C'est en compagnie de Fenne Kuppens et Kobe Lijnen que nous avons évoqué le début de carrière fulgurant du groupe. Une ascension freinée par la pandémie qui a totalement mis à l'arrêt le monde entier mais que le groupe a mis à contribution pour paufiner ce deuxième album. A quelques jours de la sortie de ce dernier qui se doit de confirmer tous les espoirs placés en eux, les jeunes Belges ont répondu à toutes nos questions concernant ce nouvel album et se sont livrés sur la notoriété grandissante qui en découle et sa gestion parfois difficile...
On aime commencer nos interviews chez Music Waves par cette question traditionnelle : quelle est la question qu’on vous a trop souvent posée et à laquelle vous auriez marre de répondre ?
Fenne Kuppens : Sans hésitation, "Quelle est l’origine du nom Whispering Sons ?"… (NdStruck : nom d’un titre d’un groupe danois Moral que le groupe reprenait à ses débuts)
Et nous ne vous la poserons pas…
Fenne : (Rires)
Nous allons plutôt parler de votre premier et précédent album "Image" sorti en 2018, comment avez-vous vécu son accueil positif et les retours de vos performances scéniques ?
Kobe Lijnen : Nous n’aurions jamais imaginé cela possible quand nous avons enregistré "Image". Lors des premiers concerts que nous avons faits pour la promotion de cet album, il devait y avoir 200 personnes dans le public. Et puis ça a explosé, en particulier en Belgique où nous avons joué de nombreux concerts vraiment cools et ensuite, nous avons eu l’opportunité de tourner à travers l’Europe et en France en particulier. Nous sommes vraiment fiers de ce que nous pu faire avec cet album.
Mais comment expliquez-vous ce soudain engouement pour votre musique ?
Kobe : Je ne saurais pas dire (Sourire)…
Fenne : Je n’en ai aucune idée (Rires) !
Depuis la situation pandémique est intervenue, comment avez-vous traversez cette période et est-ce que cette situation a impacté la composition de "Several Others" ?
Kobe : En fait, la majorité de la musique avait été composée avant que la Covid apparaisse…
… l’album aurait donc dû sortir avant ?
Kobe : Pas vraiment, les paroles n’étaient pas écrites. En revanche, la plupart des démos étaient écrites au niveau musical en 2019, début 2020. Et quand le Coronavirus est apparu, Fenne a eu le temps de travailler sur les paroles.
Le seul impact qu’a eu le Coronavirus sur nous est de nous avoir donné du temps et l’opportunité de finir de nouveaux titres
Dans ces conditions, est-ce que tes textes ont été impactés par cette situation ?
Fenne : Non, je ne pense pas. En revanche, nous avons enfin eu le temps de nous poser. En fait, le seul impact qu’a eu le Coronavirus sur nous est de nous avoir donné du temps et l’opportunité de finir de nouveaux titres. Finalement, c’était une expérience très positive si ce n’est que nous ne pouvons pas jouer sur scène (Rires) !
Vous dîtes que la Covid vous a donné du temps et probablement du recul, est-ce que cela a changé votre approche sur certains aspects de cet album ?
Kobe : Nous savions très rapidement ce que nous voulions faire avec cet album. Avant même que "Image" sorte, nous avions déjà plusieurs idées en tête pour l’album suivant et les choses que nous ferions différemment…
Fenne : Nous avons composé avec tout ça à l’esprit et notamment les choses à changer que nous n’aimions plu de "Image".
Votre musique emprunte au post-punk à la fois pour son côté froid et son caractère direct mais également à la cold wave. Pensez-vous que cette musique peut faire du bien par son côté cathartique ?
Kobe : Je ne sais pas, mais j’espère que nos fans vont aimer ce nouvel album comme ils ont apprécié le premier. En ce qui me concerne, la musique a un effet cathartique sur moi. Mais ce sentiment n’est pas seulement créé quand j’écoute de la musique, c’est également le cas avec tout ce qui t’entoure et avec lequel tu as une connexion particulière.
Nous sommes vraiment heureux d’avoir une frontwoman comme Fenne !
Votre groupe d’une grande qualité musicale repose aussi sur la voix très particulière de Fenne, grave et androgyne un peu à la manière de David Bowie ou Annie Lennox (période Eurythmics). Pourtant, vous ne semblez pas jouer essentiellement sur ce particularisme contrairement à ce qu’auraient fait d’autres groupes, pour quelle raison ? Une volonté pour vous de vous affirmer comme un groupe et pas seulement le groupe de Fenne ?
Kobe : Je vois ce que tu veux dire… Nous sommes vraiment heureux d’avoir une
frontwoman comme Fenne ! Nous sommes quatre mecs ennuyeux qui jouons de la musique en arrière-plan : nous ne sommes pas aussi expressifs que Fenne. C’est une vraie chance de l’avoir et cela ouvre certaines portes à des personnes qui n’écoutent pas forcément la musique que nous jouons mais qui apprécient les prestations de Fenne.
Mais sa voix colle parfaitement à votre univers musical…
Kobe : Oui mais Fenne n’a pas choisi ce type de voix pour coller à notre musique : c’est juste elle naturellement !
Fenne : Cela a évolué avec le temps : nous avons tous évolué avec nos instruments et nous avons encore plus rapproché nos univers respectifs.
Tu évoques une évolution mais à tes débuts, tu montais plus dans les aiguës. Pourquoi avoir évolué ? Est-ce que ce n’était pas naturel pour toi ou as-tu constaté au travers de vos prestations scéniques que ces notes aiguës ne collaient pas forcément et qu’il fallait évoluer vers quelque chose de plus naturel qui serait plus en adéquation avec la musique ?
Fenne : En fait, tu as parfaitement répondu à la question (Rires) ! Non mais c’est vrai quand je chantais plus aigu, ça sonnait moins naturel. Nous avons donc évolué naturellement vers la direction que nous suivons aujourd’hui.
Kobe : Cela nous a pris cinq ans pour sortir notre premier album, nous avons donc eu le temps de travailler sur notre son et en ce qui concerne Fenne, elle a eu le temps de travailler sur sa voix.
C’est normal qu’une chanteuse -excellente interprète de surcroit- attire l’attention
Selon vous, qu’est-ce que ce chant grave, qui semble détaché apporte à votre musique ? Est-ce que vous ne craignez pas que ce soit une sorte d’attraction ?
Fenne : Ce n’est pas ce que je souhaite !
Kobe : J’espère que Fenne pense la même chose que moi, à savoir qu’il faut nous voir comme un groupe et non pas une chanteuse avec un groupe en arrière-plan.
Fenne : Tout à fait !
Kobe : Nous écrivons les chansons ensemble, nous faisons tout ensemble… C’est normal qu’une chanteuse -excellente interprète de surcroit- attire l’attention mais finalement, nous ne sommes que cinq amis qui faisons de la musique !
Vous dîtes que ce nouvel album prend le contre-pied de "Image" en étant plus direct, plus authentique, sans tricher, pourquoi une telle direction pour "Several Others" ? Et cela signifie-t-il que vous n’étiez pas authentiques sur "Image" ?
Kobe : Nous étions authentiques au moment où nous avons enregistré "Image"… A cette époque, nous creusions dans une direction mais avec le recul, tu te rends compte que certaines choses marchent et d’autres moins.
En tant que groupe, nous voulons sans cesse évoluer entre chaque album.
En fait, j’ai le sentiment que le terme "authentique" n’était pas le plus approprié pour indiquer une évolution musicale naturelle, surtout après la sortie d’un premier album dans lequel vous tâtonniez et expérimentiez encore ?
Kobe : Tu as raison "authentique" n’est vraisemblablement pas le terme approprié. C’est juste qu’en tant que groupe, nous voulons sans cesse évoluer entre chaque album.
Et avez-vous déjà une idée de ce que sera la prochaine évolution sachant que vous avez indiqué que vous saviez déjà quelle direction vous alliez prendre à la sortie de "Image" ?
Kobe : En fait, nous avons composé la plupart des titres pendant la tournée de "Image"…
Et vu que vous n’avez pas encore tourné, vous n’avez pas de nouveaux morceaux en stock ?
Kobe : Non, c’est très difficile pour moi d’écrire quand je n’ai rien à faire. J’ai besoin de l’expérience de la scène, la connexion avec les fans et leurs réactions au moment où nous jouons.
Fenne : C’est notre source d’inspiration !
Kobe : Aujourd’hui, nous sommes totalement concentrés sur ce nouvel album qui va sortir dans quelques semaines…
L’image que les gens ont de toi quand tu es sur scène [...] n’est pas celle que tu es réellement !
L’un des titres qui ressort est ‘Screen’ entre son piano, ses effets électro et des paroles sur le fait d’être exposé voire de jouer un rôle, d’être ce que vous n’êtes pas presque contraint et forcé. Est-ce que cette chanson est autobiographique sur le fait d’être musicien et surtout chanteuse puisque la titre parle d’une femme ?
Fenne : Oui, c’est le cas ! Cette chanson parle d’un concert que nous avons joué lors d’un festival et depuis, je suis obsédée par cette situation d’être la
frontwoman d’un groupe que les gens reconnaissent et avec laquelle ils veulent parler. Ce fut une expérience très difficile et j’en ai fait une chanson. Cela traite de l’image que les gens ont de toi quand tu es sur scène mais qui n’est pas celle que tu es réellement !
Ce thème de la représentation revient également dans ‘Aftermath’ où il est dit que "toujours être quelqu'un d'autre au lieu de soi-même". N’est-ce pas un problème lié à la société qui nous pousse à être ainsi ? En d’autres termes, est-il possible aujourd’hui d’être naturel, être soi-même ?
Fenne : Effectivement, c’est en grande partie liée à notre société et la pression qu’on nous colle. En ce qui me concerne, c’est une recherche constante de la perfection, d’être toujours meilleure, d’apprendre plus… Toujours plus jusqu’où ? Je ne sais pas s’il y a une fin ? Mais effectivement, cette recherche constante est liée à notre société où il faut toujours être meilleur que l’autre. Alors que la solution est de s’accepter soi-même, de la façon que tu es…
Toujours rester soi-même et surtout pas être quelqu’un d’autre ! Mais pour cela, il faut s’aimer !
Et c’est le message que vous souhaitez faire passer à travers cet album ?
Fenne : Le message est de toujours rester soi-même et surtout pas être quelqu’un d’autre ! Mais pour cela, il faut s’aimer !
Est-ce que le succès ou même simplement cette exposition vous fait peur ?
Fenne : Bien sûr !
Et comment penses-tu pouvoir gérer contre cette peur car le succès aidant, ton exposition ne va cesser de s’amplifier ?
Fenne : Je n’en ai strictement aucune idée ! Mais tu as raison : sur scène, je veux avoir toute l’attention mais en dehors, je souhaiterais qu’on me prête aucune attention. Je suis une personne très introvertie et toute cette attention, ce succès… est difficile à gérer mais aujourd’hui, c’est gérable (Rires) !
Une des forces de la voix de Fenne est qu’elle colle aussi bien avec une
musique bruitiste, dure mais également des mises en place très
minimalistes
Nous évoquions le piano dans ‘Screen’, il revient souvent dans l’album en apportant une touche à la fois humaine, tragique et grave et qui sort de ce post-punk. Est-ce une façon d’affirmer une certaine fragilité et nuance ?
Kobe : Oui ! Une des forces de la voix de Fenne est qu’elle colle aussi bien avec une musique bruitiste, dure mais également des mises en place très minimalistes qui peuvent être très émotionnelles et encore plus particulièrement avec les paroles qu’elle chante.
A ce titre, "Several Others" pousse plus loin l’expérimentation musicale que précédemment, vous envisagez la composition comme un défi ? De façon générale, que souhaitez-vous provoquer chez l’auditeur ?
Kobe : Ouh ! De façon générale, nous voulons juste développer une énergie live sur cet album. Nous avons voulu développer encore plus l’authenticité du groupe (Rires) car tu peux incorporer plein d’effets, d’arrangements sur ce type de musique mais nous avons voulu rester le plus honnête possible vis-à-vis de nous-mêmes en proposant des titres d’une façon que nous voulons les jouer sur scène : nous ne sommes pas trop fans de surplus d’effets…
De façon générale, votre œuvre est très littéraire et cinématographique. Vous citez parmi vos inspirations "Night and the City" (les forbans de la nuit de 1950 de Jules Dassin) pour le titre ‘Heat’ ou bien ‘Satantango’ (film hongrois de Bela Tarr de 1994) pour le titre éponyme glaçant et en tension. Que représente pour vous ce cinéma noir et blanc ?
Kobe : Ce n’est pas seulement le cinéma noir et blanc. Tu peux puiser énormément d’inspirations de certaines formes d’art comme le cinéma. Toute l’inspiration ne vient pas uniquement de la musique !
Tout votre processus semble très recherché, des paroles à la musique jusque dans vos recherches et sources d’inspiration, est-ce que vous n’avez pas peur de trop intellectualisé votre musique et est-ce qu’il y a de la place pour une sorte de spontanéité dans votre groupe ?
Kobe : Que ce soit pour les films ou le cinéma, nous ne cherchons pas à les copier mais plutôt faire nos propres choses en nous inspirant d’eux selon l’humeur. Mais par exemple, nous n’allons pas nous inspirer totalement en utilisant des passages de films ou des images de film… non, cela va plutôt générer en nous une certaine humeur qui va nous aider à écrire nos chansons.
De façon générale, la scène musicale belge semble être une scène qui refuse les barrières et ose des choses expérimentales, sans concessions comme vous, on peut citer Jacques Brel à son époque, dEUS, K’s Choice, Plastic Bertrand, Stromae dans leurs genres… Ces groupes rayonnent au-delà de vos frontières, comment expliquez-vous cet aspect dans lequel vous vous inscrivez ?
Kobe : Ton lieu de naissance a un effet sur ta personnalité et dans le cas particulier, cela influence notre musique. La Belgique est un petit pays et il faut sortir du lot pour exporter notre musique hors de Belgique.
Et selon vous qu’est-ce qui vous fait ressortir du lot ?
Kobe : Je ne sais pas trop ? Le fait que nous soyons directs et que nous restions fidèles à nous-mêmes…
Vous êtes jeunes mais vous avez bien révisé vos réponses bateaux car c’est la réponse commune que répondent tous les groupes…
Kobe : (Rires) Bien sûr ! Mais je veux dire que nous n’avons choisi que les gens apprécient notre musique, ça nous est juste arrivé et nous en sommes vraiment heureux !
Et finalement qu’attendez-vous attendez de cet album ?
Fenne : Nous souhaitons juste revenir sur scène et faire plein de concerts avec cet album (Sourire).
Avez-vous des concerts déjà programmés ?
Kobe : Certains concerts sont programmés mais nous devons attendre avant de pouvoir les annoncer…
En France ?
Kobe : Il y en aura mais aujourd’hui, rien n’est confirmé. Nous espérons juste que nous pourrons jouer des concerts avant la fin de l’année… Nous avons prévu des choses mais il faut attendre…
Je comprends, il est compliqué de faire des prévisions aujourd’hui…
Kobe : C’est clair !
Pour finir, nous avons commencé cette interview par la question qu’on vous a trop souvent posée au contraire quelle est celle que vous souhaiteriez que je vous pose ou à laquelle vous rêveriez de répondre ?
Fenne : (Rires) !
Kobe : C’est une bonne question (Rires) !
La seule…
Kobe : (Rires) Non bien au contraire !
Je vois que vous calez. Je vous propose d’y réfléchir et pour la promotion de votre prochain album, nous commencerons l’interview par cette question et sa réponse…
Fenne : Ok !
Kobe : Parfait !
Merci beaucoup
Whispering Sons : Merci à toi !
Merci à Calgepo pour sa contribution...