MW : Quelle est la question qu’on vous a le plus posée et à laquelle vous êtes las de répondre ?
Seb : Pourquoi Hauméa ? Et j’ai bien envie de te dire pourquoi (rires).
Si ça te tient à cœur, avec plaisir !
Nous sommes quatre musiciens d’univers musicaux bien différents. Trois qui viennent du metal disons extrême et un du rock français. On a tous arrêté la musique pendant un certain temps et le fait de reprendre, de vivre un nouveau départ on l’a tous vécu comme une renaissance musicale. La déesse de la fertilité nous a paru être un beau symbole pour exprimer cela.
Ça fait quoi de sortir un album en pleine période de confinement ?
L’intérêt quand on sort un album c’est de le défendre sur scène. Dans le contexte actuel on s’est fait évincer de plusieurs plateaux, ce qui est normal. C’est difficile, on essaye au maximum de la promouvoir par l’intermédiaire du net pour faire connaitre notre univers. Ce qui n’est pas évident car on préférerait le jouer sur scène.
Vous commencez à penser à l’après, aux programmations qui vont avoir lieu ?
Oui, on travaille dessus tous les jours. On ne peut pas s’avancer pour l’instant mais on est sur des plans assez clairs pour novembre. Après pour aout-septembre on a aussi des choses mais sans plus d’éléments et de visibilité sur le déconfinement on ne peut rien faire. Les bars, les salles ne peuvent pas se prononcer par rapport à ça non plus. On se prépare à ce qu’on nous dise que les dates de novembre sont aussi annulées. On ne sait pas.
On voit tout un tas d’artistes jouer sur les réseaux sociaux comme un moyen d’évacuer la tension de la privation de liberté. Vous y avez songé ?
Oui mais le souci est que l’on n’est pas tous équipés pour le faire. Certains membres sont en appartement, d’autres en maison, c’est compliqué pour nous. Je pense que l’on n’est pas les seuls dans ce cas-là. On aimerait faire mais ça reste compliqué à mettre en place.
Vous concernant est-ce que ce confinement loin de l’agitation du monde (relatif car on se rend compte que l’information continue de passer par d’autres moyens) est plutôt quelque chose qui vous va dans le processus de création ou non ?
Le problème est que l’on n'a pas accès à nos instruments facilement. Je suis batteur et c’est pas possible de jouer comme je le voudrais. Ce qui fait qu’on se focalise sur d’autres choses, notamment les textes. C’est une activité que je pratiquais rarement et je m’y suis plus mis sur ‘Breath’. Donc c’est intéressant de s’atteler à des tâches autrement créatives.
Ce second EP est encore plus profond émotionnellement
Revenons un peu en arrière : depuis la sortie de l’EP qu’est-ce qui a évolué dans le groupe ? Quelles expériences avez-acquises en réalisant un premier EP ?
En sortant le premier EP on s’est dit que l’osmose était là. Le premier EP c’est un peu comme le premier cap à franchir. Faire des concerts c’est sympa mais s’enfermer tous les quatre en studio pendant une semaine c’était là où on pouvait se découvrir. Je n’avais jamais eu l’occasion de vivre comme ça au quotidien 24h/24 et au final ça s’est super bien passé. Et dès la sortie du premier studio on s’est dit qu’il fallait y retourner parce que c’est très fédérateur. Le second EP en est la preuve. Il a été fait sur le même modèle, en deux ou trois jours de plus. Il est encore plus profond, émotionnellement parlant plus intimiste et plus alarmant sur certaines choses. Grâce à ça on a pu développer d’autres univers.
Il était sorti en partenariat avec Dooweet si je ne me trompe pas. Est-ce toujours le cas ?
Pas du tout, on est passé avec Replica Promotion. Nous sommes fidèles sur certaines choses et en même temps nous voulons voir d’autres choses. Au niveau studio on est satisfait, ça se passe à merveille. Après en termes de promo nous ne sommes jamais passés par de grosses boites de prod et là c’était l’occasion de voir ce que c’était. Le travail de Dooweet pour le précédent EP a vraiment été très bien, il n’y a pas de doute là-dessus mais on voulait gravir une marche supplémentaire dans un certain sens. C’est peut-être un peu prétentieux mais on pense que l’on a des capacités et on ne veut pas mourir bête comme on dit. On veut gravir les marches les unes après les autres et comme on sait que Roger de Replica gravite autour de grands noms ça nous permet de nous installer nous aussi.
Pas de nouveautés dans le line-up ?
Non, toujours les mêmes d’origine.
Il est sorti sur plusieurs plateformes de téléchargement. Vous prévoyez de le sortir en CD ?
Il est édité en CD physique. Ceux qui le veulent peuvent nous contacter via les réseaux sociaux ou sur les points de vente.
Pourquoi avoir sorti un second EP et pas un album ? Entre un EP et un disque quelles sont les différences hormis la durée ?
Un album, j’en ai fait un par le passé, c’est 1 an et demi voire 2 ans de préparation et l’idée était de la visibilité très rapidement. Au sortir du premier studio on avait déjà deux ou trois bases pour des nouveaux morceaux. Et un an après on s’est dit qu’on allait y retourner pour sortir rapidement du neuf car un EP c’est 6 mois pour le défendre. On voulait faire les choses proprement et rapidement, et nous permettre potentiellement de retourner en studio pour cette fois-ci un album courant fin de l’année prochaine. Nous voulions avoir du matériel phonographique avant d’avoir la prétention d’avoir un nouveau disque. Même si on se pose encore la question d’un nouvel album.
On n'est pas là pour rigoler
Dans votre logique un EP n’est pas le temps d’expérimentation pour tester des choses, c’est véritablement une étape dans un processus de construction.
Oui, on sait qu’à telle période il nous faut du neuf donc on le sort et on a envie de la sortir. Ce qu’on fait ce n’est pas pour s’amuser, on n’est pas là pour rigoler. On ne peut pas prétendre faire des salles avec un EP qui date de trois ans. Dans les mains des organisateurs il y a du neuf, ils savent à quoi s’en tenir.
Pour aller dans ce sens de la visibilité vous avez sorti votre deuxième vidéo pour le titre ‘Breath’. Pourquoi celui-ci ?
‘Breath’ c’est le morceau-phare du disque, il nous a donné un peu plus de fil à retordre car on l’a retravaillé à plusieurs reprises. On savait qu’il avait un potentiel artistique mais on n’arrivait pas à l’aboutir totalement. On a trouvé son petit secret et on l’a développé jusqu’à ce résultat final et on voulait lui faire honneur. C’est un morceau qui est très dans la signature d’Hauméa depuis longtemps. Ce n’est pas un des tous derniers, il fait partie du vécu.
Chaque morceau a sa teinte, chaque morceau est différent
Ce titre reflète le travail de finition de l’album avec ses contrastes de rage, de lourdeur dans les ambiances, une pesanteur. Il y a du vécu dans l’album, de la poésie noire à la Noir Désir comme ‘I Know Them’. Les émotions passent par un chant qui varie les registres. Comment a été abordé le chant dans l’album ?
Le chant on l’a travaillé différemment. Nico sort du rock français et c’est pour lui son fer de lance de chanter en français. Il a travaillé les textes en français, j’ai co-écrit les textes sur ‘Bones’ qui sont en anglais et en français. Le premier EP était tout anglais et là on a mélangé français-anglais avec un petit peu d’allemand pour se faire plaisir (rires)...on est européens ! L’idée d’Hauméa ce n’est pas de dupliquer les idées. Chaque morceau a sa teinte, chaque morceau est différent. En gros, un morceau pour un univers.
Est-ce important pour vous d’intégrer des phrases en français dans votre écriture ? Qu’est-ce qui déclenche l’usage de telle langue dans les morceaux ?
La langue de Molière c’est la plus poétique, elle sonne avec romantisme. Je ne veux pas être méchant en disant ça mais l’anglais c’est sonne plus « campagnard » (rires). Il y a cette notion de suave qu’on aime bien utiliser chez Hauméa. Après, à quel moment on utilise du français ou de l’anglais? On le teste tout simplement. On va essayer en anglais et en français et on voit à quel moment ça passe le mieux, en termes d’émotions. Si ça nous touche nous il y a des chances que ça touche d’autres. On est la base de la mayonnaise il y a juste qu’à mettre le batteur en route et c’est parti.
Dans votre Facebook vous vous présentez comme « norman rock metal band ». Est-ce important de revendiquer une identité régionale ? Est-ce qu’elle s’exprime dans votre musique ?
Non pas du tout, on n’est pas régionalistes. On est humain, notre langue maternelle est le français, on chante en anglais car c’est un vecteur universel. L’idée c’est de se faire plaisir, de faire de la musique et de chanter, le français prend ou ne prend pas, l’anglais prend ou ne prend pas, on fait nos choix par rapport à ça et le morceau sort tel quel.
La diversité dans les compositions se retrouve-t-elle dans les thèmes que vous abordez ? Y a-t’il un fil conducteur dans l’album ?
L’émotion. Sur l’EP "Leaving" c’est surtout un constat d’échec, un constat macabre qui est fait, et tout est empreint d’émotion. Le fil conducteur c’est le côté émotionnel, après dans chaque titre il y a une histoire propre. L’EP sort à l’instant t avec nos influences présentes et on essaye de faire ressortir notre spécificité.
Vous prenez un certain plaisir instrumental dans l’EP. Est-ce une tentation pour vous d’aller encore plus loin dans l’approche instrumentale ?
Le morceau instrumental 'Erasing Us From Lie' est en live l’introduction de ‘Bones’. Elle nous tient à cœur et on voulait lui dédier une piste car elle a son propre univers aussi. Plus festive que ‘Bones’ qui fait un constat noir. On a un temps positif mais attention : dès qu’on attaque ‘Bones’, la réalité n’est plus la même. C’est aussi un délire de se taper un instrumental. D’autres artistes mettent ce genre de pièce en piste cachée mais nous, non.
Il n’y a pas de choix, pas de calcul, pas de barrière on fait tout ce dont on a envie
On parlait de Noir Désir tout à l’heure. Ça fait partie de vos influences ?
Pour Nico le chanteur clairement oui, et aussi très bercé par
The Cure. Moi particulièrement je viens davantage du metal extrême. On mélange tout, on fait une grosse mayonnaise et se fait plaisir avec nos envies. J’ai fait de la pop étant plus jeune, Andy aussi, et on ne s’interdit pas de mettre un petit riff pop. On peut potentiellement inclure tout ce qui nous passe par la tête. Il n’y a pas de choix, pas de calcul, pas de barrière, on fait tout ce dont on a envie.
Dans le titre ’I Know Them’ il y a des notes en speed picking à une tonalité très sombre et des ambiances presque black. Je suis dans le vrai ?
On y a pensé (rires). C’est ce que je te disais, notre univers est très grand, dans un même morceau tu peux passer d’un univers à un autre. Du black on en a tous écouté et c’est assez drôle à jouer. Donc autant y aller franchement.
Quelles sont les échéances à court terme ?
Le point de mire est difficile à confirmer. On avait un festival sur Alençon organisé par des étudiants, ça nous faisait plaisir de jouer pour eux. On avait une date fin août en Bourgogne pour le festival « Pied Au Planchez » et on ne sait pas si ça va être maintenu. On espère que oui car ça va faire du bien de faire un peu de musique. Mais sinon pour nous ça va être de pouvoir reprendre pour la rentrée, ça serait bien pour nous. Dans le cas contraire ça serait mettre un coup d’épée dans l’eau avec cet EP et ça serait dommage.
La musique c’est une addiction à elle toute seule
On finit sur quelle question aurais-tu aimé que je te pose ?
Je crois que tu me l’as posée (rires). C’est "quand est-ce que vous voulez reprendre la musique ?". On se rend compte que la musique c’est une addiction à elle toute seule donc on en a besoin pour vivre et pour survivre même.
On vous souhaite le meilleur pour la suite et bonne continuation.
Merci pour votre soutien et à bientôt.