Il
a régné depuis Août de cette année à ces dernières semaines une
espèce de douce et folle euphorie. La pandémie semblait enfin en
recul et les concerts revenaient en force. Mais depuis quelque temps
la réalité commence à nous rattraper un peu partout. Pas mal de
tournées sont reportées ou annulées et la chape de plomb retombe
sur les épaules des amateurs de musique. C'est vrai notamment en
Belgique où nous rendons en ce 20 novembre pour assister à la
dixième édition du Mass Deathtruction Festival. La situation belge
est tendue et jusqu’à deux jours avant le festival rien n’était
gagné. Mais le miracle a lieu et le festival peut se tenir avec une
contrainte : port du masque obligatoire dans toute la salle. Cela
ne va guère gêner un public impatient de retrouver le festival
après deux ans d’absence. Pour cette édition anniversaire le Mass
Death retrouve sa salle emblématique, la Ferme du Biéreau à
Louvain-la-Neuve, après une escapade dans La Sucrerie de Wavre,
sympathique mais trop grande pour un événement typé extrême.

Pedro
et ses équipes ont réussi l’exploit de
réunir 14 formations avec un équilibre entre gros noms de la scène
death black, espoirs ambitieux et quelques formations décalées. Un
seul changement est à signaler avec l’annulation en dernière
minute de Slaughter Messiah qui ne sera pas remplacé. La journée
s’annonce longue mais contrairement à 2019 le festival a la bonne
idée de proposer deux scènes. Cela demande une bonne forme physique
pour enchaîner les concerts mais cela évite un trop long éventail
horaire. Il faut souligner le confort parfait du complexe culturel.
Sa salle principale est un bijou permettant au public de profiter des
concerts de manière optimale tandis que sa cour extérieure s’avère
parfaite pour se poser tandis que son étage accueille le merchandising
dans les meilleurs conditions.

Les
hostilités démarrent sur le coup de 12h10 sur la scène principale
dans la ferme. Ce sont les Français de Bliss OF Flesh qui ont
l’honneur de lancer la journée. La salle est correctement remplie
pour accueillir une formation qui a le vent en poupe. En quatre
albums brûlants elle a montré une capacité remarquable pour un
black teinté de death à la croisée de Behemoth et Belphegor.
"Tyrant" sorti fin 2020 a confirmé la force d’un groupe digne de ses
glorieux modèles. Porté par un Necurat charismatique, torse nu et
tatoué de partout, le groupe va légitimer son excellente réputation
et faire un carton. Après une courte introduction symphonique il envoie la sauce, sachant se faire puissant avec un chant hurlé
d’outre-tombe mais proposant également des plages mélodiques. Le
résultat est bluffant. A la fois sombre et attirant le groupe plonge
le public dans un univers prenant, intéressante mise en musique des
écrits de Dante et d’Étienne de la Boétie qui ont servi de base
à ses textes. L’intensité dégagée
par la suite est énorme, le chant de damné de Necurat prend aux tripes, la force
de frappe ne fait pas de quartier. Et au détour d’un break le
sens de la mélodie malsaine et prenante fait mouche. Le groupe
dégage une aura énorme, sa capacité à mixer puissance brute avec
des moments profonds et calme est remarquable. Avec cette prestation
Bliss Of Flesh a fait impression. A la fois violent et glacial
il a impeccablement lancé la journée et mériterait d’être reconnu
plus largement car son talent est immense.

L’enchaînement
est rapide, il y a juste le temps de traverser la tente de
restauration puis la petite cour extérieure pour retrouver Soul
Dissolution dans un bâtiment annexe de la ferme. Plus petite, la
scène est accueillante, toute en longueur elle permet au public de
voir le concert quelque soit l’endroit où il se situe. Avec Soul
Dissolution on retrouve une formation belge qui œuvre depuis 2012
dans un black metal post et atmosphérique. Auteur de deux albums et
de deux EP, le groupe a su se faire un nom et la salle est bien
remplie pour l’accueillir. Le début du concert voit le groupe
faire parler la puissance puis petit à petit calmer le jeu et
emporter le public en instaurant une atmosphère sombre. Le ton
évolue entre force, mélancolie et côté lancinant et est porté
par la voix d’un Acharan qui hurle son mal-être avec une rage
intérieure forte. Le groupe joue sur les atmosphères et ce faisant
évoque l’esprit d’un Alcest. Dans la salle il règne un calme
idéal pour accompagner la noirceur et la mélancolie. On retrouve un
côté rebelle, presque adolescent dans ces titres à fleur de peau.
La suite du concert va être toute aussi prenante et au-delà du côté
posé le groupe montre une facette puissante dans l’idée black
metal. Soul Dissolution n’invente rien de neuf mais il a
montré avec cette prestation qu’il maîtrisait es canons du genre.
Il a su emporter son public dans un tourbillon émotionnel fort et
lui faire oublier les tracas du quotidien avec force et élégance.

Le
retour à la scène principale s’effectue avec Bodyfarm.
Originaire des Pays Bas, la formation a vu le jour en 2009 et a déjà
eu une solide carrière avec quatre albums taillés dans un death
metal proche de Bolt Thrower ou Dismember. Depuis la sortie de
l’excellent "Dreadlord" en 2019 le groupe a été secoué. Il a du
affronter la disparition de son leader, le chanteur et guitariste
Thomas Wouters peu avant la sortie de l’album. Le groupe a su se
relever et perpétue l’œuvre du musicien. Axel a délaissé la
basse pour la guitare et Ralph De Boer a rejoint le groupe au chant
et à la basse. C’est donc une formation toute neuve qui se
présente devant une foule dense. Chacun va vite être rassuré, dès
l’entame sur ‘Dreadlor’ le ton est donné. Bodyfarm n’a rien
perdu de sa force, Bram a su parfaitement s’entourer. Le titre est
une baffe de death metal gras et old school portée par le chant de
Ralph qui hurle sa rage avec intensité. ‘Manhunt’ et ‘Wall Of
Decay’ sont toutes aussi féroces. Très rentre dedans les titres
ne font pas de quartiers. Le rythme est intense, le chant toujours
aussi hargneux et aux guitares le duo signe des riffs rapides et
mélodiques efficaces. Le public savoure et quelques pogos se lancent
dans une excellente ambiance. Avec ‘Slaves Of War’ le groupe
assomme son monde, le titre plein de majesté est digne du meilleur
d’un Immolation pour son côté violent. Ralph assure dans le
rôle de frontman, il communique avec le public et le chauffe
parfaitement, les slams lancés confirmant l’impression de
communion. ‘Angelreaper’ est l’occasion d’un hommage émouvant
à Thomas. Le titre en forme de grosse baffe porté par un refrain
énorme et une partie instrumentale de haute volée est une claque
de plus dans un concert intense. Très speed ‘Woods Of Dismay’
est digne de Slayer avec des accélérations qui ne font pas dans la
dentelle. La dernière partie s’entame avec ‘Der Landkreuzer’
et ‘The Dark Age’. Ces deux tartines death ravissent les amateurs
d’un son proche de l’esprit de Vader. ‘Stroming Revolution’
et ‘Unbroken’ font le même effet et achèvent en beauté un
public lessivé derrière les masques. La nouvelle vie de Bodyfarm
démarre de la meilleure des manières . Le groupe a proposé un
concert de haute volée, son nouveau line-up est au point et on lui
souhaite une belle et longue vie au service du death metal.

Dans
la salle annexe le ton va se faire plus brutal avec l’arrivée de
Mucus. Brutal mais surtout barge et décalé car les Belges de Mucus œuvrent dans un grindcore totalement déglingué. La
salle affiche quasi complet, les fans sont au rendez-vous pour une
dose de violence dans un esprit fun et potache. Dès l’entame le
ton est donné, les titres s’enchaînent à toute vitesse et rien
qu’à l’intitulé de leurs noms il est facile de deviner l’état
d’esprit. Avec ‘Caca 1’, ‘Caca 3’ ou ‘Rupture’ Mucus ne
fait dans la dentelle. Il fonce et déclenche de jolis pogos, les
amateurs de grind sont ravis de la claque. Fort de 25 ans de carrière,
le groupe montre une maîtrise technique certaine et le growl
Stéphane fait impression tant il est intense. L’accueil est
excellent, la sympathie et la simplicité des musiciens y contribuant. Par la suite le ton reste barge et fun avec un bon côté
potache . Avec des douceurs comme ‘Branlette’, ‘Caca 2’ ou
‘Santé Bonheur, Joie dans ta Sœur’ le groupe fait un carton.
Les titres sont courts mais intenses et ne font pas de quartier.
Avec ‘Prem’s’ on retrouve au milieu de cette furie un titre
long et brutal en forme de folie totale. Le groupe est en parfaite
interaction avec le public et il règne dans la salle un esprit
fraternel avec de jolis mouvements dans les premiers rangs. Le final
sera aussi intense avec d’autres perles comme ‘La Courte Échelle’
ou ‘Sniffe Ma Cloche’, représentants d’un grind délicieusement
débile. Mucus ne sera jamais la sensation metallique à la mode
mais avec ce concert déjanté il a fait plaisir dans une joyeuse
bonne humeur.

Dans
la salle, Sinister se prépare à jouer mais au vue de l’annulation
tardive de Slaughter Messiah le programme va connaître un changement
annoncé au micro par Pedro. Sinister est décalé et prend la place
de Groza, ces derniers jouant plus tard dans la salle annexe. Après
une pause bienvenue pour reprendre son souffle c’est dans la salle
annexe que le programme continue avec la venue de Warhammer.
Formé du côté d’Athènes en 2012, le groupe évolue dans un death
teinté de black et s’apprête à sortir son nouvel album, "Ashes
And Cinders". Pour ce concert le groupe évolue sous forme de trio
avec un seul guitariste, son leader chanteur Hercules se
chargeant de la basse. Malgré cette configuration inédite le groupe
va faire honneur à son statut de groupe à surveiller. La foule est
au rendez-vous et dès l’intro guerrière montant savamment en
puissance l’ambiance monte d’un cran. Puis dès le premier titre
c’est l’explosion. Porté par un chant hargneux la chanson est une claque
d’une rare intensité taillée dans le meilleur d’un mix entre
death et black. La suite avec ‘Mass Burial’ est aussi efficace :
tranchante à souhait la chanson montre un impact énorme. Une force
implacable s’exprime avec un sentiment de puissance digne de Nile
ou d'Immolation. L’intensité ne va pas baisser d’un cran, le
groupe enchaîne et prend plaisir à tabasser son auditoire. Le
format trio ne l’handicape pas et la technique proposée est
bluffante avec notamment un break de haute volée. Le final avec
‘Sightless Forms’ et ‘Quandary’ est monstrueux en forme de
parfaite tarte de death black. Malgré des circonstances délicates
Warhammer a fait le travail. Il confirme un talent
fou, il a toutes les armes en main pour rapidement se faire un nom à
grande échelle.

Le
retour dans la Ferme se fait avec Sinister
qui
est très attendu. Malgré de nombreux changements
de line-up le groupe n’a rien perdu de son aura. Depuis plus de 30
ans Aad Kloosterwaard tient bon la barre du groupe, délaissant ses
fûts pour le micro au retour du groupe en 2005. Depuis, le groupe
enchaîne les albums et propose
un death furieux et occulte. La salle est remplie et l’ambiance
chaude quand l’intro
retentit. L’entame
sur l’instrumental ‘The Malicious’ fait son effet, le groupe
maîtrise son art et balance
une bonne baffe. L’enchaînement avec ‘Transylvania’ est
géant, le titre est une tarte death metal portée par un Aad au
growl féroce. Le côté écrasant du morceau impressionne,
l’intensité dégagée est énorme et par instants on flirte avec
le grind pour un résultat d’une rare brutalité. L’accueil est
royal, la salle explose et
la suite ne va pas calmer le jeu. ‘Blood Ectasy’ est
aussi méchante, Sinister n’est pas venu pour s’amuser et balance
la purée avec un rythme de dingue. Précédé
d’une intro pompeuse amenant une atmosphère lugubre, ‘Neurophobic’
est encore plus intense. Proche du grind avec le growl féroce de Aad
le titre envoie du lourd avec un rythme
de dingue
et un refrain martelé efficace. Le
final approche et il va être royal. Après
un 'Convulsions
Of Christ'
méchant le groupe repart dans le passé avec ‘Sadistic
Intent', sorti
en 1993
et qui s’avère
être une tarte de death brutal. Avec ‘The Masquarade Of An Angel’
et un ‘The
Carnage Ending’ qui porte bien son nom le concert s’achève avec la même intensité. Sinister
a fait impression ; en balançant un concert énorme il a montré
qu’il restait au top de sa forme bien à sa place parmi les patrons
de la planète death metal.

AvecAlmost
Dead la
scène secondaire accueille un groupe américain
qui a vu le jour en 2002 du côté de San Francisco et qui œuvre
dans un
thrash droit inspiré de la scène des années 90. Il a déjà
proposé cinq albums et reste encore assez méconnu dans nos
contrées. La curiosité a fait son effet et la salle est bien
remplie pour accueillir le seul représentant non européen du
festival. D’entrée
le groupe lance bien la sauce. On
retrouve un son digne d’un Pantera pour le groove et digne d’un
Soulfly pour les aspects jump. Au chant Tony hurle avec énergie dans
l’esprit du genre et avec une petite pointe core efficace. Tout
cela fait taper du pied en rythme et la suite va confirmer ces bonnes
sensations. Porté
par un refrain éructé avec conviction ‘Last Rite’, issu du
nouvel album Brutal Onslaught, est un joli monstre de puissance. La
fosse apprécie et se remue bien, le feeling thrash groovy faisant
parfaitement son effet. Juste
derrière on retrouve une chanson totalement dans l’esprit de
Pantera tant par les riffs typiques du genre que par le chant
hargneux très efficace. La suite de la prestation va confirmer la
bonne capacité du groupe à nous plonger dans une époque musicale
qui a marqué pas mal d’esprits. Il montre une bonne humeur
certaine et une envie de tout défoncer sans poser de questions. Avec
ce concert Almost
Dead
confirme de très bonnes dispositions. Il a été une belle cure de
jouvence pour nombre de personnes présentes qui ont retrouve un son
qui a bercé leur jeunesse.

Le
retour à la ferme s’effectue avec Diabolical.
Les
habitués des scènes locales, le MCP Apache notamment, connaissent
la formation suédoise qui œuvre dans un death black intense qui
sait se faire mélodique et mélancolique. La
foule est au rendez-vous pour accueillir un
groupe qui
malgré plus de vingt ans de carrière reste méconnu. Hauteur en
2019 d’un
"Eclipse" de
grande qualitéil
dispose d’une superbe opportunité de se faire connaître en jouant
sur
une grande scène. Après
une
intro efficace pour faire monter l’ambiance, le groupe balance un
énorme ‘We Are Diabolical’, claque d’une rare intensité mais qui possède une force
mélodique certaine qui prend à l’âme avec un chant clair qui
donne le frisson. Le concert est bien lancé. Juste
derrière ‘Failure’
est tout aussi énorme de force, le titre dégage une majesté
certaine dans un pur esprit black death. L’accueil du public est
excellent et au détour d’un speech Carl se le met dans la poche
avec facilité en dégageant un énorme charisme. Avec
‘Transformation Hell’ le groupe balance un nouveau morceau et
fait un carton. Totalement ancré dans un black teinté de death le
titre est d’une rare force et assomme le
public. Le
trio formé par
‘The
Fire Within’, ‘Metamorphosis’ et ‘Betrayal’ confirment la
force du groupe. Pleines d’emphases les chansons sont de petites
pépites oscillant entre force et mélodie avec classe. Les breaks
sont prenants et emmènent un public dans un voyage lointain. Le
final formé de ‘Children
of the Mushroom Cloud’ et
‘Black Sun’ est tout aussi prenant avec un
parfait mix créant une ambiance lugubre et prenante. Avec cette
prestation Diabolical
a
marqué les
esprits.
Le groupe semble toucher les fruits de son travail, sa prestation
restera dans les plus marquantes d’une journée fort riche.

Avec
Putrid Offal, la scène annexe accueille un nom connu et
reconnu des amateurs de musique extrême. Sur deux vies et plus de
trente ans, les Nordistes ont fait leurs preuves avec un brutal death
teinté de grind qui ne fait pas dans la dentelle. Depuis leur retour en
2013 ils ont balancé nombre de bombes et montré une forme
insolente. La salle est bien remplie, chacun attend une tarte dans la
tronche et le groupe ne va pas se priver de la lui balancer.
D’entrée il attaque fort avec ‘Purulent Cold’.
Porté par un Franck qui en impose avec sa tête couverte de liquide
couleur sang le titre est une énorme claque trempée dans le
meilleur du genre. Entre le growl féroce, un rythme de cinglé et un
son parfait il bouscule la foule avec férocité. Le public est chaud
et les ardeurs ne vont pas se calmer. Putrid enchaîne et fonce dans le tas. ‘Garroting Way’ et ‘Let There Be Rot’ sont
mordantes et féroces semblant droit sorties des enfers portées par
un growl impressionnant. L’accueil est royal et jamais l’intensité
ni la rage ne vont baisser. Les musiciens sont heureux d’être sur
scène et profitent à fond d’instants devenus précieux. Avec en
vrac ‘Dura Mater’, ‘Skilled Ritual’ ou ‘Barber Butcher’
ils font savourer cette
violence jouissive savamment maîtrisée. La demi-heure allouée
passe à toute allure et les titres s’enchaînent comme des balles.
Le final avec ‘Heaven’s Door’, ‘Rotted Flesh’ et
‘Suffering’ est impressionnant de férocité. Le groupe se montre
au sommet de son art et ravit une foule qui s’est bien remuée.
Putrid Offal a donné une leçon de death grind. Il a montré
une incroyable vitalité et confirmait qu’il restait solidement
accroché parmi les meilleurs formations extrêmes.


A
peine le temps de se remettre de la claque qu’il faut se préparer
à en recevoir une autre avec la venue d’Asphyx dans la
ferme. La légende néerlandaise du doom death est attendue de
pied ferme par une foule conséquente. Il faut dire que depuis son
retour aux affaires en 2007, la bande de Martin Van Drunen n’a
jamais déçu avec des albums d’une rare classe et des prestations
live intenses. L’ambiance est chaude et avec ‘The Quest Of
Absurdity’ elle va monter encore. Martin va au contact du premier
rang et crée une parfaite communion avec le public. Avec ‘Botox
Implosion’ le groupe fait exploser la salle, les slams et
pogos sont féroces et chacun apprécie l’énorme claque death.
Avec ‘The Nameless Elite’ Asphyx se fait écrasant, son mélange
de doom et de death est d’une puissance énorme et assomme tout le
monde. L’accueil est royal et le speech sympa de Martin contribue à
faire de ce début de concert un moment fort. ‘Death The Brutal
Way’ enchaîne à merveille, véritable claque death le titre est
énorme de force et fait presque peur avec son break doom. Martin
dégage une sympathie énorme et s’adresse à la foule en français
pour annoncer ‘Forgotten War’. Le titre est porté
par un rythme intense et un chant de damné, permettant au groupe de
prendre son public à la gorge. Martin continue de parler en français
et se montre adorable et accessible. Et quand la machine repart c’est
pour tabasser sans pitié. ‘Deathhammer’, ‘It Cames From The
Skies’ et ‘Molten Black Earth’ enfoncent le clou. À la fois
lourdes et rapides les chansons envoient avec une rage qui donne le
frisson. La suite avec ‘Scorbutics’ ou ‘Necroceros’ fait le
même effet et assomme la foule. Après ces moments de bravoure et un
salut sympa le groupe se retire mais revient vite pour les rappels.
Le final avec ‘Last One On Earth’ est bien amené et fait encore
mal avec la même combinaison entre death et doom. Asphyx a
donné la leçon avec classe. Le groupe a ravi l’auditoire en
dégageant une puissance de feu impressionnante et en sachant se
montrer accessible et humain.


Sur
la scène annexe Groza doit affronter la pression. Il joue
haut sur l’affiche et se retrouve calé entre deux monstres du
metal extrême. La formation allemande née en 2016 s’est fait
connaître avec un black metal misanthropique influencé par Mgla et
Uada. L’effet de curiosité a joué et la salle affiche complet afin de voir si le groupe sera à la hauteur des attentes. Le
concert démarre de la meilleure des manières avec une introduction
mélancolique et mélodique qui emporte le public vers le lointain.
Le groupe, masqué, joue dans une quasi pénombre avec juste quelques
lumières rouges. Même si l’effet est désormais très connu il
fonctionne parfaitement et instaure une ambiance effrayante et
attirante. Dès l’entame Groza ne fait pas semblant de faire mal,
il balance un redoutable uppercut. Taillé dans un black haineux
intense le titre prend à la gorge, il s’en dégage une ambiance
malsaine remarquable. Le chant se fait aussi méchant et contribue à
cette sensation de mal-être. Le public apprécie et quelques pogos
se lancent dans une ambiance bien chaude. La suite du concert va
s’avérer aussi prenante. Le groupe balance ses missiles avec une
précision chirurgicale en oscillant entre force brute et passages
plus posés. Le côté glacial qui s’en dégage dans l’obscurité
de la salle donnant le frisson. Certains esprits chagrins pourront
lui reprocher de n’être qu’un clone opportuniste d’un Mgla.
Mais le talent est là et cela est le plus important. Avec ce concert
Groza a montré qu’il était un espoir sérieux au sein
d’une nouvelle scène black qui s’est fait une belle place. La
suite de ses aventures sera à suivre de près tant son potentiel est
énorme.

Dans
la ferme un autre grand nom de la scène extrême est attendu. La
foule est au rendez-vous pour accueillir Belphegor. En 30 ans
de carrière le groupe autrichien, emmené de main de maître par
Helmuth, a marqué son temps avec un death black satanique et
blasphématoire et des prestations intenses et furieuses. Pour ce
concert il a soigné le décor avec des cornes, des croix, un
back splendide et quelques crânes. La messe noire s’annonce
splendide et dès l’intro, qui reprend la 'Sarabande' de Handel (hème du film "Barry Lyndon"), elle démarre parfaitement.
Atmosphérique puis symphonique l’introduction pose l’ambiance
avec un côté solennel plein de romantisme noir. Puis avec
‘Swinefever – Regent Of Pigs’ le groupe balance une bombe
taillée dans le meilleur d’un death black d’une rare intensité.
Helmuth est possédé et hurle avec une rage droit venue des enfers,
le rythme est féroce et dans le public chacun savoure la leçon.
L’accueil est royal et la suite avec ‘The Devil’s Son’ va
être aussi prenante. Précédé d’une intro lugubre le titre est
un monstre de violence qui détruit tout sur son passage. Tout cela
est jouissif, Belphegor est en forme et se plaît à tabasser son
audience sans lui laisser de répit. A la fois lancinante et violente
‘Sanctus Diaboli Confidimus’ est un grand moment plein de
noblesse qui scotche son monde. ‘Belphegor – Hell’s Ambassador’
enchaîne avec férocité et fait le même effet bœuf sur la foule.

Après
ce début impressionnant, Belphegor va frapper un grand coup avec
‘Stigma Diabolicum’. Un esprit gothique ressort du début
mélancolique et mélodique de la chanson. Puis Helmuth en parfait
maître de cérémonie s’avance et boit dans sa corne dans un
esprit maléfique et sataniste. Puis l’enfer qui s’abat sur la
salle avec une deuxième partie enragée d’une intensité
monstrueuse. Derrière précédé d’une intro glaciale le duo formé
par ‘Conjuring The Dead’ et ‘Pactum In Aerternum’ est une
baffe de death black classieux avec une remarquable maîtrise de la
violence. L’esprit sataniste règne avec une
impressionnante force d’âme. Cet esprit noir va s’amplifier avec
un ‘Lucifer Incestus’ glaçant et le duo formé par ‘Virtus
Asinaria’ et ‘Prayer’. La violence se fait majestueuse avec un
côté attirant irrésistible. Le final avec ‘Baphomet’ et
‘Gasmask Terror’ repart dans la brutalité pure avec une férocité
portée par un Helmuth possédé, hurlant comme un damné. Belphegor
a donné une leçon de death black, il s’est montré maléfique et
haineux et a fait honneur à sa réputation. Pour beaucoup ce concert
restera le moment fort de la journée.


Mais
la journée n’est pas finie, il reste deux gros morceaux en guise
de cerise sur le gâteau. Avec le premier le ton va radicalement se
faire différent. Il va rester extrême mais avec Gronibard il
va surtout être totalement débile, sexuel et politiquement
incorrect. Cela fait plus de vingt ans que les Lillois secouent la
scène grind. Discrets ces derniers temps ils effectuent un retour
aux affaires et reprennent là où ils s’étaient arrêtés avec le
même esprit potache. Les fans sont au rendez-vous et la salle
affiche complet pour retrouver un état d’esprit et une jeunesse
insouciante. D’entrée de jeu les Gronibard amusent la galerie en
débarquant sous de longues capuches avec un esprit parodique des
modes . Puis ils balancent la sauce avec le classique ‘March Of The
Gronibard/Je te Déchire l’Anus’. Véritable hymne grind le titre
fait un carton et chauffe la salle, la finesse du refrain faisant
toujours son effet. Le groupe reste barge comme le confirme un
premier speech perché. Le plaisir de retrouver les membres déjà à
moitié à poil avec la foule les incitant à tomber le reste étant
toujours là. Derrière ça s’enchaîne à toute allure avec des
chansons ne dépassant pas la minute dans un esprit grind débile
avec un chant hurlé et un rythme intense.

Avec ‘Ladyboy’ Gronibard propose une nouveauté sensée être proposée sur le nouvel
album nommé ‘Regarde les Hommes sucer’. Entre ce
nom et le titre bien barge force est de constater que les musiciens
n’ont pas changé. La suite va voir le groupe enchaîner les
douceurs. Entre ‘Crème de Chatte’, ‘Fais moi pas chier
Connasse’ ou ‘La Chanson des Bisous’ et ‘Prout de Bite’ il
distille les moments de subtilité avec grâce. Les amateurs de grind
délirant en ont pour leur argent et savourent chaque moment en se
remuant férocement. Le groupe envoie une belle sauce avec une
énergie intacte, les musiciens semblant toujours avoir moins de 20
ans. Il faut aussi signaler un autre nouveau titre, ‘Fast Gays Of
Humanity’, tout aussi poétique. Dans le final ‘Va Faire la
Vaisselle’, le titre le plus célèbre de la formation fait un
carton avec son refrain légendaire. Le rappel va être aussi
efficace. Entre le nouveau et très fin ‘Sperm Holocaust’, ‘J’ai
joué l’Anus artificiel de ton grand-père au PMU’ ou ‘Fragments
Of Corpse In My Bicky Burger’ le groupe enquille les perles comme
on enfile des boules de geishas. Avec ce concert Gronibard a
montré une grande et belle forme. Certes il faut encaisser cet
humour potache délirant et provocateur dans une époque devenue
pudibonde mais ce petit coup de pied a fait du bien et donné la
banane à un public ravi de la claque reçue.


La
journée a été riche mais il reste un gros morceau pour l’achever.
Ce morceau c’est Bathuska, Il faut rappeler que fin 2018 la
formation polonaise a connu un schisme important. Le chanteur Bart et
le guitariste Krzysztof se
sont brouillés et cela a entraîné la création de deux entités.
Celle que nous voyons ce soir est celle du chanteur, celle vu par les
fans comme la fausse, celle qui a trahi Krzysztof,
fondateur et compositeur d’un groupe qui
a fait sensation avec son côté liturgique prononcé. La
version de Bart fonce droit devant, un
album, un live et plusieurs EP sont sortis et lui ont donné une
légitimité vis-à-vis de la formation historique. Malgré
cela la foule est au rendez-vous et force est de constater que le
groupe a bien fait les choses. L’odeur
d’encens est très forte et sur scène le rituel est en place avec
tout les éléments d’une cérémonie religieuse. Puis le groupe
arrive encapuchonné, le chanteur a sa bible en main et tout se lance
doucement. Les cloches puis les chœurs se font entendre, une
ambiance s’installe avec un côté hors du temps. Il y a un côté
solennel, l’esprit est là et quand le chant profond se fait
entendre l’impression d’être dans une messe orthodoxe est forte.


Derrière son pupitre Bart en impose, il
dirige son groupe de main de maître et dégage un gros charisme. Le
rythme s’accélère d’un coup et chacun
encaisse un bon moment de black intense. Les musiciens restent
plongés dans un mutisme certain sous leurs capuches et le titre
alterne entre moments violents et breaks calmes à la fois solennels
et théâtraux. Cette alternance d’ambiance est remarquable, le
groupe y montre de la
profondeur et quand il fait parler la poudre il se montre rageur avec
une force énorme. La suite va se
montrer tout aussi prenante, le
groupe alterne entre titres purement black et titres plus solennels
avec des chœurs, des passages aériens plein de profondeur mais qui
savent faire mal . Ce mélange d’ambiances est une réussite
totale et fascine un public calme mais attentif. Dans la salle et
dans la pénombre la sensation d’assister à une cérémonie
religieuse est forte et le calme qui règne a souvent donné le
frisson. Avec ce concert cette version de Batushka
a gagné son pari haut la main. Bien
sur certains considéreront encore que le groupe est un imposteur
mais au vu de la qualité du concert il est aussi tentant de se dire
que Bart est en train de gagner son pari en prenant le pas sur son
ancien collègue.

Cela
achève une journée bien remplie, malgré des conditions délicates
le festival a été une réussite. On ne peut que saluer la force et
la volonté des organisateurs pour nous avoir offert une splendide
affiche et pour avoir su se surpasser face aux conditions sanitaires
délicates. Il nous reste à remercier chaleureusement Pedro
et ses équipes pour leur travail immense et leur donner rendez-vous
rapidement pour de nouvelles aventures metalliques.