistes doivent maintenir le lien.
Quel est votre rapport aux réseaux sociaux ? Ces réseaux occupent une place importante et voient pas mal de gens pas mal se mentir à eux-mêmes pour exister dans la vie, quand on se questionne sur notre humanité et ses dérives est-ce évident de se servir de ces réseaux pour communiquer, vous n’avez pas peur parfois d’un décalage, vous vous fixez des limites sur le rapport avec le public ?
Les réseaux sociaux aujourd’hui sont un outil indispensable dans le développement d’un groupe, dans la communication. Qu’on l’aime ou pas, c’est quelque chose qui est présent. C’est une manière pour nous de communiquer. C’est quelque chose qu’on a peut-être moins fait par le passé et qu’on fait un peu plus maintenant. Mais en même temps avec la période de deux ans qui vient de s’écouler, les artistes doivent maintenir le lien.
Aujourd’hui, n’importe qui peut promouvoir et communiquer sur ses créations et ça ne concerne pas seulement la musique, c’est un outil qui fait partie du paysage. Qu’on soit signé sur un label ou non, c’est un outil qu’on ne peut pas négliger.
On parle de réseau et l’image que vous véhiculez -on pense notamment aux dernières photos promotionnelles soignées que vous venez de poster- en revanche, la pochette réalisée par le même artiste que celle de l’EP prête à discussion…
C’est effectivement la même poly-artiste OCEYA. Cet
artwork est en lien avec tous les textes et le concept de l’album. Ce visuel fait partie du concept, Eliott dit même que c’est le onzième titre de l’album (Sourire).
Tous les thèmes qui sont abordés dans chacun des morceaux vont se retrouver dans cet
artwork notamment cette espèce de dualité et cette personne qui a un masque à moitié tombé.
Le choix qui a été fait que ce soit une peinture me touche personnellement. Il y a un côté organique dans la réalisation de cet
artwork qui revient également dans notre musique, notre son…
Le côté organique du son avec des amplis à lampe, notre façon de jouer, d’écrire les textes… tout ça reflète une forme de sincérité !
Nous nous détachons et nous ne collons pas aux codes du djent.
Vos morceaux pourraient être étiquetés djent si l’on ne voulait retenir qu’une seule étiquette. Pour autant, elle serait réductrice et ne tiendrait pas compte des sonorités plus atmosphériques que vous développez dans des morceaux comme ‘He And The Sea’, avec une teinte de mélancolie, qui contraste avec les riffs ravageurs que l’on retrouve tout au long de l’album. Cette ambivalence et cette complexité, servent-elles également à mettre en exergue celles de l’homme ?
C’est difficile de résumer en un mot mais nous nous détachons et nous ne collons pas aux codes du djent.
Je dirais qu’on fait du metal et ce qui revient, c’est le côté narratif, évolutif… Comme tu le dis, un morceau va connaître plusieurs ambiances, atmosphères vraiment différentes. On retrouve ça dans beaucoup de morceaux et je pense notamment à ‘Abobe Inhumanity’ -qui est le premier clip qu’on a sorti- qui est peut-être un morceau un peu plus accrocheur, qui va peut-être un peu plus droit au but mais globalement dans l’album, dans la majorité des morceaux on va toujours retrouver cette évolution, cette progression…
Beaucoup de gens qui ne sont pas forcément adeptes du metal [...] arrivent malgré tout à apprécier et trouver leur compte dans la
musique de Stengah
Il y a de la technique mais vous évitez de tomber dans le piège de la surenchère et de la mode djent justement, c’était important pour vous que la mélodie reste au centre du propos ?
Oui, parce qu’on ne cherche pas à faire de la démonstration technique. Bien sûr, on a une certaine exigence, on a envie de se faire plaisir, on sait que les gens sont assez sensibles à ça quand ils nous voient en live donc oui, il y a un côté technique dans l’utilisation des polyrythmies par exemple mais toujours dans cet esprit de dualité à savoir qu’il doit toujours y avoir un côté accessible grâce à la mélodie. Si bien qu’il y a beaucoup de gens qui ne sont pas forcément adeptes du metal et qui arrivent malgré tout à apprécier et trouver leur compte dans la musique de Stengah malgré des influences très agressives ou des passages très techniques…
De ce point de vue, nous n’entrons pas du tout dans les codes du djent : par exemple, il n’y a pas de gros solo de guitare dans l’album ce qui n’empêche pas d’aller chercher la technique ailleurs.
Musicalement, on a trouvé cet album très varié, ‘He And The Sea’, ‘Message In Memories’ ou ‘Offering’ sonnent comme une sorte de mélange entre un metal indus à la Fear Factory ou SUP pour le côté glacial et un metal plus atmosphérique, proche d'Opeth et Leprous. Te retrouves-tu dans cette idée de mix musical ?
Peut-être pas tous (Sourire) ! Mais c’est très personnel et propre à chaque auditeur. On nous a parlé de Cult of Luna également… En tous cas, nous écoutons ou avons écouté les groupes que tu as cités.
On n’aime pas se définir en citant des groupes mais on va certainement avoir des influences en commun avec certains de ces groupes. On ne cite pas souvent Opeth et on n’a pas forcément l’habitude de citer. Comme Leprous, on peut également retrouver ce côté technique sans tomber dans la démonstration, on ne peut les classer uniquement dans le metal ni dans le rock… c’est quelque chose de plus large.
Les groupes que tu cites ont en commun d’être un mélange d’influences comme nous. Le terme de dualité est quelque chose qui revient souvent ! L’influence du rock progressif des années 1970 se retrouve aussi bien chez Opeth que Leprous et nous l’assumons complétement : il y a des influences de Pink Floyd, Genesis, Peter Gabriel…
Nous imaginons qu’une fois cet album sorti, vous n’aurez qu’une hâte : de le jouer sur scène…
Non, pas plus que ça (Rires) !
… Une tournée est-elle déjà prévue ? Avec un management et un tourneur à vos côtés, avez-vous peut-être déjà pour projet d’aller jouer à l’étranger, malgré la situation sanitaire qui n’aide pas à construire de manière sereine ?
On est super contents de pouvoir remonter sur scène parce que ça va faire deux ans que nous ne l’avons pas fait.
On a signé récemment avec K2 Agency, aujourd’hui, il n’y a rien de
booké officiellement mais le fait d’avoir signé avec eux à l’international nous laisse l’espoir et plus encore de jouer à l’international.
Malgré tout, aujourd’hui, le monde du spectacle a pris deux ans de retard.
Nous faisons cette promo aujourd’hui en France, nous avons cette tournée en France parce que c’est important pour un groupe français de se faire connaître dans son pays mais étant signé sur un label international, nous avons cette perspective plus tard de sortir de France. On a envie de voyager et de partager notre musique un peu partout dans le monde et les signatures avec Mascot et K2 Agency vont dans ce sens. Malheureusement, aujourd’hui, c’est impossible ou tout du moins très difficile de se projeter à long terme.
Les neuf dates en France témoignent d’une ambition certaine et légitime avec des salles de bonne capacité, à terme le but est de se construire une carrière digne des Gojira et autres Dagoba ?
En tous cas, on a de l’ambition, de l’envie… On a des retours plutôt positifs de notre label, des gens qui nous font confiance… ça nous conforte dans nos ambitions et si l’opportunité se présente, on sautera dessus avec enthousiasme. Maintenant, je me répète mais c’est impossible de se projeter et se serait prétentieux d’affirmer que nous voulons être les nouveaux Dagoba ou Gojira, même si c’est tout le mal que je nous souhaite (Rires) ! Je vais avoir du mal à affirmer cela mais c’est vrai que c’est dans ce sens que nous travaillons depuis des années : on a toujours cru à notre musique et c’est la raison pour laquelle on a pris le temps. On est perfectionnistes, on ne veut pas se précipiter. On veut bien faire les choses en s’entourant des bonnes personnes… Je pense que pour l’instant, on y arrive plutôt bien et j’espère que ça va se pérenniser !
Je suppose que vous êtes soulagés de sortir enfin cet album dans lequel vous avez tout mis, cette tournée arrive à grand pas, en clair, les dés sont lancés mais maintenant, vous n’êtes plus maîtres de votre destin ?
Oui et non. Nous avons des opportunités, à nous de les saisir et de faire en sorte qu’on nous en propose d’autres.
Notre côté humain, sincère ressort de tous nos concerts
Certes mais l’album va sortir et le reste ne dépend plus trop de vous mais désormais de l’accueil du public…
Oui, mais je pense qu’il y a une dimension live, il y a quelque chose d’autre… Notre côté humain, sincère ressort de tous nos concerts, que ce soit au Wacken ou les autres scènes sur lesquelles nous avons pu jouer. Nous arrivons à transmettre ces aspects sur scène et les gens y sont sensibles. Nous allons donc continuer dans ce sens et j’espère que les gens y seront toujours aussi sensibles.
Sur votre morceau ‘He And The Sea’, vous parlez de la nécessité et de la difficulté de trouver de nouveaux buts dans sa vie. Pour vous, la sortie de ce premier album est un nouveau départ, avec de nombreuses personnes compétentes pour vous accompagner de la plus solide des manières. Et vous, quel serait votre nouvel objectif à présent ?
Une très belle première tournée de neuf dates s’ouvre à nous, peut-être même que d’autres dates vont se rajouter… Je pense que ça ne s’arrêtera pas à cette tournée à court terme. A plus long terme, comme on le disait, on a des opportunités qui sont là de sortir de France.
Mais encore une fois, dans un premier temps, nous voulons faire des concerts et de défendre cet album. Comme tu le disais, après ce long process et ces deux ans d’attente, c’est un soulagement que cet album soit sorti. Nous n’avons qu’une hâte désormais : le défendre en live et de mettre tout ce qu’on a toujours mis à savoir toute notre sincérité…
Et par la suite, continuer à jouer sur scène, tourner d’autres clips -nous avons déjà fait trois-, faire d’autres albums, d’autres clips, d’autres lives et d’autres tournées (Sourire)….
Justement d’autres albums, je cite votre communiqué de presse qui dit que vous avez mis beaucoup d’années à "façonner un son à la pointe de la perfection". Comment arriver à faire mieux par la suite ? N’est-ce pas une pression supplémentaire après un tel premier album ?
Non ! On est exigeants et perfectionnistes, nous ne sommes donc pas auto-satisfaits…
Mais vu que vous avez mis un certain temps pour sortir votre album, on peut craindre d’attendre le prochain album de Stengah ?
On s’est dit treize ans comme Tool (Rires) ! Non, non, on ne peut pas parler d’un nouvel album, c’est trop tôt !
Malgré tout, on sait qu’il y a des choses à améliorer et comme les moyens technologiques évoluent également et comme nous vivons avec notre temps à ce niveau, nous nous adapterons.
Mais non, ça ne me fait pas peur, je ne ressens pas de pression, c’est plutôt un défi au contraire et on aime les défis ! C’est plutôt positif parce que ça nous aide justement à ne pas être auto-satisfaits et se reposer sur nos lauriers. Malgré tout, nous sommes satisfaits de cet album, nous avons mis du temps à le perfectionner et on pourrait encore le perfectionner et de toute façon, nous jouerons les morceaux différemment sur scène : il y a une perpétuelle évolution !
On a commencé par la question qu’on t’a trop souvent posée au contraire quelle est celle que tu souhaiterais que je te pose ou à laquelle tu rêverais de répondre ?
Ecoute, les questions que tu m’as posées étaient très intéressantes, j’étais plutôt content des questions que tu m’as posées… non je n’ai rien qui ne me vient en tête…
Ce que je te propose, c’est d’y réfléchir pendant les treize années qui vont séparer la sortie de cet album et le prochain et nous commencerons la prochaine interview par cette question et ta réponse…
(Rires) D’accord, ça marche !
Merci
Ecoute, merci à toi !
Et merci à Darialys et Noise pour leur contribution....