Peu avant le concert de Paris, Neal Morse a accepté de nous rencontrer afin d'évoquer son dernier album, la vie de groupe mais aussi faire partager sa spiritualité.
Neal, C’est ta première interview sur notre site et nous avons l'habitude de commencer par une question traditionnelle : quelle est la question qui t'est posée trop souvent ?
Wah, je pense que c’est : "A quand un nouvel album de Transatlantic ?"
Ce groupe compte pour les fans !
Oui, vraiment ! Et tout juste après, la question suivante : "À quand un retour avec Spock's Beard ?".
À ce propos tu as joué avec le Spock's Beard original l’album "Snow" en entier au Tennessee, qu'as-tu ressenti à cette occasion ?
C’était incroyable et vraiment spécial car nous n’avions pas pu faire cette expérience depuis la séparation. Nous nous sentions libres. Ce concert est vraiment quelque chose d'incroyable et le public était très réceptif car il adore cet album et au-delà le groupe. C’était intense et nous avons eu l'idée d'en faire une capture pour un prochain DVD.
Avec The Neal Morse Band j'ai voulu créer le groupe ultime
Tu as eu plusieurs vies musicales : en solo puis en groupe avec Spock's Beard puis à nouveau en solo et maintenant avec le Neal Morse Band, pourquoi as-tu ressenti le besoin d’être à nouveau en groupe ?
C'est une idée que j'avais en tête depuis longtemps. J’ai commencé a composé "Testimony I", "Question Mark", "One" seul et à les jouer en live. Pour cela, j’avais un groupe aux États-Unis et ici en Europe. Chacun avait donc sa propre perception de la musique, différentes façons sur la manière d’aborder les choses. Et je me suis dit pourquoi ne pas avoir un seul groupe pour pouvoir au final bénéficier d'une quintessence. L'idée du Neal Morse Band était de constituer un groupe ultime. Je travaille depuis longtemps avec Mike et Randy avec lesquels je joue et je parle de mes compositions. L’idée était de d’écrire ensemble car ce sont des personnes extraordinaires, des mecs très bien. Depuis pas mal d'années nous avons commencé à composer et partager nos idées. Cela a abouti au premier album "The Grand Expériment" sous le nom de Neal Morse Band avec Bill Hubauer et Eric Gillette, et se réunir ainsi était très bénéfique surtout pour "The Similitude Of A Dream".
On ressent ce travail de groupe, cette alchimie entre vous c’est vraiment spécial ?
Avec le recul et sur les bases du premier album du groupe, oui vraiment merci. On y travaille, Dieu nous garde.
Ton dernier album est sorti l’an dernier a pour origine un livre de John Bunyan (NDLR : "Le Voyage du Pélerin"), peux-tu nous en expliquer le concept ?
Pour résumer l'histoire il s’agit d’un personnage, nommé Christian, qui va avoir une vision, une sorte de rêve qui va le pousser vers la spiritualité. Il va vivre une sorte de parcours, de périple qui va le conduire vers cette condition. Il va quitter un monde de chair et matériel, cette ville de la destruction ('City Of Destruction') vers une vie plus spirituelle et traverser différents endroits, différents stades de sentiments et d'émotions. Il y a deux parties, la deuxième traitant de sa femme, de son enfant et de son retour dans la cité avec une personnalité différente par rapport à son départ. C’est un album profond et très introspectif.
Au niveau musical il semble synthétiser le meilleur de Neal Morse, la chronique fait référence à "Testimony" ('Long Day' ou 'Breath Of Angels'), "Sola Scriptura" (' City Of Destruction', 'Back To The City'), ou "Snow" ('The Man In The Iron Cage') auxquelles se greffent des parties plus heavy à la Deep Purple ou Uriah Heep ('Slave To Your Mind'), avais-tu déjà une idée de l’orientation musicale avant de composer ou t'es-tu laisser guider par cette histoire ?
En fait cette idée est venue d'une personne qui m'a laissé un message sur Facebook pour me parler du livre que n'avais jamais lu. Je n'avais pas d'idées préconçues sur la direction musicale à donner à cet album. A l'origine, nous nous sommes réunis et j'ai pensé à ce livre que j'avais commencé à lire. Nous en avons discuté et puis au fur et à mesure je me suis rappelé de certains chapitres propices à faire évoluer le concept et la direction musicale. J'ai imaginé la mise en musique : telle partie serait plus rock, heavy comme sur 'City Of Destruction', une autre plus calme, tempérée comme dans 'Long Day'. Nous avons énormément échangé, Eric a partagé ses avis. C'était très enrichissant de travailler entre nous.
Nous avons trouvé un équilibre entre les parties les plus mouvementées et les parties les plus soft dont le livre est vecteur
Ton album est, notamment à l'image de "The Wall" de Pink Floyd, constitué de titres plus concis par rapport à tes albums précédents, parfois très heavy, quelle a été la contribution de chacun dans cette conception ?
C'est ce qui est intéressant avec le principe de groupe. On se connait très bien avec Mike qui est un visionnaire, il apporte des plans extraordinaires sur cet album et possède une vue d'ensemble. Eric, quant à lui, a contribue notamment aux parties les plus heavy avec des riffs très rock de par sa formation. Randy a participé aux arrangements. Bill synthétise tout ça avec particulièrement des harmonies vocales et des plans plus calmes qui participent au volume du concept. On a fait la balance de tout cela pour trouver un équilibre entre des parties mouvementées et plus softs dont le livre est vecteur.
Une chanson est quelque chose d'irrationnel, on y pense sans savoir si elle marchera ou pas mais ce qui importe c'est qu'elle a le pouvoir de toucher les gens.
Tu es énormément créatif avec notamment quasiment un album par an, les tournées, le MorseFest, quel est ton secret pour maintenir une telle activité et une telle qualité d'écriture ?
J'écris tout le temps, les idées me viennent à chaque instant, parfois même dans la nuit. Je me réveille et je couche les idées sur papier ou ordinateur. Pendant les tournées et les voyages en bus je reste créatif. C'est peut être Dieu ou les anges qui m'apportent l'inspiration, mais j'ignore comment ça marche. J'ai écrit une chanson aujourd'hui même sur un ami, soldat en Afghanistan, qui a mis fin à ses jours ce week-end. Je me suis souvenu que j'étais dans une chapelle, sur une base militaire et une femme s'est approché et m'a dit : "pouvez-vous prier pour ces jeunes soldats ?". C'était tellement fort comme émotion que je me suis mis à écrire sur lui comme pour m'adresser à lui au-delà. C'est quelque chose d'important pour un artiste. C'est une chanson triste qui peut-être figurera sur un prochain album. C'est quelque chose d'irrationnel une chanson, vous êtes assis, vous y pensez sans savoir si elle marchera, parfois oui parfois non mais ce qui importe c'est qu'elle a le pouvoir de toucher les gens.
Qui a créé l'artwork de l'album ?
Il s'agit de Paul Whitehead qui a travaillé avec Genesis, c'est Randy qui a eu cette idée de travailler avec lui pour l'album.
"The Similitude Of A Dream" est un album très dense, comment arrives-tu à retranscrire cette densité en concert ?
En fait dans cet album c'est la vie, le concept est un périple et le type ne s'arrête jamais. En
live c'est la même chose. C'est juste comme la vie, elle ne se pose jamais, c'est intense. Nous essayons tous de trouver notre voie dans nos relations, avec nos parents, notre famille. Parfois nous regardons en arrière et nous prenons un autre chemin. Dans cet album, il y a beaucoup de choses profondes. Parfois les gens se disent que travailler en ayant Dieu en tête est une chose mais c'est une combinaison de plein de choses.
Le monde d'aujourd'hui est très dur, penses tu que le rêve ou la spiritualité permettent d'échapper à ce stress ou cette dureté ?
En fait la vie spirituelle est une chose réelle notamment lorsque vous priez par exemple. Dieu nous dit que le monde est tourmenté, mais je finis par trouver la paix en moi par cette spiritualité. La manière de trouver ce calme dans la tempête, je l'ai vu, c'est parce que leur vie grandit dans la croyance de Dieu. Il y a de beaux écrits, les gens se retrouvent et il se crée une certaine solidarité. Dans la chair vous avez la peine, le chagrin, dans l'esprit vous avez la joie. C'est ce que nous voulons être, c'est mon sentiment.
Nous avons le sentiment que tu représentes ce calme, que tu es ainsi ?
Vous savez que je suis parfois en colère, mais je me retrouve dans le recueillement, et j'arrive à me calmer. La seule paix qui me vient est celle de Dieu, elle me vient de son esprit. Il n'est pas un problème, il n'a pas peur, il n'est pas inquiet.... Il y a une part de nous-même qui a peur, qui est inquiète mais vous pouvez trouver en vous des réponses. Voilà, après c'est ce que je ressens. En ces temps troubles où la jalousie, la colère, l'individualisme dans le genre : "tu es sur mon chemin, écarte-toi, c'est moi le meilleur" ou "les gens doivent penser comme je pense", tous ces sentiments malsains font que j'essaye de me retrouver en Dieu et penser que le monde peut changer avec humilité. J'apporte un peu ma pierre à cet édifice.
Je suis plus intéressé par les gens, pour leur apporter un peu de paix et de joie avec ma musique
Pour rejoindre ce que tu viens d'évoquer, penses-tu un jour faire un album avec des thèmes plus politiques ou sociaux ?
Je ne sais pas ce que vous considérez comme un thème social ou politique. Je parlais à l'instant de mon ami soldat qui a mis fin à ces jours, cela peut être considéré comme un thème social. Mais je n'ai pas cette prétention. Dans cet exemple, je ne sais pas ce qui a causé cet acte, à qui la faute ? Je ne sais pas si le monde a besoin de soldats, peut-être des soldats de la paix. Je ne suis pas le juge, seul Dieu l'est. Je suis plus intéressé par les gens, pour les aider à leur apporter un peu de paix, un peu de joie avec ma musique.
Neal Morse Band a joué hier à Luxembourg, dans le même immeuble que Ghost. Mike a twitté que c'était marrant qu'un groupe avec des thèmes chrétiens joue au même moment qu'un groupe à l'image presque satanique (même s'il s'agit d'une image plus que de conviction) ?
(rires) Oui nous étions dans le même immeuble, un grand immeuble. Le batteur est venu nous voir, il est fan. Mais je ne les connais pas bien.
Nous avons commencé l'interview par la question que l'on t'a trop posée, on va finir par la question que tu aurais aimé qu'on te pose ?
Peut-être: pourquoi croyez vous en Jesus ? C'est mon sujet favori mais il aurait fallu plus de temps pour répondre qu'une interview (rires).
Quelques mots pour nos lecteurs ?
Merci de nous écouter, Dieu vous garde, c'est toujours un plaisir de venir ici en France.