A l'occasion de cette promo, c'est le fantasque batteur - Clément Rouxel - et le frontman - Raf Pener - qui étaient désignés pour défendre le troisième album studio de T.A.N.K.
Initialement prévue avec Clément, Raf a malgré tout tenu à participer à l'entame de cette interview pour évoquer la très riche actualité du groupe et faire la lumière sur certaines zones d'ombre...
Nous avions interviewé Raf en 2012 dans le cadre de la sortie de "Spams of Upheaval" et à la question traditionnelle, quelle est la question qu’on lui avait trop souvent posée, il nous a répondu de présenter le groupe. Est-ce toujours le cas ?
Raf Pener : Oui, encore un peu ! Maintenant que tu nous le dis, c’est effectivement une question qui ressort encore souvent mais j’ai quand même l’impression que c’est moins le cas pour cette journée promo. Mais bon en même temps, nous sommes en début de journée, j’ai envie de dire qu’on fera le bilan en fin de journée (Sourire).
Clément Rouxel : Nous ne sommes pas des méga-stars comme Metallica à qui effectivement, je vois mal entamer une interview par la question : "Pourriez-vous présenter le groupe ?" (Rires). Nous ne sommes pas Metallica et on se présentera encore plein de fois et on le fera avec plaisir (Sourire).
Avec "The Burden of Will" sorti en 2010, vous aviez été présentés "révélation metal de l’année", j’avais évoqué la pression liée à cette étiquette. Il m’avait répondu que la pression était surtout de faire mieux avec "Spams of Upheaval" et franchement, ce dernier album a tout explosé. J’imagine que la pression a été encore plus forte à l’aube de sortir ce "Symbiosis" pour faire ne serait-ce qu'aussi bien que son prédécesseur ?
Clément : Et bien finalement, nous n’avons pas raisonné en termes de pression ou de challenge technique comme on a pu l’entendre par ailleurs. Nous avons fait ce que nous aimons faire. La différence est que le line-up a un peu changé : pour « Symbiosis », Nils (ndStruck : Nils Courbaron) a énormément composé et du coup, c’était super pratique d’avoir cette locomotive d’inspiration. D’habitude, on commence à composer bien à l’avance or dans le cas de ce nouvel album, ça s’est fait de façon plus précipitée et tardive mais toujours dans le même esprit de démocratie. Nils est arrivé avec plein de riffs, on les a modifiés, ré-agencés ensemble… non c’était vraiment intéressant !
Raf : La pression est forcément toujours plus ou moins présente. Mais nous composons, nous faisons tout pour ne pas y penser et nous mettre une pression inutile en nous demandant par exemple ce que souhaite entendre notre public ou ce qui lui plaît. Non, nous avons composé ce que nous aimons et effectivement, nous avons accueilli Nils qui a beaucoup composé et donc apporté quelques nouveautés.
Clément : Effectivement, aujourd’hui, nous sommes en interview promotionnelle mais quand tu es en studio, dans la salle de répét, tu ne penses pas à tout cela…
A la différence des albums précédents, l’accouchement de ce nouveau bébé s'est fait dans beaucoup de douleur
Et justement à ce jour alors que l’album est sorti, vous êtes en promo, ressentez-vous cette pression ?
Raf : Lors de la release party, lorsque nous allions faire écouter pour la première fois nos nouvelles compositions, j’étais comme un gosse. Bref, nous avions super hâte que cet album sorte. Et donc oui, il y a toujours une petite pression parce qu’il y a des gens qui nous suivent depuis quelques années et on espère qu’ils vont aimer ce nouvel album.
Clément : Je pense que ça dépend des gens et des tempéraments de chacun. En ce qui me concerne, je ne raisonne pas en termes de pression. Quand je fais de la musique, je pars du principe que je fais du mieux possible : si ça plaît - ce que je souhaite - tant mieux, dans le cas contraire, tant pis. Tu ne peux pas faire l’unanimité ce qui nous a valu d’ailleurs de manger des critiques assez injustes de personnes qui ne cherchent qu’à nous blesser mais quand tu t’exposes, il est évident que tu peut être confronté à ce genre de choses. Je n’ai jamais réellement porté attention à ceux qui veulent uniquement détruire : ce n’est pas constructif, or moi, je veux avancer en construisant.
Raf : Et pour revenir à "Symbiosis", il faut savoir que cet album a été difficile à accomplir : la composition n’a pas été une période facile tous les jours et nous avions besoin d’accoucher de cet album et aujourd’hui, nous sommes très contents de pouvoir en parler et de l’écouter car nous prenons plaisir à l’écouter.
Clément : T.A.N.K. est notre bébé et à la différence des albums précédents, l’accouchement de ce nouveau bébé s'est fait dans beaucoup de douleur. Nous avons vécu des moments tellement difficiles que nous avons eu peur de ne pas pouvoir l’aimer et l’écouter. Mais quand on a eu le résultat définitif, ça a été un soulagement et aujourd’hui, on est encore plus content de l’avoir sorti dans ces conditions : c’est un aboutissement !
On a évoqué le fait que T.A.N.K pouvait vraisemblablement devenir le porte-drapeau du mélodeath made in France. Pari réussi 3 ans après ? En toute franchise, une tournée en soutien de Soilwork en est la meilleure preuve.
Raf : C’est très gentil de dire ça : merci (Sourire) ! Tourner avec Soilwork est un vrai rêve de gosse : ça fait très longtemps que je suis fan du groupe et je ne suis pas le seul dans le groupe ! Nous sommes donc très contents de pouvoir tourner avec eux parce qu’on aime leur musique mais aussi parce qu’il y a une cohérence de partager cette affiche avec eux. Nous avons eu des propositions de tournées par le passé mais des propositions aussi intéressantes que celle-ci, non, c’est vraiment la première fois qu’on a une aussi belle opportunité. On a hâte d’en découdre et de jouer dans tous ces pays pour la première fois.
D’ailleurs, c’est une remarquable ouverture vers ces pays qui ne connaissent pas encore T.A.N.K. ?
Clément : Tourner avec Soilwork était le but du groupe depuis ces débuts : c’est un aboutissement ! Et le but de cet album est de nous exporter - du moins en Europe - car nous savons qu’à côté de nous, il y a des pays beaucoup plus tournés vers le metal et nous voulons nous faire connaître là-bas.
Cette tournée va exactement dans les pays où notre album est distribué physiquement. Bref, en plus d’être un aboutissement, en termes promotionnels, cette tournée est logique…
Tu sous-entends que cette promo au Hard Rock Café est la dernière en France ?
Clément : Mais non, nous restons français et nous sommes fiers de l’être. C’est juste, et tu le sais très bien, que nous ne sommes pas la nation du metal.
Vous aviez explosé les compteurs Youtube avec le titre "Inhaled", Raf m’a certifié que ce n’était pas les membres du groupe qui avait cliqué plusieurs fois sur le lien mais vraisemblablement la présence de Jon Howard de Threat Signal qui a pas mal aidé. Compteurs explosés avec "Blood Relation" avec la présence de Bjorn Strid ?
Clément : Le clip n’est pas encore sorti mais pour être franc, je n’ai pas regardé les compteurs du teaser sur lequel il figure (Rires) !
On commence à se faire vieux et ce n’est pas un réflexe pour les gens de ma génération de regarder mon nombre d’amis Facebook, de followers Twitter, de vues Youtube (Sourire)…
Raf : Et comme tu l’as dit, ce n’est qu’un teaser : je pense qu’il y aura moins de vues que sur les prochains clips.
Clément : De la même façon que pour la pression que nous évoquions tout à l’heure à la sortie d’un album, tu ne peux pas contrôler les avis des gens, tu ne peux pas contrôler les vues… Malgré tout, je peux te dire qu’en tant que groupe indépendant, nous faisons le maximum pour promouvoir au mieux le groupe.
Raf : Et puis parfois, cela n’a pas forcément de sens : par exemple, le troisième clip issu de "Spams of Upheaval" -
'The Raven’s Cry' - Youtube a tout simplement effacé notre clip de la chaîne au bout d’une semaine pour des raisons de droit d’auteur. Quand on les a contactés pour dire que c’était bel et bien notre chanson, ils se sont à peine excusés et on a juste eu le droit de reposter notre clip mais toutes les vues qu’on avait engrangées sur une semaine, on les a perdues et on ne les reverra plus.
Clément : Et c’était particulièrement frustrant parce qu’on se faisait 10.000 vues par jour et pour le coup, on était très content et très attentif au nombre de vues parce que ça montait très vite. Bref, Youtube est un très bel outil mais il faut savoir qu’ils font ce qu’ils veulent de tes vidéos : ça leur appartient ! Ce n’est donc pas super fiable. Ca l’est d’autant moins quand on sait qu’on peut acheter des vues expliquant que des groupes venus de nulle part peuvent cumuler 1.000.000 de vues en une semaine. Et d’ailleurs, c’est ce qui a tué Myspace ! Bref, tout ça pour dire que les vues ne sont pas une science exacte !
T.A.N.K s’est vu rapidement coller l’étiquette du groupe mélodeath made in France, un groupe aux influences Soilwork. Bjorn Strid est invité sur 'Blood Relation'. Ajoutée à cela la tournée avec le groupe, ne craignez-vous pas avec tous ces éléments de passer pour des imitateurs/suiveur de Soilwork ?
Raf : Avant toute chose, que signifie faire la même musique que Soilwork sachant qu’entre les premiers albums de Soilwork, ceux actuels et la période du milieu, le groupe a tellement évolué qu’on a affaire à trois groupes différents !
Ensuite, Soilwork est clairement une influence, un groupe qu’on aime mais je pense qu’il y a des morceaux dans tous nos albums qu’on pourrait difficilement trouver chez Soilwork : je pense notamment à des titres comme 'Legacy' ou 'Baneful Storm' qui ne sont pas du tout typés Soilwork voire même pas du tout typés death mélo.
Comment pensez-vous vous démarquer de Soilwork auprès du public ? Ce dernier disque est assez varié avec des cavalcades presque thrash, des tempi lourds très death et des passages heavy metal très mélodiques. Comme une synthèse de tous les genres musicaux. Est-ce que c’était votre volonté ?
Clément : En fait, tout est dit dans le titre de l’album "Symbiosis" : cet album est la symbiose de cinq musiciens et de leurs influences. C’est également la symbiose du premier et du deuxième album. Mais comme je te le disais précédemment, quand tu es dans un processus de composition, tu ne penses pas tout de suite à tout cela. Nous avons juste fait ce que nous voulions faire avec les nouvelles personnes qui intégraient le groupe. Et d’ailleurs, c’est amusant car nous sommes en pleine promo de "Symbiosis" mais nous sommes déjà en phase de recomposition avec notre nouveau guitariste Charly (NdStruck : Charly Jouglet) qui vient d’arriver dans le groupe et c’est génial car comme Nils lors de la composition de "Symbiosis", Charly amène de nouvelles idées, il compose déjà énormément de choses.
Je ne vais pas te la jouer "C’est notre troisième album, celui de la maturité" mais avec les nouveaux membres, nous avons continué de fonctionner en démocratie mais nous avons surtout trouvé une espèce de recette pour faire des morceaux qui nous plaisent à tous. Mais ce n’est pas dit que pour le prochain album, nous changions les ingrédients de cette recette (Sourire).
De toute façon, l’arrivée de Charly va faire en sorte que la recette change naturellement…
Raf : Exactement ! Nous n’avions pas donné d’indications précises à Nils - il connaissait le groupe et s’est très bien imprégné de ce que nous étions - il aime des choses old-school, mais assez jazz et modernes et on peut entendre ces influences dans nos morceaux actuels.
Clément : Et comme tu le disais tout à l’heure, à l’écoute de cet album, il y a des tempos lents, des passages rapides et heavy… Bref, quand tu nous parles de death mélodique: ça ne me parle pas énormément ! Attention, on aime le metal et on écoute tous du metal différent et si on veut se mettre d’accord entre nous ; il faut que nous varions les passages, ne serait-ce que pour que nous puissions avoir du plaisir à les jouer.
Nous sommes dans une dynamique logique depuis le début : on ne se repose pas sur nos acquis. La passion est notre moteur !
On sent une vraie sincérité dans votre musique. Une telle sincérité mériterait un succès au-delà de la sphère metal restreinte. Quel est votre avis sur le succès ?
Raf : Espérons mais nous verrons bien ! On ne veut pas trop attendre de cette tournée mais on imagine que l’exposition et les retombées médiatiques seront un peu plus larges à commencer par l’international. Mais nous n’allons pas miser toute la vie du groupe sur cette tournée. On va prendre ce qui vient et on va essayer de faire avec, c’est à dire qu’on va éventuellement commencer à se préparer à cela.
Clément : Mais nous ne sommes pas des rock stars pour autant. Nous sommes un groupe de metal français qui fait ses preuves. Nous ne pouvons pas prédire l’avenir mais nous allons faire tout ce que nous pouvons pour avancer le plus possible.
Raf : Et faire en sorte que cette tournée ne soit pas un coup d’épée dans l’eau : on va essayer d’avancer en utilisant cette tournée.
Clément : On évoque la tournée actuellement mais quand on sera dans cette tournée, on sera déjà sur autre chose ! On fait la promo de ce troisième album alors qu’on est déjà en train de composer le quatrième. Nous sommes dans une dynamique logique depuis le début : on ne se repose pas sur nos acquis. La passion est notre moteur et quand tu dis que nous sommes sincères, c’est juste que nous sommes passionnés !
Votre album ne ressemble toutefois pas aux productions américaines ou norvégiennes, il y a un je ne sais quoi de différent. Comment qualifieriez-vous le style death metal à la française. Est-ce qu’il y a une école ou un son death en France, comme Göteborg ou Tampa ?
Clément : Je ne sais pas trop mais on va dire qu’il y a une école angevine (Rires) ! Comme pour "Spams of Upheaval", nous avons refait cet album chez les frangins Potvin au Dome Studio parce que David Potvin fait sonner notre musique comme on aime. De la même façon que pour le reste, nous ne nous sommes pas posés ce genre de question : on aime ou on n’aime pas, voilà tout !
Et puis David est plus qu’un ingé son pour nous : il nous conseille, il participe aux chœurs, il chante sur certains morceaux… C’est très important car cette sincérité et cette spontanéité sont très difficiles à retranscrire quand tu fais du metal qui est une musique tout sauf spontanée.
Raf : Nous n’avons jamais voulu faire masteriser l’album ailleurs par un nom connu et jusqu’à maintenant, ça se passe plutôt bien. Et tant mieux si tu trouves que notre musique est sincère, ça fait plaisir !
Mon son de batterie est particulier, ce qui m’a valu des critiques d’ailleurs [...] J'ai une batterie particulière
avec un son particulier et je l’aime toujours et pourtant, j’ai tapé
dessus des millions de fois et je ne m’en lasse pas.
On avait évoqué ta patte particulièrement présente sur le précédent album notamment sur l’intro de 'Life Epitath'. C’est toujours le cas sur cet album, car elle sonne non pas sèche comme sur le death habituel, mais presque progressive. Comment s’est déroulé ce travail. Est-ce que c’était votre intention de donner plus d’importance à cet instrument, pour en faire un instrument presque “soliste” ?
Clément : Je n’irais pas jusqu’à dire « soliste » mais ça rejoint ce que je disais tout à l’heure à savoir que nous travaillons tous notre instrument et nous essayons tous d’être des musiciens accomplis. Depuis le début, on n’arrête pas de se dire qu’on doit tous se faire plaisir. Même si je ne suis pas fan des grands solos de guitare - il y en a des mythiques comme celui de "Thriller" dans un autre style - je veux que les guitaristes présents partagent et mélangent leur solo. Tout le monde doit se faire plaisir, d’ailleurs, si Olivier (NdStruck : Olivier D'aries) veut faire un solo de basse et que la musique s’y prête, on le fera. Pour la batterie, c’est exactement la même chose. En l’occurrence, sur le premier morceau du nouvel album, il y a un passage où la batterie est mise en avant sur la fin du morceau "Symbiosis" : il me semble que c’était Raf ou Olivier qui ont dit qu’ils verraient bien un solo de batterie. On cherche à ce que chacun d’entre nous s’épanouisse.
En ce qui concerne le son, j’ai une idée de ce que je veux comme son sachant que je trouve que dans le metal, tous les batteurs sonnent de la même façon : ils utilisent tous les mêmes triggers et personnellement, je suis anti-trigger alors que c’est devenu quasi-obligatoire dans le metal. De mon côté, j’appréhende la batterie comme un instrument acoustique et mon son de batterie est particulier - ce qui m’a valu des critiques d’ailleurs - sachant qu’en plus, j’ai une batterie différente des autres - ce n’est ni une Tamat, ni une Sonor… - c’est une batterie particulière avec un son particulier et je l’aime toujours et pourtant, j’ai tapé dessus des millions de fois et je ne m’en lasse pas. J’ai fait ce choix particulier parce que je ne fais pas que du metal et c’est une batterie polyvalente : par exemple, j’ai des toms qui sonnent un peu latin.
J’ai enregistré 4 albums avec David Potvin que ce soit One Way Mirror ou T.A.N.K. et je sais qu’il aime énormément cette batterie et qu’il a beaucoup de plaisir à la faire sonner.

Penses-tu avoir réussi à imposer une griffe, un groove reconnaissable entre 1.000 dans le milieu du metal ? une Clément Rouxel’s touch ?
Clément : (Sourire) Ecoute, je n’ai pas la prétention de vouloir révolutionner le monde de la batterie. Je fais les choses qui me semblent bien et qui me semblent logiques sur le moment.
Malgré tout, je ne suis pas le seul à te dire ça. Ça doit te faire super plaisir et valider ton choix ?
Clément : Ca me fait super plaisir en revanche, comme je te le disais, ça m’a valu des critiques : j’ai eu un article qui écrivait que mes toms sonnaient comme des "coqs en plastique".
Ça me va très bien qu’on me dise que ce que je fais n’est pas logique
mais ça n’a pas vocation de révolutionner la batterie. Mais si on fait de
la musique, ce n’est pas pour faire comme les autres.
Oui mais ça va dans le sens de ce que tu disais précédemment à savoir que tous les batteurs sonnent de la même façon sans qu’on puisse les différencier alors que toi, tu ne laisses pas indifférent…
Clément : Mais c’est problématique parce que même si je te disais qu’on ne se souciait pas des avis des uns et des autres qu’on ne peut pas prévoir, le milieu du metal est quand même très fermé et le fait d’avoir une batterie qui ne sonne pas comme les autres, sur laquelle il n’y a pas de trigger…je passe pour un mec à l’arrache ou un peu bizarre. Alors que non, je ne suis pas à l’arrache, c’est voulu ! Du coup, c’est parfois compliqué à gérer parce qu’il faut que je me justifie énormément comme si ce que je faisais n’était pas logique. Ca me va très bien qu’on me dise que ce que je fais n’est pas logique mais ça n’a pas vocation de révolutionner la batterie. Mais si on fait de la musique, ce n’est pas pour faire comme les autres.
Quand tu fais quelque chose d’artistique, le but est d’essayer de mettre sa propre patte. Bien sûr, on a nos influences et je ne pense pas qu’avec T.A.N.K., nous allons révolutionner le monde de la musique…
Mais qui peut se targuer de le faire ?
Clément : Il y en a et pas si lointain comme Meshuggah qui a révolutionné la face du metal…
A ce titre, Raf nous avait avoué que "Ce qui nous intéresse, c’est de reprendre ce que des groupes comme Meshuggah font d’intéressant et le mettre à notre sauce en le faisant groover" : penses-tu être la pierre angulaire de la recette TANK ?
Clément : Je ne sais pas mais c’est vrai qu’une part du groove repose sur la batterie en général. Mais c’est vrai que c’est important pour moi qui ne fais pas que du metal, j’ai besoin de ce groove qui fait taper du pied, danser… Bref, je ne sais pas si je suis la pierre angulaire de ce groove, ce qui est certain, c’est que je serai toujours là pour le pousser. Quand on nous propose des riffs très froids, je vais tout faire pour le faire bouger et c’est très difficile dans le metal.
D’ailleurs, on va jouer avec Soilwork et pour moi, Dirk Verbeuren est un génie : déjà, il a son son reconnaissable dès les premières notes et même si je n’aime pas beaucoup les blast beats - qui sont très à la mode voire obligatoire dans le metal - j’en fais de plus en plus avec plaisir parce que je me suis rendu compte en écoutant des mecs comme Dirk qu'il arrive à faire danser son blast alors qu'un blast est l’anti-groove par excellence. Et pour le coup, je suis super content parce que pendant la tournée avec Soilwork,, je vais prendre des claques tous les soirs sur le côté de la batterie. Tout ça pour dire que quand je vois des mecs comme Dirk Verbeuren, je ne peux pas dire que j’ai une Clément Rouxel’s touch !
Malgré tout, si tu veux te forger une personnalité, si tu ne veux pas stagner, il faut savoir se renouveler et le renouvellement vient de l’extérieur. Je ne fais pas que du metal au contraire. J’ai mes périodes et actuellement, je ne fais que du jazz. A d’autres moments, je ne vais jouer que des trucs funky. Et puis parfois, je vais prendre des albums des Foo Fighters et je vais juste cogner le plus en place possible pour que ça sonne rock. Il faut savoir changer en permanence : parfois tu t’éclates à jouer bourrin, et à d’autres moments, avec d’autres styles…
A propos d’éclate, le fait que ta cover de "Game of Thrones" sur Youtube ait dépassé les 10.000 vues est une preuve de cela ?
Clément : J’ai des gens qui me suivent, j’ai fait des vidéos originales avec un morceau metal qui a fait 5.000 vues, le morceau funk a pas mal marché avec 5.000 vues aussi, le morceau rap a fait 2.000 vues… Il était logique qu’une reprise de "Game of Thrones" allait faire plus de vues. Mais pour le coup, j’ai vraiment fait ça à l’arrache (Sourire). C’est de l’improvisation totale : j’ai dû la jouer 4 ou 5 fois et je me suis enregistré après.
Je savais volontairement qu’en reprenant le thème de "Game of Thrones", la vidéo serait mise en avant. Maintenant ce que je souhaite, c’est que ceux qui aiment cette reprise et mon jeu de batterie, aillent voir mes autres vidéos que j’ai également pu faire avec les frères Potvin.
Mais de façon générale, ces vidéos sont un projet que j’avais besoin de faire pour me prouver que je pouvais faire quelque chose tout seul !
L’unité s’est faite et les liens se sont resserrés depuis que Symheris n’est plus dans le groupe
Alors que beaucoup, et notamment suite à la promo, considéraient que Symheris était la tête pensante du groupe, on se rend compte que finalement TANK, c’est Raf évidemment, le frontman, mais également toi, si bien que malgré ce départ on sent une vraie symbiose (comme l’annonce le titre de l’album), une vraie unité musicale. Comment avez-vous réussi à resserrer les rangs ? Ressentez-vous cette nouvelle unité musicale ?
Clément : Ecoute, c’est très simple : T.A.N.K. est une vraie démocratie dans laquelle il n’y a pas de tête pensante. Nous sommes un groupe indépendant et nous faisons tout nous-mêmes et nous déléguons : Olivier est celui qui manage la plupart des trucs et si il devait y avoir une tête pensante en ce qui concerne l’organisation, ce serait lui. Pour ce qui est de la composition : c’est l’affaire de tout le groupe.
Pour être honnête avec toi, l’unité s’est faite et les liens se sont resserrés depuis que Symheris n’est plus dans le groupe. Un groupe est un couple mais à cinq : on grandit ensemble, on a des objectifs en commun et à un moment donné, certains n’ont plus les mêmes objectifs pour diverses raisons personnelles ou professionnelles.
Et quand un maillon devient faible dans le groupe, cela pose problème parce que cela crée des tensions, il y a des non-dits… et cela ralentit tout le fonctionnement collectif ! Et le fait de changer un élément faible pour une locomotive a été génial : malheureusement, Nils est arrivé dans le groupe alors que c’était déjà un peu tendu mais depuis, nous sommes passés à autre chose et l’arrivée de Charlie a confirmé ce sentiment de vent frais.
Et même si cet album s’est fait dans la douleur, nous sommes très contents du résultat et c’est totalement normal que Symheris soit crédité sur cet album parce qu’il y a participé même si ce n’a pas été tous les jours faciles.
N’avez-vous pas envisagé de ré-enregistrer l’album avec le nouveau line-up ?
Clément : Nous n’aurions pas pu nous permettre de perdre ce temps. Quand tu as lancé la machine de location de studio… tu ne peux pas tout refaire !
Les choses se sont faites comme elles se sont faites et aujourd’hui, nous n’en retirons que du bénéfique ! A se demander finalement, si ce ne nous a pas fait du bien de sortir un album dans le mal !
Quels sont les thèmes abordés sur votre dernier album ? J’ai l’impression que les thèmes sociaux sont assez prédominants ? On sent un esprit assez punk dans votre musique, est-ce votre nature ?
Clément : Nous ne sommes qu’une représentation de la société en général mais pour le coup, T.A.N.K. n’est pas du tout militant et dans ce sens, nous n’avons pas du tout ce côté punk.
Les thèmes que nous abordons avec T.A.N.K. sont des thèmes universels et comme le nom du groupe l’indique : essayer de penser d’une façon différente.
Finalement et c’est la question pourrie : est-ce que avec votre musique vous pensez arriver à faire penser les gens d’une autre manière ?
Clément : Ce n’est pas à nous de le dire ! Nous voulons juste faire réfléchir les gens qui s’intéressent aux paroles et aux messages afin que chacun puisse s’approprier sa propre vision de ce que nous abordons.
Quelles sont tes attentes pour cet album ?
Clément : C’est compliqué parce qu’on ne peut pas prédire l’avenir. Mais nous souhaitons avant tout l’exportation car nous voulons jouer dans des endroits dans lesquels nous n’avons pas encore jouer. L’Allemagne nous attire énormément parce que c’est le pays du metal dans lequel nous n’avons joué que deux ou trois fois et nous voulons y jouer beaucoup plus. Même chose pour les pays scandinaves parce que c’est dans nos influences… Mais il y a des pays auxquels on ne pense pas comme le Portugal qui est un pays très rock et j’adorerais y jouer…
Le but est de s’exporter et de jouer au maximum mais nous avons quelques villes en France dans lesquelles nous n’avons pas encore joué…
Si il y a une chose sur laquelle tout le monde est d’accord, c’est que T.A.N.K. n’est pas un groupe sorti de nulle part sur un buzz énorme. Nous gravissons petit à petit les échelons et là, l’objectif est de monter une grosse marche.

Tu n’avais pas eu droit à la question traditionnelle de Music Waves à savoir quelle est la question à laquelle tu souhaiterais répondre ?
Clément : Ce n’est pas vraiment une question que j’aimerais que tu me poses mais plutôt une réflexion : on a parlé de quantification de notre vie finalement par rapport à des choses totalement fictives comme le nombre de vues sur Youtube, les pseudo-amis qu’on ne connaît pas sur Facebook…
De nos jours, chaque groupe se doit d’utiliser Youtube, Facebook… qui sont des outils de promotion que nous n’avions pas avant. Le côté positif des réseaux sociaux est de pouvoir contrôler sa propre promotion finalement.
Mais tout le monde devrait prendre énormément de recul là-dessus. Quand nous avons démarché des labels, la première chose qu’on nous a demandée était nos chiffres. Mais tous ces chiffres, ces statistiques… sont éphémères, ça ne compte pas !
Je m’investis beaucoup pour monter un réseau dans la Seine et Marne qui est un département dans lequel j’ai grandi et qui me tient à cœur. En discutant avec les régisseurs des groupes, on se rend compte que T.A.N.K. est l’un des seuls groupes qui dure dans le coin. Et ce constat est triste !
Mon message s’adresse donc aux petits groupes qui débutent et qui en veulent - et j’en ai vus de très bons encore la semaine dernière - : il ne faut pas se démoraliser, il ne faut pas voir les choses à court terme. Tout est devenu quantifiable, tout est un produit à court terme et donc tout doit avoir un résultat rapide, ce qui fait que tous les petits groupes qui démarrent ne durent que 6 mois et disparaissent aussitôt.
C’est ce qui vous différencie des autres justement, votre talent et votre persévérance…
Clément : C’est gentil mais j’ai connu des groupes de qualité qui se sont démoralisés…
[Avec] tous les coups durs que nous avons vécus, nous avons
relativisé beaucoup de choses, nous avons pris énormément de recul et
nous avons compris pas mal de choses dans notre fonctionnement
C’est pourquoi j’insiste sur la notion de persévérance qui doit être couplée au talent.
Clément : Oui mais ce que je crois surtout, c’est que comme le marché de la musique qui est calqué sur notre société actuelle dans laquelle tout est un produit qui doit être "bankable" très rapidement, au moindre coup dur, les gens arrêtent.
Effectivement, nous aurions pu arrêter mais nous avons persévéré sans jamais se fier à ceux qui savent mieux que tout le monde et qui ont la recette. Je suis dépité car on a l’impression de vivre une époque où on contrôle tout or on ne contrôle absolument rien. Du coup, quand tu fais quelque chose d’artistique dans laquelle tu te mets littéralement à poil parce que c’est très personnel finalement, tu le postes sur Youtube qui se l’approprie et tu ne sais pas ce qu’il va en faire, tu t’exposes, tu vas être critiqué… C’est déroutant ! Tout ça pour dire que je n’arrête pas de me contredire parce que je suis toujours en recherche. Et tous ceux qui ont LA formule miracle il y en aura toujours mais finalement, ce sont des cons parce que tu ne peux rien prévoir. Dans T.A.N.K., on essaie de faire la musique du mieux qu’on peut et si ça marche, tant mieux, dans le cas contraire, on se remettra naturellement en question… Un groupe est un collectif de personnes qui a quasiment tous les éléments contre lui si bien qu’aujourd’hui monter un groupe relève presque du masochisme (Rires). Mais un groupe est un collectif de personnes qui veut faire quelque chose de positif et souvent, c’est minimisé par toutes ces conneries qui sont fatigantes. Je ne dis pas que c’était mieux avant mais ce qui manque aux gens de plus en plus, c’est un détachement de tout ça. Je fais partie d’une génération qui n’a pas toujours connu Internet : du coup, j’estime avoir un détachement par rapport à cela : je l’utilise mais je n’en fais pas un fond de commerce comme certains le font.
A cet égard, on va faire une soirée avec T.A.N.K. dans le 77, nous allons rencontrer de jeunes groupes, ils vont nous poser des questions et nous allons leur donner - non pas ce que nous considérons comme étant la recette miracle - notre recette. Si elle marche pour certains, tant mieux.
En tous cas, pour cet album et tous les coups durs que nous avons vécus, nous avons relativisé beaucoup de choses, nous avons pris énormément de recul et nous avons compris pas mal de choses dans notre fonctionnement.
Merci
Clément : Merci à toi et j’espère que tu vas réussir à retranscrire tout cette longue interview pour les lecteurs de Music Waves (Sourire)…
Merci à Thibautk pour sa contribution ainsi que Jenna Lefebvre de
Rock'n'Live ainsi que Béranger Bazin de
Lykh'Arts pour leurs photos......