Pour la sortie de l’excellent premier album de Lone Survivors, "Ground Zero", nous avons rencontré Olivier Crescence (bassiste et compositeur) et François Lescuyer (guitariste et producteur) qui nous ont parlé de l’origine du projet mais aussi de djent et de transhumanisme.
On commence par la question traditionnelle de Music Waves. Quelle est la question que l’on vous a trop souvent posée ou à laquelle vous en avez marre de répondre ?
Olivier : Quel style de musique vous jouez ?
François : Oui, c’est un peu énervant car on n’aime pas trop s’enfermer dans un style.
On en parlera un peu par la suite. Vous sortez votre premier album "Ground Zero", album concept qui raconte l’histoire de l’humanité de ses origines à son autodestruction dans le futur. Pensez-vous que l’homme soit génétiquement programmé pour s’autodétruire ?
François : Il est génétiquement programmé pour muter.
Olivier : Tout se transforme dans l’univers donc l’homme est voué à évoluer. Il s’est déjà autodétruit mais notre propos est plus optimiste. Nous pensons que nous allons plus vers un transhumanisme qui apportera une solution optimiste à l’humanité.
L’album parle en effet de transhumanisme. Pour vous, c’est donc plus un espoir qu’un cauchemar ?
Olivier : Tout à fait. Je pense qu’on a fait pas mal d’erreurs dans l’histoire de l’humanité et on continuera à en faire dans le futur. Mais on renouera avec nos origines lointaines pour trouver cette issue positive.
Nous pensons que nous allons plus vers un transhumanisme qui apportera une solution optimiste à l’humanité

C’est ce que vous dites dans l’album ?
Olivier : Il y a plusieurs grilles de lecture de l’album. C’est un peu à l’auditeur de se faire son opinion sur ce que nous disons.
Ne pensez-vous pas qu’une partie de votre public français va passer à côté du concept ?
François : C’est probable mais on a fait un gros travail sur le visuel et sur le graphisme pour rendre l’histoire compréhensible.
Justement qui a créé le visuel ?
François : On a travaillé avec Michel Klimczak qui est un artiste polonais, Nicolas Catherin qui est un artiste français et Anis Wail, un artiste algérien et les trois ont super bien bossé ensemble.
On aurait pu croire que ce soit Igor Omodei de Uneven Structure qui s’occupe des visuels ?
Olivier : Oui aussi ! Il a fait le clip de ‘Lost In My Mind’ !
Comment vous sentez-vous à l’approche de la sortie de l’album ?
Olivier : On a la patate.
François : On est à la fois excités et un peu paumés parce que je suis toujours pétri de doute. Mais on n’a pas de regret. Je ne pense pas qu’on aurait pu faire beaucoup mieux que ce qu’on a fait. On est assez contents quand même.
Assez content ... ça veut dire qu’il y a quand même des motifs d’insatisfaction ?
François : Oui, je pense qu’on aurait pu être meilleur sur l’originalité du son, sur le côté un peu underground. J’aurais aimé avoir une patte encore plus reconnaissable.
Olivier : Oui, mais il ne faut pas être trop exigeant non plus. Samuel (Ndlr : Samuel Smith, deuxième guitariste du groupe) et moi, nous avons fait le son de l’album que nous avons enregistré chez nous en home studio. Nous avons atteint un résultat qui nous paraissait le meilleur possible et ensuite nous avons confié ça à Fred Duquesne et Magnus Lindberg pour le mixage et le mastering. Donc au final, on est très content de ce qu’on a sorti même si, c’est vrai, on aurait pu faire mieux si on avait eu plus de temps et plus de moyens.
Fred Duquesne et Magnus Lindberg sont des grands noms mais pas forcément ceux qu’on aurait associés de prime abord à votre style musical.
François : Tout à fait mais ce sont des gars qui ont des oreilles de dingue et qui ont plus de vingt ans d’expérience professionnelle. Donc ce chemin est arrivé devant nous, on l’a emprunté avec plaisir et ça s’est super bien passé. C’était un vrai plaisir.
Nous sommes complètement un groupe !

Vous venez tous d’horizons assez différents, comment s’est créé le projet Lone Survivors ? D’ailleurs Matthieu Romarin est arrivé en tant que chanteur après coup. Lone Survivors est un groupe ou un projet ?
François : Nous sommes complètement un groupe ! Nous avons mis du temps à le mettre en place et à rassembler les différents membres. A l’origine, c’est moi qui ai monté le projet. Je voulais monter un groupe de metal pour revenir à mes sources. Je suis passé par différents styles en tant que musicien mais le metal restait très important pour moi.
Olivier : Oui, ensuite ça s’est fait naturellement avec nos amis et nos connaissances et on s’est lancé dans la composition.
En fait, nous a rencontré Matthieu[Romarin] trois jours seulement avant notre premier concert.
Vous êtes tous parisiens sauf Matthieu et vous ne l’avez réellement rencontré physiquement qu’après l’enregistrement des voix qui s’est fait à distance. N’est-ce pas un peu perturbant comme situation ? N’y a-t-il pas un risque de se rendre compte a posteriori que finalement on ne s’entend pas humainement, même si Matthieu a un talent de dingue ?
François : Tu as complètement raison. C’était le flip. En fait, nous avons rencontré Matthieu trois jours avant notre premier concert. On a eu de la chance parce que Matthieu est un gars hyper cool et qu’il s’est complètement intégré dans l’équipe. On a eu de la chance même s’il y avait une part de risque effectivement.
Olivier : Déjà, à la première approche, c’est quelqu’un de très professionnel. Et surtout il a apprécié notre musique et il a réussi à l’interpréter en un temps très court.
Donc vous ne ferez pas comme Toto à changer régulièrement de chanteur ?
François : Non, non ! Au contraire, nous voulons définir notre patte encore plus précisément et pour ça, il n’y a que le travail sur les années et la confiance mutuelle.
Matthieu va-t-il pouvoir mener de front ses deux collaborations avec Lone Survivors et Uneven Structure, notamment pour les live ?
Olivier : On en a beaucoup discuté et il veut s’investir autant que nous dans Lone Survivors.
Vous ne pouviez pas trouver meilleur chanteur pour votre musique, son travail est remarquable sur l’album. L’avez-vous laissé libre de toute interprétation ou avez-vous été directifs sur le résultat attendu ?
Olivier : On a fixé un cadre et on lui a dit de se lâcher à l’intérieur du cadre. En fait, on a composé tout l’album sans le chant et on avait une idée de ce qu’on voulait mais c’est son chant qui nous a permis de vraiment terminer les morceaux et de modifier certaines structures. Ça nous a beaucoup aidés, ça a été un travail de construction mais on lui a laissé carte blanche.
François : On savait ce qu’on voulait mais il est tellement bon qu’on lui a dit de faire les choses comme il les sentait.
Donc c’est devenu une évidence ?
François : Oui, ça a pris une dimension de dingue avec sa voix.
Olivier : Et c’était d’autant plus difficile qu’il n’a pas écrit les textes. C’est moi qui ai écrit les paroles et j’appréhendais un peu. Et finalement, ça s’est super bien passé.
C’est facile de faire du djent qui ne ressemble à rien et de se perdre dans ce style qui peut être uniquement algorithmique et manquer d’âme.

Vous définissez vous-mêmes votre musique comme un mélange de metalcore, djent et metal progressif. Nous avons récemment interviewé Uneven Structure qui rejette complètement l’étiquette djent. Pour vous, djent n’est donc pas un gros mot ?
François : Si, un peu.
Pourquoi ?
François : Parce que le style s’est plastifié. Disons que c’est facile de faire du djent qui ne ressemble à rien et de se perdre dans ce style qui peut être uniquement algorithmique et manquer d’âme. Nous, ce qui nous intéresse, c’est le côté progressif, asymétrique, intellectuel et complexe du style. Mais on a du mal à s’approprier le style car, même s’il y a du bon djent, on peut très vite s’y perdre en mode branleur.
Pour moi, vous êtes dans le djent au même titre qu’un Textures ou qu’un Meshuggah et c’est loin d’être un gros mot.
Olivier : Oui, Meshuggah a inventé ce style de composition donc on y est forcément car les structures et la composition sont djent. Mais on en sort dans ce qu’on propose en termes d’univers musical et visuel.
Alors pour mettre une étiquette encore plus réductrice, pour moi musicalement votre musique est du Meshuggah avec la voix d’Uneven Structure.
Olivier : Il y a pire comme association (rires). On est d’accord.
Assez vite, on s’est dirigé vers une musique progressive, asymétrique et complexe.

La musique de Lone Survivors est effectivement un vrai mélange de metalcore et de djent sur la majorité des titres, très influencés aussi par After The Burial et Periphery. Pourquoi avoir choisi ce style musical si confidentiel notamment en France ? Pour l’amour des rythmiques complexes ?
Olivier : Quand on a commencé le projet, on a eu du mal à composer ensemble et au bout d’un moment j’ai proposé cette direction au groupe et on est restés là-dessus.
François : Assez vite, on s’est dirigés vers une musique progressive, asymétrique et complexe. On aime aller là où peu de monde va et trouver des trucs nouveaux.
Cette musique ne va pas être compliquée à reproduire sur scène ?
Olivier : On l’a fait une fois et ça a plutôt bien marché. Mais c’est du boulot et il faut du temps.
François : Oui et étonnamment, c’est assez confortable à jouer sur scène.
A l’écoute de "Ground Zero", il est difficile de croire que c’est un premier album, tant il est maîtrisé. Comment s’est déroulée la composition de l’album : êtes-vous partis d’une page totalement vierge ou aviez-vous déjà un fil conducteur avant de composer ?
Olivier : Oui, nous avions un fil conducteur. Au départ, j’avais écrit un petit essai d’anticipation qui raconte l’histoire développée dans l’album. Et je m’en suis inspiré pour le mettre en musique. Comme le disait François, toutes les chansons s’enchaînent car elles racontent une histoire et la composition suit le déroulement de l’histoire.
C’est amusant de constater que ce style musical metal moderne progressif est bien représenté en France avec des groupes comme Buy Jupiter, Uneven Structure voire Betraying The Martyrs et d’autres alors que le public n’est pas forcément au rendez-vous. Comment expliquez-vous ça ?
François : Je pense qu’il faut être humble et reconnaître que des gens ont ouvert la voie il y a quelques années. En tout cas, on ne s’est pas posé trop de questions, on avait envie de faire cette musique et c’est sorti comme ça. C’est le style de nos influences : Meshuggah, Tesseract etc. On a fait du mieux possible et je crois qu’on ne pouvait pas faire beaucoup mieux.
Lone Survivors est né en 2017 et compte déjà 15 000 fans sur Facebook. Quel est d’après vous le secret de cet engouement ?
François : Ca vient des musiciens qui composent le groupe. Samuel Smith est quand même sorti « Best Hope » du M.A.I. de Nancy (Ndlr : Music Academy International). C’est un guitariste extraordinaire qui a fait des Zénith mais qui n’est pas connu, qui est super humble et très discret. J’ai fait tourner sur Facebook une petite partie du clip où on le voit faire son solo et ça a fait le buzz.
Olivier : On était un peu surpris de cet engouement mais ça nous a donné des ailes pour la suite.
Si nos informations sont bonnes, l’album devait sortir en décembre 2018, pourquoi la sortie a-t-elle été retardée ?
François : Certaines choses ont changé en cours d’élaboration de l’album et le label nous a orientés vers une voie plus professionnelle et nous a fait rencontrer des gens qui nous ont permis de faire les choses mieux. Donc on s’est dit : OK, on veut aller trop vite, on ralentit et on fait ça mieux.
A quel niveau ?
Olivier : La distribution et la stratégie de sortie de l’album.

Qu’attendez-vous de cet album ?
François : Que les gens l’aiment bien et qu’on puisse le défendre sur scène.
Et il y a des scènes prévues ?
François : On est en cours de discussion mais pas en France ni en Europe. Plutôt en Inde, en Océanie et à La Réunion puisque Olivier et Samuel viennent de La Réunion donc ils ont déjà un petit nom là-bas.
Avec Vacuum Road ?
Olivier : Oui, je les connais bien.
Nous avons commencé l’interview par la question qu’on vous a trop souvent posée. Quelle est, au contraire, celle que vous souhaiteriez que je vous pose ou à laquelle vous rêveriez de répondre ?
François : Tu me poses une colle !
Quel est le futur de Lone Survivors ?
François : Nous avons deux objectifs principaux. Le premier, qui est très ambitieux, est de pouvoir participer au Hellfest parce que c’est LE festival metal. Le second est de travailler sur un deuxième album encore plus original et plus puissant. Donc pour nous le futur de Lone Survivors est un travail de création et de réflexion sur ce que sera l’album suivant.
Vous avez déjà des pistes d’évolution ?
Olivier : De réflexion, oui.
François : Oui, je l’aimerais plus rugueux et plus original.
Ce sera une suite de "Ground Zero" ?
Olivier : Vous verrez bien !
François : C’est possible, mais ce n’est pas décidé. Je pense que ça viendra tout seul.
Merci beaucoup.
Merci à toi, c'est vraiment agréable d'avoir en face de toi un passionné qui maîtrise parfaitement son sujet !
Plus d'informations sur https://www.facebook.com/lonesurvivors/