Pour l'occasion et quelques minutes avant de revoir nos amis douchés de Kissin' Dynamite, nous avons de nouveau rencontré Simone et Mark pour évoquer ce nouvel album ambitieux...
Votre
précédent album ''Quantum Enigma'' est assez frais. Vous étiez encore
en tournée en début d'année 2016, et vous êtes en ce moment présent dans
des festivals. Première question, comment faites-vous pour promouvoir
ce nouvel album, qui semble avoir été écrit et enregistré en très peu de
temps?
Mark : Pas en très peu de temps, nous sommes restés en studio pendant
cinq mois entre deux tournées. Certes, nous avions des horaires
complètement fous, mais je pense que nous avons relevé le défi (rires).
Alors, vous avez écrit ce nouvel album pendant la tournée?
Simone : Principalement oui. Nous avions un ordinateur portable, et
certains ont un home studio chez eux, ce qui fait que nous avons pu
écrire des chansons, lorsque nous avions du temps à perdre pendant la
tournée... Parfois on regarde un film, parfois on essaie d'être
productifs (rires) !
Mais justement, vous n'aviez pas certaines angoisses au sujet des attentes en enregistrant cet album en si peu de temps?
Mark : En fait, si on regarde bien, le dernier album sortira à la fin du
mois de septembre. Ce sera deux ans et demi après son prédécesseur.
Donc, au final, ce n'est pas si court que ça.
Comme votre site écrit que vous êtes très souvent en tournée, la question se posait...
Mark : Nous avions en fait beaucoup de temps pour l'enregistrer, nous
n'avons jamais eu l'impression que nous devions nous dépêcher. Nous
avons même passé plus de temps sur cet album que sur les précédents.
Nous nous sommes mieux attachés aux détails, nous avons enregistré plus
d'instruments. Nous n'étions pas tous les six à chaque fois en studio,
ceux dont la présence n'était pas obligatoire à certaines sessions,
pouvaient rentrer chez eux.
Après le DVD ''Retrospect'', nous avions eu
l'impression de boucler une boucle. Nous avons voulu chercher une
nouvelle approche...
Rétrospectivement, quel est le bilan de ''Quantum Enigma''? Les fans et
les médias semblent l'avoir adoré même si cet album a ouvert un nouveau
chapitre dans votre carrière. Un Epica plus heavy, mettant les guitares
en avant. En fait, après coup, êtes-vous satisfaits de cet album qui
mélange les différents aspects de votre musique?
Simone : Bonne question! Après le DVD ''Retrospect'', nous avions eu
l'impression de boucler une boucle. Nous avons voulu chercher une
nouvelle approche, nous avons décidé de nous encadrer d'une nouvelle
équipe de production pour atteindre de nouveaux résultats. Nous avons
pris plus de temps à écrire et enregistrer des chansons. Cela a
fonctionné, et nous en avons été très satisfaits. Nous allons poursuivre
avec cette formule qui va nous permettre de continuer d'évoluer.
On a l'impression que ce nouvel album était un test avant d'écrire ''The Holographic Principle'' qui a l'air ambitieux...
Mark : Je ne le vois pas vraiment comme un test. Mais je vois ce que tu veux dire.
Simone : Plutôt comme une première approche expérimentale (rires).
Mark : Nous avons trouvé la direction que nous voulions et le public a
suivi. C'est pour cette raison que ce processus se poursuit sur ce
dernier album.
Après ''The Quantum Of Enigma'', nous nous sommes
demandés comment nous pouvions nous améliorer.
On dirait que tout est plus grand dans cet album que dans le précédent : on dirait ''The Quantum Of Enigma'' mais en plus grand.
Mark : C'était le but! Après ''The Quantum Of Enigma'', nous nous sommes
demandés comment nous pouvions nous améliorer. Nous voulions garder
notre fraîcheur, sans copier une formule.
Mais je pense que c'est le genre de sentiment que tu as lorsque
tu commences le processus d'écriture d'un album. Je suppose que tu
penses que c'est difficile de faire encore mieux que le précédent.
Mark : Oui, mais il y a des groupes qui pensent qu' après avoir
enregistré un classique, ils ne pourraient plus faire mieux après. Mais
nous avons toujours le sentiment que nous pouvons faire quelque chose.
Et vous n'avez pas de raison d'être effrayés parce qu'à l'écoute de ce nouvel album, vous avez visé très haut!
Mark : (rires) Peut-être...
Maintenant, vous allez vous retrouver dans la même situation que les groupes dont tu as parlé plus haut!
Simone : Au contraire, cela nous motive. Comme''The Quantum Enigma'' a
très bien marché, cela pouvait peut-être intimidant pour la suite.
''Comment pouvons-nous faire aussi bien ? Comment pouvons-nous améliorer
même les petits détails?'' Nous avons enregistré plus d'instruments en
condition live, nous avons plus de matières orchestrales, nous avons
cinq garçons dans le groupe qui écrivent des chansons... Donc nous avons
un stock de chansons que nous pouvons choisir, et notre créativité ne
s'est pas émoussée.
Et peut-être que vous avez l'impression que vous avez atteint un cap et ainsi que vous avez évolué et changé vos bases...?
Simone : Tu évolues comme une personne, comme un musicien, comme un
groupe. Le groupe évolue avec nous. Il y aura toujours des moments où
nous nous poserons des questions sur notre futur, mais pour le moment,
comme notre popularité grandit, nous pensons avoir fait le bon choix.
Au fil de vos tournées de ''The Quantum Enigma'', votre fanbase a augmenté.
Mark : Nous avons eu des échos de certaines personnes qui n'écoutaient
pas notre musique il y a dix ans et qui apprécient le son actuel.
''Holographic Principles'' est une théorie physique qui dit que
notre univers est un hologramme dans lequel nous vivons. Comment ces
principes se rattachent-ils à cet album?
Mark : On va devoir faire la version simple ! (rires)
Simone : Combien de temps as-tu devant toi ? (rires)
Une demi-heure pour toute l'interview...
Mark : Cela à un rapport à la réalité virtuelle. Chacun se bricole sa
réalité virtuelle. Mais à la fin, tu ne pourras plus faire de différence
entre notre monde et le monde virtuel que tu t'es créé, comme si notre
monde était lui-même une autre réalité virtuelle.
Qui a eu l'idée de ce concept?
Mark : Cette idée m'est venue en regardant des documentaires qui exposaient certaines théories.
Quelles théories vous ont inspiré plus directement?
Mark : Je me suis intéressé au travail de Leonard Susskind, en
regardant des vidéos sur Youtube. Mais même s'il explique très bien,
c'est toujours très difficile d'accès et je ne suis pas un expert dans
ce domaine. Il faut au moins quatre ou cinq ans pour comprendre les
principes de cette théorie. Au début, on pense que c'est impossible que
notre monde soit un hologramme, mais plus tu regardes ou plus tu lis sur
ce sujet, tu commences à penser que c'est très possible, que c'est
vrai.
Qu'est-ce qui a été développé en premier, le concept ou la musique?
Mark : Nous avons d'abord écrit la musique, puis comme le concept a
évolué et nous avons gardé les chansons qui nous semblaient les plus
convenir au concept et avec lesquelles nous nous sentions à l'aise.
Epica a toujours aimé traiter de la nature et de l'esprit
humain avec une certaine spiritualité. Est-ce que cet enregistrement est
toujours placé sous le signe d'une atmosphère spirituelle et cosmique ?
Nous pouvons trouver ces idées tout au long de l'album comme la longue
introduction de 'Once Upon A Nightmare' qui apporte un aspect plus calme
qui permet d'adoucir la tempête heavy. En fait, on dirait qu'Epica
réussit à traduire en musique ces deux oppositions de la nature humaine
et de notre univers : la confrontation et le mélange entre la douceur et
le pouvoir. Etait-ce voulu?
Mark : Oui, c'est l'éternel équilibre entre le bien et le mal que nous
essayons d'explorer à travers la musique, les paroles, le travail des
voix comme par exemple, sur 'Universal Death Squad'. On peut trouver ces
deux oppositions tout au long de l'album.
L'introduction de l'album nous fait penser à un film, un film
qui commence avec 'Edge Of The Blade', avec de grands refrains et
orchestrations. La chanson est courte, comment réussissez-vous à
fusionner toutes vos idées dans une chanson courte, est-ce qu'avec votre
expérience, vous êtes maintenant capables d'atteindre ce résultat?
Simone : Nous avons cinq compositeurs dans le groupe, la majorité d'eux a
déjà un bagage musical, parce qu'ils ont étudié la musique. C'est un
gros avantage, car cela nous permet de tracer les esquisses des
chansons, de placer les mélodies là où nous le voulons. Pour ce morceau,
les cinq avec l'aide de notre producteur ont essayé de copier-coller en
petites parties ce que nous avions enregistré, nous avons fait des
coupes pour les fusionner en une.
Est-ce que parfois vous avez des problèmes pour que chacun ait son mot?
Mark : C'est la démocratie. Si quatre personnes pensent qu'une séquence
ne marchera pas, alors celui qui l'a écrite doit proposer quelque chose
de mieux.
C'est bien que les producteurs autour puissent vous donner un
avis, parce que souvent pendant l'élaboration d'un album, on peut
manquer de distance. C'est la raison peut-être pour laquelle vous avez
voulu faire évoluer la formule magique de 'Quantum Enigma'.
Simone : Nous avons décidé de retravailler certaines chansons pour voir
ce que nous pourrions en faire. Parfois, nous avons pris du temps pour
travailler sur des chansons qui n'ont pas été enregistrées. A l'inverse,
d'autres ont trouvé une formule très rapidement et ont évolué dans
notre sens. En plus, nous pouvons faire appel à notre producteur qui est
une personne calme et objective.
Mark : A chaque fois qu'une partie de chanson est un peu
insatisfaisante, notre producteur était capable de la trouver et de nous
aider à corriger le tir.
La dimension symphonique frappe les auditeurs d'abord avec
'Edge Of The Blade', mais plus particulièrement avec 'A Phantamic
Parade', qui illustre magnifiquement cette dimension. Cela me rappelle
Therion quand arrivent les chœurs. En fait, on dirait que vous avez
atteint un nouveau niveau en terme de musique symphonique. Etait-ce une
volonté de donner un coup aux auditeurs en débutant ainsi cet album?
Mark : Oui, c'est un début fracassant. En plus, nous gardons cette
orientation assez longtemps ensuite jusqu'à 'Once Upon A Nightmare'.
C'était délibéré de faire ça, les guitares sont plus puissantes que par
le passé.
Le
travail sur la mélodie est plus poussé qu'il y a dix ans, ce qui
explique notre succès auprès des fans.
'Divine and Conquer' sonne comme un nouveau classique d'Epica,
mêlant agressivité et symphonie. Est-ce que vous aviez l'impression
d'avoir enregistré un classique?
Simone : J'aime beaucoup cette chanson. Malgré les styles différents de
nos cinq compositeurs, on dirait une vieille chanson d'Epica à laquelle
on aurait ajouté plus de structures, de complexité, de guitares... Le
travail sur la mélodie est plus poussé qu'il y a dix ans, ce qui
explique notre succès auprès des fans.
'Beyond the matrix', 'Ascension' font aussi partie des
réussites. En fait, les albums d'Epica sont longs. Comment
réussissez-vous à ne pas tomber dans le piège du remplissage et
triompher en écrivant à chaque fois un album aussi homogène?
Mark : Nous avons travaillé sur dix-huit chansons pour trouver un son
commun d'album. Nous essayons de trouver pour chacune la même qualité.
Cela peut-être assez douloureux, mais cela nous permet de ne pas tomber
dans la paresse en nous figurant qu'après avoir fait trois ou quatre
bonnes chansons, nous pouvons nous reposer sur nos lauriers. Nous avons
cinq compositeurs, donc en général, celles qui sont enregistrées font
partie des meilleures de chacun, même si chacun n'a pas toujours le même
nombre de compositions sur un album.
Sur certaines chansons, est-ce que le growl, qui permet de garder l'aspect death metal, est essentiel à vos yeux?
Simone : C'est notre identité, pas seulement dans la façon de chanter,
mais dans les paroles, dans la musique. Cela permet de garder
l'équilibre entre la Belle et la Bête. Aussi, je ne suis pas confinée à
jouer le rôle de l'ange, je peux aussi orienter ma voix vers des
dimensions plus lourdes.
Aussi, les growls font partie de votre musique, et ne
s'apparentent pas à un artificiel phénomène de mode. Les growls aident
les chansons et leurs donnent beaucoup de puissance comme 'Divine And
Conquer', 'Tear Down Your Walls', qui fonctionnent grâce à l'alchimie
entre les growls, la voix de Simone et les chœurs. Vous avez toujours
accordé un soin particulier pour les voix mais sur cet album, vous avez
atteint une nouvelle étape dans votre travail pour trouver un équilibre.
Est-ce que cet équilibre est difficile à trouver?
Mark : Oui, ce n'est pas artificiel. Quand ça ne marche pas, nous ne forçons pas.
Simone : L'équilibre vient naturellement. Mark ou les autres savent
clairement où ils veulent aller avec les growls, et comment ils peuvent
soit les adapter à mon chant soit réécrire le mien pour garder une
harmonie. Nous faisons aussi attention au sens des paroles. Parfois,
quand je chante assez longtemps, nous passons au chant de Mark, pour
garder l'intérêt intact.
Qui growle sur cet album? On a l'impression qu'il y a différentes tonalités selon les parties?
Mark : Je growle principalement sur l'album, mais notre batteur, Ariën
Van Weesenbeek growle également sur certaines chansons. Mais le mixage
permet que le growl soit clair, d'autant que sa voix est très profonde.
Epica est vraiment démocratique, car chaque membre a son identité propre...
Mark : D'autant qu'au départ, Ariën n'aimait pas l'idée de growler. Mais
je l'ai convaincu qu'il avait une très belle voix et qu'il fallait
essayer de l'enregistrer. Maintenant, cela fait partie de notre
identité.
La chanson 'Universal Death' est également une réussite, cette
chanson nous rappelle le death metal de l'ancien groupe d'Isaac
Delahaye, God Dethroned additionné à la voix angélique de Simone pour
créer la touche Epica. Êtes-vous d'accord?
Simone : Oui, c'est un groupe cool. La référence est bonne.
Mark : Chaque membre apporte sa touche au tableau Epica et permet au
groupe d'évoluer. C'est un travail d'équipe. Et c'est merveilleux de
penser que plusieurs personnes différentes peuvent faire ensemble un
travail aussi magnifique.
Du début à la fin, cet album est un résumé de tous
les albums d'Epica.
Enfin, vous terminez cet album avec une chanson fleuve.
Devez-vous écrire un long morceau de dix minutes pour fermer cet album
de la meilleure des façons ? Etait-ce également une façon de prolonger
l'aspect symphonique de votre musique?
Mark : Personnellement, j'aime écrire des chansons longues. Placée à un
autre moment de l'album, ça n'aurait pas marché. C'était la conclusion
parfaite. Nous avons voulu faire quelque chose de spécial en traitant de
ce que nous n'avions pas évoqué précédemment, par exemple en commençant
calmement. Nous essayons sans cesse de nous lancer des défis.
Simone : Je pense que du début à la fin, cet album est un résumé de tous
les albums d'Epica. On part très fort au début, puis on se calme et
enfin, avec ces chœurs finaux, le voyage d'une heure trouve une parfaite
conclusion, qui nous invite à réécouter l'album.
Qu'espérez-vous de cet album?
Simone : La domination du monde (rires) ! Nous voudrions créer avec cet
album un hologramme de musique qui rende les auditeurs du monde
heureux.
Mark : Nous avons reçu des messages des fans qui nous disent combien
notre musique est importante à leurs yeux. Ils nous prient de continuer
et de ne pas nous arrêter. J'espère que cet album satisfera les fans.
Nous en sommes sûrs. Merci beaucoup.
Simone : De rien! (rires) Hop-là!
Merci à Noise pour sa contribution et Adrianstork pour cette retranscription...