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TITRE:

SYD KULT (15 JUILLET 2021)


TYPE:
INTERVIEWS
GENRE:

ROCK PROGRESSIF



Music Waves part à la rencontre de Syd Kult pour la sortie de l'album "Damnatio Memoriae". Une une interview gravée dans le marbre et indélébile.
CALGEPO - 19.07.2021 -
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Syd Kult commence à avoir une discographie bien fournie augmentée par ce nouvel album "Damnatio Memoriae" au rock bien senti. Music Waves a pu en savoir plus sur ce projet et évoquer à la fois le sens historique de l'album dans le contexte actuel, la cancel culture mais aussi le chant qui tient un rôle primordial au sein du groupe.

Syd Kult est-il un hommage à Syd Barrett et à sa folie qui ressort de votre projet ?

Même si l'histoire particulière qui entoure le personnage me parle bien évidemment, il n'y a pas de rapport avec feu Syd Barrett ou tout autre Syd. Au début du projet, je ne savais pas trop comment les choses allaient se dérouler, si j'allais jouer seul ou en groupe. Syd est une référence transformée à mon nom/prénom et Kult fait référence à la faculté qu'a la musique de regrouper les gens, voire à créer quelque chose de sectaire. C'est à la fois magique et fascinant.





C’est votre troisième album en environ 9 ans d’existence soit un album environ tous les 3 ans à une époque où les sorties entre différents albums se rapprochent de plus en plus, c’est un luxe que vous conservez, ce laps de temps relativement long entre deux albums dans une industrie musicale où tout va plus vite ?

Effectivement on approche des 9 ans d'existence l'année prochaine, mais il faut rajouter 3 EPs aux 3 albums, soit près de 45 titres. Personnellement je ne m'arrête jamais de composer, je pense plutôt être assez productif. Mais ce qui freine la sortie d'un album ou d'un simple titre c'est tout ce qui l'entoure, de son enregistrement à la promotion. Étant seul à financer, il y a énormément de limites. Si un jour quelqu'un m'aide à produire en me laissant une totale liberté de création, les sorties seront plus fréquentes.



Le besoin de liberté créative m'a appelé et m'a poussé à dépasser mes appréhensions, à affronter le jugement des autres.



Cyril, tu as eu beaucoup d’expériences musicales en dehors de Syd Kult, en quoi ont-elles nourri ce projet ?


C'est sympa mais j'ai commencé sur le tard donc je n'ai pas énormément d'expérience avant Syd Kult. J'ai joué dans trois groupes en tant que guitariste, nous composions ensemble avec les autres membres et je ne chantais pas. Nous avons fait plusieurs dates mais je tournais en rond et tout le monde n'avait pas la même motivation. J'ai beaucoup appris sur ce que je souhaitais et ce que je ne souhaitais pas. Le besoin de liberté créative m'a appelé et m'a poussé à dépasser mes appréhensions, à affronter le jugement des autres. Notamment avec le chant, qui met totalement à nu.


Nous vivons actuellement une période difficile et encore plus pour les artistes, les musiciens et tous ceux qui gravitent autour. En quoi cette pandémie est venue impacter ce nouvel album en termes d’enregistrement et de composition ?

Effectivement c'est une période assez complexe depuis un an et demi. Au départ, l'album devait être enregistré en avril 2020... Finalement c'est un mal pour un bien d'avoir dû décaler l'enregistrement, ça m'a permis de composer le titre 'Where We Belong' qui a trouvé sa place naturellement. Je pense que l'enregistrement a été tout de même impacté par quelques tensions, les conditions étaient particulières mais ont peut-être permis de faire ressortir cette colère sourde et brute.



Cette émotion, si primordiale dans notre vie d'être humain, ne peut décider à elle-seule de l'Histoire.


Le titre de l’album "Damnatio Memoriae" tire son nom d’une loi de la Rome Antique qui condamnait à l’oubli un personnage politique figurant dans les archives historiques. C’est un titre fort, surtout à l’époque actuelle où le sens politique s’est perdu depuis longtemps, faut-il faire table rase de tous ces personnages qui nous gouvernent ?

Vaste question... Damnatio Memoriae renvoie à une condamnation post-mortem et non du vivant de la personne. Certaines condamnations étaient également biaisées par un jeu d'alliances, l'Histoire pouvant être déformée afin de déshumaniser totalement un personnage et l'effacer plus facilement de la mémoire collective. Or cela amène possiblement à la fascination et à une résurgence, donc à un effet contre-productif. Condamner à l'oubli c'est dénier une partie de notre Histoire, mais aussi une partie de nous-mêmes. Comment apprendre et éviter de reproduire des erreurs en occultant certains passages ? Cette époque est ambivalente, on assiste à une simplification de la pensée, à une simplification de la réflexion, l'émotion prend le pas sur tout. Cette émotion, si primordiale dans notre vie d'être humain, ne peut décider à elle-seule de l'Histoire. Nous sommes seulement de passage et avons un devoir d'héritage à laisser. Malgré l'amertume que je garde du printemps 2020 pour ceux qui comme moi étaient sur le terrain dans des conditions précaires, complètement esseulés, au cœur d'une crise humanitaire indigne, je ne condamnerai pas à l'oubli des personnages publics. J'analyse ce qui s'est passé, j'essaie de comprendre l'ensemble. C'est ma façon d'être, personnelle, ce n'est pas une vérité.





On dit que l’Histoire est un éternel recommencement, cet effacement n’est-il pas vain et au contraire ne faut-il pas faire preuve d’un devoir de mémoire pour éviter de refaire les mêmes erreurs plutôt que d’effacer ce qu’on aimerait oublier ou ne plus voir ?

Oui. Comme je l'ai dit à la question précédente, comment apprendre et éviter de reproduire les erreurs du passé en occultant certains passages de l’Histoire ? Le devoir de mémoire me paraît essentiel. La passation d'une Histoire générale mais aussi personnelle au sein d'une famille permet de se construire ou de se déconstruire par rapport à elle, de tracer son chemin. Dans "Damnatio Memoriae" j'évoque aussi ma culture, issue de l'héritage gréco-romain, d'un passé ouvrier et immigré proche. Le monde n'est pas clivé qu'en deux parties, il est aussi fait de nuances.



Il y a une forte propension à l’image dans votre album notamment dans les instrumentaux qui laissent par définition plus de latitude à l’imaginaire par rapport aux chansons. ‘March Of The Tyrants’ est ainsi très martial avec ces cordes magnifiques qui subliment notamment cela, en quoi c’est important pour vous de mettre cet imaginaire en avant ?


Lorsque je compose il y a toujours des images ou des histoires qui apparaissent. L'imaginaire est ce qui m'a construit et m'a permis de fuir une réalité étouffante. C'est ce qui m'a nourri. Vous évoquez ‘March of the Tyrants’, c'est typiquement le genre de titre instrumental laissant libre cours à l'imagination. Pour ce titre, la marche sur Rome de 1922 et le film "Une Journée Particulière" d'Ettore Scola en sont les principales influences. Une lente procession vers le chaos, semblant anodine au départ, mais dont les retombées seront dévastatrices. Une dramaturgie à la fois grandiloquente et intimiste.



Syd Kult trouve sa source notamment dans le genre progressif, or dans cet album les chansons sont plutôt directes hormis le titre éponyme. Pourquoi un tel choix et finalement, cet album ne serait-il pas une seule piste divisée en plusieurs mouvements, en autant de morceaux, et donc un concept album à la "The Wall" ou "Opération Mindcrime" ?

Il est vrai que le rock progressif a une part importante au sein de Syd Kult, mais plus dans cette capacité à créer une histoire, à créer une ambiance, qu'avoir des titres de quinze minutes. "Damnatio Memoriae" n'est pas un concept album à la différence de "Weltschmerz", le précédent album. Les chansons sont effectivement plus directes, épousant plus le rock alternatif je pense. La colère domine. 'Invisible Walls' renvoie tout de même au progressif lui aussi.



La parole m'a manqué pendant longtemps, j'ai gardé trop de choses accumulées, le chant m'a libéré.


A ce propos, dans le titre 'Damnatio Memoriae' le chant épouse ce rock progressif dans l’aspect interprétation d’un rôle avec presque plusieurs personnages, comment travailles-tu ce chant expressif et en particulier pour cet album ?

Pour le titre éponyme dont vous parlez je savais déjà ce que je voulais transmettre. Les paroles sont LA composante directrice de l'interprétation à donner. Le couplet vociféré, le pré-refrain fantomatique, le pont agonisant. Jusqu'à maintenant je n'ai jamais eu plusieurs prises en studio car le temps est limité. Sur le titre éponyme comme pour les autres titres de l'album, j'ai effectué deux prises en tout pour la voix principale et une seule pour les différents chœurs. J'aime ce côté soul/blues, cette authenticité qui vient de l'intérieur comme dirait Bernard. La voix ne triche pas comme peuvent le faire les autres instruments, elle raconte quelque chose d'unique, propre à une personne. La parole m'a manqué pendant longtemps, j'ai gardé trop de choses accumulées, le chant m'a libéré.



Vous piochez donc également dans le rock alternatif voire le metal alternatif à la Queens Of The Stone Age ou Alice In Chains avec notamment un ‘Unleash The Dogs’ qui ouvre les hostilités, c’était indispensable pour vous d’explorer encore plus vers ces horizons pour coller au thème sociétal de l’album ?

J'avais besoin de créer quelque chose de plus dur avec cet album, la colère dominait. Les deux groupes que vous citez sont des influences majeures comme le sont également Soundgarden ou Marilyn Manson. J'écoute ces groupes au moins une fois par semaine depuis que je suis adolescent, ils font partie de mon inconscient maintenant. Il y a sûrement des références éparses dans l'album.






Il y a une forme de catharsis intéressante et exacerbée dans cet album par rapport à notre environnement actuel où il semble que les inégalités se creusent et pourtant vous chantez en anglais. Ne craignez-vous pas que le message que vous portez se perde par la relative incompréhension de la langue mais aussi aujourd’hui en raison du changement du rapport du public vis-à-vis de la musique à une époque où on n’écoute plus un album comme avant avec le développement du streaming et des playlists ?


Tous les albums sont cathartiques d'une certaine manière, ils correspondent à un état d'esprit défini dans le temps, ils représentent la quintessence de la musique d'un artiste. Chanter en anglais était pour moi une évidence de par mes influences, mais aussi en rapport avec les mélodies naturelles engendrées par cette langue. C'est vrai que le rapport à la musique a changé et changera encore, il y a un rapport de consommation directe ou de pseudo élitisme. Mais je ne joue pas en fonction des modes ou des changements d'état d'esprit de la Société. Si Syd Kult doit se perdre dans le néant, il s'y perdra. En revanche il n'est pas exclu que je m'essaie au français sur le prochain album. Il pourrait y avoir un titre chanté intégralement en français, c'est quelque chose que j'aimerais tester en tout cas.



Vous jouez énormément sur les contrastes entre les titres avec une alternance de titres puissants mais aussi des passages plus méditatifs (‘Alpha Orionis Supernova’ plutôt électro qui s’enchaine avec le plus organique ‘Bittersweet’), on sent ainsi un album très pensé et réfléchi. Laissez-vous une place importante à la spontanéité dans la manière dont vous abordez l’écriture ou tout est parfaitement calculé ?

En fait, l'assemblage des titres se fait de manière naturelle et ne demande pas beaucoup de réflexion. Bien que j’aie écrit l'ensemble de l'album, y compris les parties de batterie, il existe une grande part de spontanéité dans Syd Kult qu'on ne soupçonne pas au premier abord. Par exemple les arpèges de guitare que vous entendez sur 'Deaf Call', les notes de guitare et les roulements de batterie sur 'Damnatio Memoriae' ou encore les chœurs de 'Bittersweet', sont autant d'éléments enregistrés au moment même où ils sont venus à l'esprit. Une prise venait d'être effectuée, et en laissant Yohann François travailler sur celle-ci, je testais des choses qui me venaient en tête à ce moment-là et je lui demandais de les enregistrer dans la foulée de peur de les perdre. Il y a un côté élaboré évident et prédominant, mais il y a aussi un côté plus instinctif dans Syd Kult.



On ressent énormément l’importance de la liberté donnée aux passages instrumentaux permettant aux musiciens de s’exprimer pleinement (‘Deaf Call’ entre autres), avec des solos recherchés et une rythmique variée, cet équilibre rentre-t-il absolument dans votre cahier des charges ?

Le chant peut me faire entrer ou sortir totalement d'un artiste lorsque j'écoute un titre. J'y accorde beaucoup d'importance. Mais un chant omniprésent peut perdre tout son attrait. J'aime que quelque chose me manque pour l'apprécier doublement, à sa juste valeur. Le fait que les musiques de films, la musique classique ou le rock instrumental sont des genres que j'affectionne particulièrement doit se ressentir dans Syd Kult. Nous sommes beaucoup à avoir un côté "The Beatles" ancré dans notre mémoire je pense, avec des couplets/refrains efficaces. Mais ce côté jazzy me parle également beaucoup. Encore une fois il n'y a pas de cahier des charges, il y a une manière de créer qui m'appartient. Pour 'Deaf Call' par exemple, il me semblait naturel de placer un solo à ce moment là et d'aérer l'ensemble avant de repartir. En live, il pourra en être autrement.



Je préfère exister avec mes défauts et mes tiraillements que de correspondre à une image déformée...


On sent que votre projet est très concerné par ce qu’il entoure et que vous souhaitez partager cela : votre colère, vos doutes, peut être vos angoisses. A une époque où tout semble aseptiser surtout médiatiquement où les artistes concernés ont aujourd’hui moins de place que dans les années 80-90 pour s’exprimer ainsi, pensez-vous qu’il appartient encore aux musiciens de faire passer ces messages auprès des fans ou d’un public peut être de moins en moins réceptif ?

Nous sommes d'accord sur l'aseptisation, simple reflet de la société. Je pense cependant que si les artistes voulaient vraiment s'impliquer ils le feraient, qu'ils aient de la place ou non. Je ne me considère pas comme un artiste engagé au sens propre. Je m'intéresse plus à l'humain, à ses joies, à ses peines, à ses tourments, à ses questionnements. Mais indirectement l'humain est lié à son environnement, à ce qui se joue autour de lui. Il y a donc forcément un message derrière. Cependant la moindre formulation sortant un peu du cadre aseptisé est automatiquement qualifiée de punk, et l'artiste est aussitôt porté aux nues comme nouvel étendard. Il y a une forme d'embourgeoisement général je trouve. Quand j'écoute les interviews de certains groupes, j'entends un discours prémâché et faux, mais qui a pourtant une portée. Cela fait partie du jeu, et je comprends que l'on puisse y participer volontairement ou non. Pour ma part, être un clone ne m'intéresse pas. Je préfère exister avec mes défauts et mes tiraillements que de correspondre à une image déformée...






La scène metal et rock française semble renaitre de ses cendres, surtout en termes de qualité. Ce gain en qualité n’est-il pas le résultat d’un retour à l’underground ?

Peut-être... Par exemple des groupes comme Seeds of Mary, Maudits, Vain Valkyries ou Individu XY sont de merveilleux artistes (et de bonnes personnes) pourtant pas assez mis en valeur. Il y a tellement de bons artistes partout, qu'il est difficile de mettre tout le monde en avant. Ce qui fait tenir des groupes de l'underground c'est la passion, pas les revenus générés par la musique. Pour ma part tout est à perte mais j'ai cette flamme qui vit encore. C'est pour cela qu'il est important de soutenir les artistes indépendants, car il arrivera un moment ou tout devra malheureusement s'arrêter.



Après avoir été considéré comme non essentiel pendant plus d’un an, voire deux ans, les concerts reprennent ; comment avez-vous accusé le coup et comment appréhendez-vous ce retour sur scène ?


Pour un groupe comme Syd Kult n'ayant pas de tourneur, c'était déjà compliqué avant et ça le sera encore plus maintenant. Donc je ne sais pas comment évaluer la situation. Le booking prend du temps et de l'énergie et je dois avouer que j'ai besoin de souffler. Ce qui est certain en revanche c'est qu'il y aura une date spéciale le 10 septembre dont les détails seront dévoilés d'ici peu. Le retour sur scène s'annonce un peu stressant mais terriblement motivant. Jouer pour la première fois des titres du nouvel album et les partager avec des gens venus vous écouter, c'est génial !


On vous laisse le dernier mot pour la fin…

« We all live in a yellow submarine » !



Plus d'informations sur https://www.facebook.com/sydkult/
 
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